WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Ressources fourragères et représentations des éleveurs, évolution des pratiques pastorales en contexte d'aire protégée. Cas du terroir de Kotchari à  la périphérie de la Réserve de biosphère du W au Burkina Faso

( Télécharger le fichier original )
par Issa Sawadogo
Museum national d'histoire naturelle de Paris (ED 227) - Docteur du museum national d'histoire naturelle spécialité physiologie et biologie des organismes  2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

7.2. Conclusion générale

7.2.1. Les dynamiques biologiques et socio-économiques mises en évidence

La recherche a mis en évidence deux dynamiques qui se déroulent de manière concomitante et qui sont fortement dépendantes : des dynamiques biologiques au niveau de la ressource et des dynamiques socio-économiques au niveau des éleveurs et de leurs activités productives.

Les dynamiques biologiques

La caractérisation des écosystèmes pastoraux du terroir de Kotchari a montré une forte diversification de leur flore herbacée (richesse spécifique et équitabilité élevées par rapport aux unités de l'aire protégée voisine) en particulier dans les milieux les plus anthropisés (plateaux plus ou moins cuirassés aux sols superficiels ou peu profonds, plateaux et plaines cultivées à sols plus ou moins profonds). Celle-ci s'accompagne d'une extinction locale d'espèces, de la banalisation de la flore en particulier sur les plateaux dans lesquels des espèces exotiques à large distribution (phorbes : légumineuses et herbes diverses) prennent de l'importance (voir aussi Sawadogo et al. sous presse). L'ensemble des unités connaissent un envahissement arbustif ce qui préfigure un début d'embuissonnement (fortes proportions d'arbustes et sous-arbustes dans la strate ligneuse). Les causes à ces tendances n'ont pu être clairement établies, on sait seulement que divers facteurs directs ou indirects de fonctionnement et/ou de perturbation (le feu, les activités agricoles, l'exploitation animale et les prélèvements domestiques) interviennent parfois concomitamment, ils voient leur intensité se renforcer avec la pression démographique et la transhumance. Les travaux de Caillault (2009) montrent que, dans notre zone, les feux de brousse sont généralement irréguliers et peuvent être précoces (en particulier sur les milieux plus secs) ou tardifs (dans les sites humides).

Les savanes parcs ou mosaïque agroforestière (UPP5) sont les zones de forte concentration des parcelles cultivées, les paysages y sont donc fragmentés et les pâturages sont peu accessibles en saison des pluies alors que les feux de brousse qui y surviennent ont des effets limités à cause de cette fragmentation. Sur ces unités, il y a donc une prééminence des activités agricoles dans l'évolution des milieux, en témoigne leur colonisation par des espèces messicoles (adventices annuelles) qui ont pris place au détriment des graminées pérennes endémiques des savanes et caractéristiques de milieux stables (Schnell, 1971 ; Daget & Godron, 1995 ; César, 2005) et qui sont par ailleurs les plus recherchées par le bétail (Boudet, 1978 ; César, 1994). A côté de ce phénomène d'extinction locale d'espèces (Kièma S., 2007),

les défrichements agricoles ont fini par éliminer pratiquement la strate ligneuse arborée, d'oüles très faibles densités et recouvrements observés alors que le feu y favorise des formations buissonnantes dans lesquelles dominent des arbustes et sous-arbustes.

