b. Coordination des politiques économiques
La coordination des politiques économiques
implique généralement la modification conjointe des politiques
nationales dans le but de prendre en compte l'interdépendance
internationale. Il s'agit donc d'une forme très exigeante de
coopération. Seulement, comment vérifier si une politique est
modifiée dans un souci de coordination ou simplement parce que la
situation ou les objectifs internes ont changé ? Deux arguments
suggèrent que la coordination des politiques économiques
améliore le bien-être global. Le premier a trait aux effets
externes qui caractérisent l'interdépendance économique
internationale, c'est-à-dire la transmission internationale des effets
des politiques économiques. Le second renvoie à l'existence de
biens publics internationaux, dont la gestion ne peut être garantie par
la décentralisation des politiques.
On distingue deux objectifs possibles pour la
coordination des politiques. En premier lieu, elle peut avoir pour but
d'exploiter l'interdépendance, en tenant compte des effets externes qui
nuisent à l'efficacité des politiques économiques. La
mobilité internationale des capitaux, l'insertion dans le commerce
mondial et la sensibilité aux variations des taux de changes sont des
vecteurs d'interdépendance internationale influents sur les politiques
nationales. En second lieu, la coordination des politiques économiques
peut avoir pour but de préserver ou d'améliorer le régime
international existant, c'est-à-dire de veiller à
l'approvisionnement des biens publics internationaux que l'action
décentralisée pourrait négliger (Frenkel et al.
[1991]).
La coordination doit-elle être structurée au
sein d'un cadre de règles formelles de politique économique, ou
laissée au libre arbitre des gouvernements ?
A moins d'être en mesure de déterminer un
ensemble exhaustif de règles spécifiant les réponses des
politiques économiques à chaque événement, la
notion de coordination stratégique relève davantage de la
discrétion. Un élément de réponse est
apporté par la théorie des jeux, où chaque gouvernement
maximise une fonction-objectif dans un environnement
déterministe1. Il dispose pour ce faire d'instruments de
politique économique qui interagissent avec ceux mis en oeuvre dans les
autres pays. Il s'agit dans ce cadre de comparer l'équilibre
coopératif du jeu avec l'équilibre non-coopératif. En
somme, la coopération améliore le bien-être
général et la capacité de chaque gouvernement à
réaliser ses objectifs (Cooper [1985]).
Concrètement, les études empiriques
portant sur l'évaluation des gains attendus de la coordination
stratégique des politiques économiques ont abouti à des
résultats différents. Une estimation des fonctions-objectif des
gouvernements sur la base des comportements passés, s'est
révélée peu concluante : les gains de la coordination
seraient de l'ordre de 0,5% du PIB (Oudiz et Sachs [1984]). Une façon
d'y remédier serait d'imposer des règles limitant la marge de
manoeuvre des politiques nationales. C'est l'interprétation que l'on
peut donner des règles budgétaires dans le processus
d'intégration européenne (3% et 60% au maximum pour les ratios de
déficits et de dettes publics).
La coordination par les règles semble
appropriée dans la gestion des biens publics car elle a l'avantage de
donner un signal plus clair et vérifiable, quant au respect des
engagements. En outre, les règles fournissent aux gouvernements une
contrainte extérieure utile pour contenir les groupes
d'intérêt nationaux susceptibles de pousser les politiques dans
une direction trop laxiste. Une analyser de la coordination des politiques
économiques en environnement incertain a conclue que ces deux facteurs
étaient positivement corrélés (Ghosh et Masson [1994]).
Rappelons que l'incertitude peut porter sur la connaissance de la situation
économique et sur les modes de transmission des politiques, ou encore
sur les stratégies des autres gouvernements.
Seulement, l'application d'un tel modèle se
heurte en réalité à des contraintes au niveau du
système de représentation. Sa faisabilité est probablement
la plus préoccupante dans la mesure où elle affecte la
possibilité de coordonner effectivement les instruments de la politique
économique. La politique monétaire, par exemple, relève de
l'autorité de banques centrales indépendantes, alors que les
politiques budgétaires sont décidées par les parlements
nationaux. Au final, l'orientation de la politique économique
résulte d'arbitrages internes laissant peu de place à une
négociation dans le sens de la coordination.
1 On peut aussi utiliser un
modèle avec des chocs aléatoires (d'offre ou de demande). Il ne
s'agit plus alors d'un environnement déterministe stricto
sensu.
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