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Ressources fourragères et représentations des éleveurs, évolution des pratiques pastorales en contexte d'aire protégée. Cas du terroir de Kotchari à  la périphérie de la Réserve de biosphère du W au Burkina Faso

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par Issa Sawadogo
Museum national d'histoire naturelle de Paris (ED 227) - Docteur du museum national d'histoire naturelle spécialité physiologie et biologie des organismes  2011
  

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6.3.3.3. Synthèse sur le comportement du troupeau au pâturage

6.3.3.3.1. Un comportement territorial, révélateur de l'état (disponibilité et distribution des ressources) des parcours.

Les circuits de troupeaux suivis pendant les cinq saisons du calendrier pastoral ont montré que chacun des éleveurs exploite un secteur particulier du terroir avec parfois une mobilité des parcs de nuit pour prévenir les risques de vol (en saison sèche le parc est ramené près des concessions) et d'humidité (en saison pluvieuse le campement est délocalisé sur les hauteurs : plateaux et flancs de la chaîne). Le troupeau transhumant résident (Trp), qui a le plus changé l'emplacement du parc de nuit de son troupeau, exploite le secteur le plus humide du terroir.

Le tableau VI-17 reprend de manière synthétique les temps de présence au pâturage et les distances parcourues par l'ensemble des troupeaux au cours de la période de suivi (novembre 2008 à octobre 2009). Les statistiques issues de notre étude de quatre troupeaux montrent que les plus grandes distances sont couvertes en saison sèche particulièrement en fin de saison de soudure (Ceedu / Ku tontogu) et que plus le troupeau est de grande taille, plus grande est cette distance exception faite au Kotoga /A sakoana où la plus grande distance est réalisée par le plus petit (TrpC1-2G) des deux troupeaux qui ont été suivis. Petit (2000a & 2000b), dans ses travaux à Kourouma, fait les mêmes observations chez les agroéleveurs résidents de cette localité; il en est de même des observations faites par Diallo (2006) à Koumbia-Waly. Nos données s'opposent assez sensiblement à celles obtenues dans le centresud du Burkina (Kagoné, 2000), ou auprès des éleveurs peuls de Kourouma (Petit, 2000a) ou encore chez une communauté Mbororo de Centrafrique (D'Amico et al. 1995) ou du nordCameroun (Dongmo, 2009). Par ailleurs, Petit (2000a) et Dongmo (2009) ont observé comme nous que les troupeaux des agroéleveurs sédentaires (équivalents des troupeaux gourmantchés : TrpC1-2G) couvraient moins de distance que ceux des éleveurs professionnels (ici Trp à TrpC3) quelle que soit la saison. La première explication qui peut être avancée est que les troupeaux des agro éleveurs sont généralement de plus petite taille que ceux des Peuls, ce qui leur permet un déplacement moins soutenu sur parcours. Cette taille relativement petite est aussi un atout lorsqu'il s'agit d'exploiter les interstices des unités fortement cultivées comme UPP5, UPP3 et UPP1.

Tableau VI-17. Temps de présence au pâturage et distances parcourues par les troupeaux au cours de la période de suivi

Paramètres

Saisons

TrpC1-2G

TrpC1-2P

Trp

TrpC3

 

Dabunde

7,63

8,84

10,24

12,02

 

Ceedu

9,94

10,77

11,16

13,03

Distance moyenne

Kotoga

12,19

10,36

 

----

Parcourue (km)

Ndungu

6,49

8,35

8,97

----

 

Yaamde

7,13

8,2

8,46

----

 

Moyenne

8,68

9,3

9,71

12,53

 

Dabunde

8h 31mn

9h 17mn

9h 10mn

9h 52mn

Temps moyen

Ceedu

9h 52mn

9h 19mn

9h 29mn

10h 19mn

228

au pâturage Kotoga 9h 30mn 9h 10mn ----

Ndungu 8h 30mn 9h 04mn 9h 21mn ----

Yaamde 8h 07mn 8h 57 mn 9h 11mn ----

Moyenne 8h 54mn 9h 09mn 9h 18mn 10h 05mn

Dabunde = fin Ku fowagu (mi-novembre à février) Ceedu = Ku tontogu (mars à mai)

Kotoga = A sakoana (fin mai à début juin)

Ndungu = Ku siagu (juin à début octobre)

Yaamde = début Ku fowagu (octobre à début novembre)

Dans nos observations les troupeaux ont passé plus de temps au pâturage en saison sèche qu'en saison pluvieuse, ce qui est conforme aux observations de Dongmo (2009) mais contraire à celles de Daget & Godron (1995) et Petit (2000a) ; ces deux derniers auteurs font remarquer qu'en saison sèche, les animaux diminuent leurs activités de pâturage (temps de présence au pâturage) tout en augmentant leur durée de prise alimentaire. Il nous semble qu'une telle affirmation doit cependant être nuancée. Nous avons, en effet, constaté que le troupeau passait beaucoup de temps à se déplacer d'un secteur à un autre en saison sèche et, en conséquence, consacrait moins de temps au broutage en cette saison comparativement à la saison pluvieuse.

Tableau VI-18. Diverses données de distance parcourue par le troupeau au pâturage.

 
 
 

Saisons

 

Sources

 

Saison sèche

 

Saison humide

Dabunde

Ceedu

Kotoga

Ndungu

Yaamde

 

10

10,9

8

8

8,3

Diallo, 2006

 

5,22

4,82

4,38 - 9,60

7,99

5,94

Dongmo, 2009

 
 
 
 
 
 

(agroéleveurs)

Distance au
pâturage

9,84

8,30

----

9,46

8,60

Dongmo, 2009
(éleveurs)

(km)

----

12

----

9

----

Petit, 2000a

 
 
 
 
 
 

(agroéleveurs)

 

----

7

----

9

----

Petit, 2000a (éleveurs)

 

----

----

----

7,5 - 13,7

----

Kagoné, 2000

 
 

5-8

 

> 8

 

D'Amico et al. 1995

6.3.3.3.2. Un objectif sous-jacent : maximiser le bilan énergétique

Nos données montrent qu'en général, la saison sèche (Ceedu / Ku tontogu et Kotoga /A sakoana) est la période où le troupeau, quel qu'il soit, parcourt le plus de distance. Il y a, par ailleurs, plus de temps mis au pâturage, une grande part de ce temps étant allouée aux activités de déplacement et d'abreuvement également beaucoup plus importantes en cette saison (figure VI-11). La figure montre, par ailleurs, qu'au pâturage le troupeau consacre au moins 60% de son temps au prélèvement alimentaire (broutage), le reste du temps étant consacré par ordre d'importance au déplacement, au repos-rumination et, enfin, à

l'abreuvement. Cette allocation de temps aux activités est assez fluctuante en fonction des saisons. Le broutage et le repos-rumination atteignent leur maximum en saison pluvieuse, période où le déplacement et l'abreuvement, au contraire, sont à leur minimum et inversement en saison sèche. Ainsi, selon les périodes, le comportement des troupeaux est tributaire d'une préoccupation essentielle relative à deux paramètres (l'accès à l'eau et au fourrage) : subvenir à leurs besoins au moindre coût. Pike et al. (1977) ainsi que Dumont et al. (2001) le confirment lorsqu'ils rappellent que le choix des sites par les éleveurs et leurs troupeaux est déterminé par la théorie de l'alimentation optimale. D'après cette théorie (Kagoné, 2000 ; Dumont et al. 2001), le troupeau sur parcours cherche constamment à maximiser son bilan énergétique. Cette préoccupation sous-jacente qui guide le troupeau, à travers les animaux leaders, va pousser celui-ci à " être assez regardant " sur le coût énergétique que vont exiger les déplacements entre les différents secteurs du territoire pastoral (Wallis de Vries, 1996). Ce qui va déterminer au final le choix de fréquenter ou de délaisser certains secteurs du terroir, le troupeau étant capable selon Dumont et al. (2001) de moduler son déplacement en fonction du rapport entre la valeur du site (gain espéré en énergie) et la distance à parcourir pour y accéder (dépense en énergie).

230

6.3.3.3.3. Des itinéraires dont la forme est imprimée par la conjonction de plusieurs paramètres.

Plus les pâturages sont riches (cas de la plupart des unités paysagères pastorales en saison pluvieuse, des unités cultivées pendant la vaine pâture et des unités de bas de pente en certains moments de la saison sèche), plus le rythme de paissance (prise alimentaire) est lent. A contrario, plus les pâturages sont pauvres (saison sèche chaude), plus ce rythme est rapide (Bailey et al. 1996 in Kagoné, 2000 ; Diallo, 2006). Selon Petit (2000a), cette variation de rythme peut faire baisser sensiblement l'efficacité de la pâture par suite de grandes dépenses énergétiques en période de pénurie. Par ailleurs, ces déplacements sont caractérisés, en cette saison de disette (saison de rareté et d'extrême discontinuité des ressources), par des circuits relativement plus amples et plus sinueux témoins d'un espace plus ouvert et de fréquentes marches des troupeaux d'un secteur à un autre du territoire afin d'exploiter la grande diversité des milieux. Le temps plus long consacré à l'abreuvement en saison sèche s'explique par la pression qui s'exerce sur les points d'eau devenus moins nombreux, localisés en des points particuliers du paysage, souvent regroupés et le plus souvent d'usage mixte. Ceux des éleveurs, les plus nombreux d'ailleurs, qui ne peuvent avoir accès à ces points d'eau (c'est le cas des transhumants) ou qui fuient la concurrence consécutive à cette pression, vont creuser des puisards dans les lits des cours d'eau. L'abreuvement en ces points d'eau de fortune prend énormément du temps puisque le berger doit faire remonter l'eau avec des puisettes.

En saison pluvieuse (Ndungu / Ku siagu surtout) quand l'herbe et l'eau (flaques et mares disséminées dans les pâturages) sont abondantes dans l'ensemble du territoire, les déplacements des troupeaux sont plus linéaires, moins amples et s'effectuent à un rythme lent, preuve d'une relative abondance (Kagoné, 2000 ; Diallo, 2006). Parallèlement, un temps de repos plus long est nécessaire pour permettre de digérer les grandes quantités de nourriture ingérées à la suite d'une grande activité de broutage (figure VI-11).

La taille du troupeau semble aussi influencer son comportement au pâturage. Nos données indiquent en effet que, plus le troupeau est grand, plus la distance qu'il parcourt chaque jour est grande (exemple TrpC3). Cette constatation a été aussi faite par Petit (2000a) à Kourouma dans l'ouest burkinabè et par Dongmo (2009) au Nord-Cameroun. En effet, les grands troupeaux épuisent plus vite le fourrage d'un secteur donné du pâturage et passent plus rapidement à un autre. Une autre explication logique réside dans le fait que, plus le troupeau est grand, plus ses besoins sont importants et il lui faut davantage de fourrage. Il se déplacera alors à un rythme plus élevé et couvrirait en conséquence une plus grande distance.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand