6.4. Conclusion
L'étude des savoirs techniques et des pratiques des
éleveurs a montré que ceux-ci ont une bonne connaissance de leurs
milieux qu'ils catégorisent sur des critères topographiques,
géomorphologiques et fonctionnels (types d'usage agropastoral). Par
ailleurs, les éleveurs, qu'ils soient Peuls ou Gourmantchés,
classifient leurs catégories pastorales selon plusieurs
paramètres dont l'importance varie selon les saisons. En saison
pluvieuse, ce sont la praticabilité des sites liée à leur
degré d'humidité et à l'absence de risque de conflits
pouvant résulter de dégâts champêtres, qui sont les
paramètres mis en avant pour juger de l'intérêt d'un
pâturage. La qualité des fourrages est aussi prise en compte
notamment pendant la phase de fin de développement de la strate
herbacée (Yaamde : octobre-novembre). En saison sèche,
notamment chaude, l'accès à l'eau d'abreuvement parait être
le critère primordial avec la disponibilité en fourrage.
La mise en parallèle entre chaîne de
pâturage dans les représentations des éleveurs et
chaîne de pâturage effectivement réalisée montre que
les pratiques des éleveurs s'opèrent selon un schéma qui
prend en compte l'état de la ressource (nature, quantité et
qualité du fourrage) et les contraintes (accessibilité, pression
d'utilisation, distance au campement, feux de brousse, etc.) qui se posent
à eux. Par exemple on s'attendait à ce qu'en fin de saison
sèche chaude (Kotoga ou A sakoana : voir TrpC1-2G et
TrpC1-2P), les troupeaux soient bien présents sur les unités
cultivées (plaines sablo-limoneuses et plateaux) où des jeunes
pousses surviennent suite aux premières pluies, mais il n'en est rien.
En réalité, les pluies étaient peu tombées et n'ont
pas pu provoquer la germination notable d'adventices, bien recherchées
en cette période.
L'autre enseignement notable de cette étude, c'est que,
à cause des nombreuses contraintes (champs et sites impraticables
notamment en saison de pluies ; rareté des points d'eau, grande
pauvreté des parcours en fin de saison sèche), les
éleveurs semblent, pour ce qui est des quatre cas suivis, se cantonner
chacun dans le secteur du territoire pastoral situé à
proximité de son campement. Cette attitude semble s'opérer selon
la théorie de l'optimisation des gains ou encore de l'alimentation
optimale qui est de maximiser le bilan énergétique comme l'a
rappelé Kagoné (2000). En clair, l'éleveur évite de
faire dépenser de l'énergie à son troupeau, le
déplacement ayant un coût comme le rappelle Kièma S.
(2007), sans être sûr de la compenser. Il faut noter avec Daget
& Godron (1995) que l'éleveur sur parcours se confronte à une
double exigence : (i) produire de la viande, du lait, de la laine, etc. de la
manière la plus rationnelle et la moins coûteuse, (ii) veiller en
même temps à maintenir ou à restaurer l'équilibre du
milieu qu'il exploite. Si la première exigence est en permanence
à l'esprit des éleveurs de notre terroir, la deuxième
semble peu prise en compte (éleveurs de
type C1 : sédentaires aux petits effectifs) ou non
affirmée (éleveurs transhumants non résidents de type C3)
sauf chez les éleveurs résidents transhumants.
Tout indique finalement qu'en situation d'absence de
contraintes il est possible de traduire le comportement des troupeaux au
pâturage qui ne serait que la traduction pratique des savoirs techniques
que mettent en oeuvre les éleveurs pour faire exploiter les milieux par
leurs troupeaux.
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