247

Les glacis (UPP3), les divers plateaux et plaines (UPP4), de même que les buttes et cuirasses (UPP6)105 dans une moindre mesure, sont des jachères de divers âges généralement jeunes à moyens. Ce sont les sites les plus pâturés en saison humide et ils y sévissent aussi les feux de brousse dont l'importance est fonction de la biomasse herbacée (faible dans UPP6) et de son organisation spatiale, c'est-à-dire son degré de fragmentation (la couverture herbacée est interrompue par les champs plus nombreux sur UPP3 et UPP4 ou par les ruptures naturelles que représentent les plages de cuirasse ou d'affleurement rencontrées sur UPP6). Sur ces différentes unités donc, l'évolution progressive de la végétation qui succède à la mise en culture (succession post culturale) (Boudet, 1978 ; César, 1991 ; Zoungrana, 1993 ; Daget & Godron, 1995 ; Hien, 1996 ; Fournier et al. 2001 ; Botoni-Liehoun et al. 2006) est influencée par l'action du feu et de la pâture qui sont parfois complémentaires sans que l'on sache laquelle est prépondérante (Botoni, 2003 ; Kièma S. 2007). Cette action sur le jeu normal de la succession végétale qui, dans les jachères d'âge avancé, permet d'ordinaire le retour des graminées pérennes initiales, par suite de remontée biologique (Daget & Godron, 1995) seulement possible sur les sols profonds et humides, aboutit à des écosystèmes particuliers. En effet, la pâture est un facteur de déséquilibre entre les strates ligneuse et herbacée (Boudet, 1978), elle réduit la couverture herbacée amoindrissant ainsi la force des feux de brousse, ce qui favorise l'envahissement en ligneux de parcours (d'où la plus forte densité ligneuse de ces unités) qui vivent moins la concurrence des herbacées et qui, par ailleurs prennent un port arbustif, ce qui explique le faible recouvrement ligneux; il semble donc s'y dérouler un phénomène d'embuissonnement. Par ailleurs, les modifications induites sur le substrat par le piétinement et par l'apport de nutriments par les fèces, l'importation des graines principalement d'adventices et d'espèces ligneuses du groupe des légumineuses par endozoochorie, épizoochorie (Boudet, 1978 ; Daget & Godron, 1995 ; Devineau, 1999 ; Kièma S., 2007) ou par les fèces et le prélèvement orienté sur les graminées vivaces (Akpo et al. 1995) vont entraîner une modification de la flore notamment herbacée et une augmentation de la diversité végétale (richesse, équitabilité, diversité béta et même diversité gamma). L'importance accrue des espèces annuelles et des espèces exotiques, généralement des phorbes (légumineuses et herbes diverses) indicatrices de dégradation pastorale et la forte équitabilité (espèces présentes en des proportions voisines) témoignent de l'instabilité de ces milieux. Sur UPP6, où le sol est squelettique, l'action du bétail est sans effet majeur sur le sol, elle se réduit essentiellement à l'apport d'espèces exotiques (Kièma S., 2007).

Dans les écosystèmes sur sols profonds humides moins anthropisés (UPP1 et UPP2) le milieu est relativement moins perturbé, ces unités sont en effet moins diversifiées (richesses spécifiques moindres, léger déséquilibre dans la proportion des espèces herbacées) et les espèces savanicoles endémiques (les graminées vivaces) y sont plus fortement représentées.

La dégradation des écosystèmes du terroir ne fait l'objet d'aucun doute, mais elle reste limitée et l'on peut espérer que la capacité de résilience106 de ceux-ci (Daget & Godron, 1995 ; Boutrais, 1996) reste préservée. En d'autres termes on peut supposer que leur

105 Nous sommes réservé lorsque nous considérons les buttes et cuirasses comme ayant été cultivées par le passé comme c'est le cas maintenant à cause de la pression foncière sur les terres arables et mêmes les terres marginales incultes du terroir.

106 La résilience est la capacité d'un système à se relever après une phase de déstructuration due à une pression d'exploitation forte ou à une variation importante des facteurs climatiques, notamment la pluviométrie.

reconstitution serait possible si les pressions anthropiques actuelles venaient à être allégées et la possibilité d'accès à toutes les unités accrue par la levée des obstacles qui entravent cela (par exemples : une réorganisation de l'occupation de l'espace, abandon des pratiques agricoles sur les pistes d'accès et dans les zones de pâture traditionnelles). Ce, d'autant plus que dans ce contexte de fragmentation importante du paysage, la fréquentation des milieux reste difficile à prévoir (Nori et al. 2008) et des risques de surcharge (et donc de dégradation) localisée, notamment des portions les plus accessibles, sont à craindre.

Dans les aires protégées voisines, où seul le feu, qui y est généralement précoce, régulier et intense (Caillault, 2009), est important (perturbation moindre qu'en périphérie), la végétation herbacée est relativement stable (faibles diversité, équitabilité et hétérogénéité) avec une dominance marquée de quelques herbacées hémicryptophytes reconnues comme productrices d'une biomasse importante et de qualité. Dans ces unités, en particulier les savanes de bas-fonds à pérennes (UPw3) où l'herbe est haute et dense, les feux, malgré leur précocité (la mise à feu a lieu en octobre), sont violents et limitent ainsi la densification en ligneux du milieu (Monnier, 1981 César, 1991 & 1994 ; Bruzon, 1995 ; Western & Maitumo, 2004 ; Bond & Keeley ; 2005 ; Lavorel et al. 2007). Dans ces écosystèmes dont la composante ligneuse est dominée par la strate arborée, le recouvrement est meilleur qu'en périphérie malgré une densité plus faible. L'absence notable de pâture maintient une importante biomasse herbacée qui, par le jeu de la concurrence, arrive à limiter l'envahissement du milieu par les ligneux.

Les dynamiques socio-économiques

Les éleveurs sont soucieux d'assurer l'adaptation de leurs systèmes d'élevage dans un environnement aussi changeant. Pour assurer la survie du bétail et donc la leur, ils mettent en place des stratégies et adoptent des pratiques visant à mieux tirer profit des opportunités offertes par leur environnement socio-économique et écologique. Face donc aux mutations économiques (pluriactivité des ménages, essor de la culture du coton, etc.), sociales (pression démographique, recul de la réciprocité et des complémentarités, rivalités pour l'accès aux ressources pastorales, etc.) et environnementales (détérioration qualitative, réduction et obstruction des pâturages) les différents groupes d'éleveurs émettent des réponses révélatrices des représentations qu'ils ont de leur milieu et témoins de la manière dont chacun vit ces changements. Ainsi, en réponse à ces dynamiques biologiques qu'ils contribuent à imprimer107, les 4 groupes et sous-groupes d'éleveurs dont les élevages gardent le caractère de banque traditionnelle (grande taille, éleveur naisseur, faible utilisation d'intrants, etc.) (Daget & Godron, 1995 ; Boutrais, 1994 & 1996), changent, suivant l'accroissement de leurs effectifs, la configuration des troupeaux. Ils sélectionnent les espèces les plus économiques (ovins et surtout bovins) et diversifient les races bovines (cette diversification est plus lente chez les transhumants non résidents) mais seulement avec les races les plus adaptées au contexte local. Les éleveurs restent toutefois attachés à leurs races traditionnelles (Barbaji pour les Gourmantchés, Gurmaji pour les éleveurs Peuls résidents ou transhumants nationaux

107 Nous n'oublions cependant pas le rôle majeur que joue la péjoration (chute de la pluviométrie, fortes variabilités de la pluviosité) en contexte aride ou semi-aride comme le nôtre (Breman et De Ridder, 19991 ; Scoones, 1995 & 1999),

249

et Jaliji pour les transhumants nigériens) même lorsqu'elles ne sont plus adaptées (la Jaliji ne supporte pas la longue marche, elle est par ailleurs peu trypanotolérante, mais elle n'est présente dans le terroir qu'en saison sèche pendant laquelle le risque est moindre). Aussi, les races Boboroji et Kiwali restent présentes dans les élevages peuls bien qu'étant très peu adaptées au contexte local caractérisé par la basse des productions fourragères. Par ailleurs, l'insécurité physique (vol, prédation, abattage, embourbement, etc.), sociale (risque de conflits liés aux dégâts champêtres ; exclusion par les agroéleveurs Gourmantchés) et alimentaire (parcours pauvres, rares et à exploitation très concurrentielle) du bétail s'agrandissant, les éleveurs, en particulier les peuls, renforcent la surveillance par subdivision, plus que par le passé, de leurs troupeaux en deux voire trois lots et en augmentant le nombre de bergers issus, par ailleurs, de leurs ménages ou comprennent un membre du ménage. La satisfaction des besoins alimentaires est assurée par la complémentation avec la paille naturelle et/ou cultivée interne (résidus produits dans l'exploitation) ou externe (achat). L'achat est caractéristique des élevages peuls résidents, mais aussi allochtones dans une certaine mesure, il peut concerner les concentrés (sons, graines, tourteaux divers). Malgré tout, les troupeaux n'arrivent plus à se satisfaire localement et l'espace pâturé est de plus en plus ample : les terroirs voisins sont de plus en plus visités mais en deçà de ce à quoi on devait s'attendre, en réalité les éleveurs surtout peuls exploitent les réserves qui semblent participer à réguler localement les charges à la fois en saison sèche qu'en saison pluvieuse. La fréquentation plus que probable des réserves en saison des pluies, bien que non révélée est plausible malgré les risques (humidité et glossines) que cela comporte. Elle peut jouer un rôle décisif dans l'évolution des pâturages périphériques qui, en cette saison, présentent un bilan fourrager "négatif", ce qui est porteur de menaces sur leurs capacités productives.

En définitive, la taille du troupeau apparait comme le facteur qui détermine toute les stratégies de l'éleveur.

Le modèle d'action développé par les éleveurs pour valoriser les pâturages et qui traduit leur bonne connaissance des milieux (potentiel et dynamiques qui y ont cours) et la rationalité dans les prises de décision (en réponse à la triple question : quel pâturage ? à quel moment ? pour quel gain ?), se trouve, à l'épreuve de la réalité, confronté à des obstacles divers (obstruction de couloirs, inaccès de pâturage, assèchement des points d'eau, etc.) dont l'acuité est fonction de la taille du troupeau. Les aspects fonciers sont aussi non négligeables, les transhumants non résidents par exemple ont moins accès aux unités cultivées pour y effectuer la vaine pâture et, si en général les distances parcourues sont plus grandes en saison sèche, elles le sont davantage pour ce type d'éleveurs à l'encontre desquels une grande hostilité est développée.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld