1.3. Questionnement scientifique et hypothèses
de recherche
Le terroir de Kotchari comme la plupart des terroirs riverains
du parc W voit son effectif en bétail s'accroître
considérablement en saison sèche du fait de la venue massive des
transhumants (Toutain et al. 2001 ; Paris, 2002 ; Sawadogo, 2004). Par
ailleurs, depuis l'arrivée de la culture cotonnière en 1996/97,
la tendance dans tous les terroirs de la zone est à l'occupation des
espaces jadis considérés comme incultes et exploitées par
le bétail local et transhumant.
Question 1 : Dans ces conditions, quel est le
niveau de saturation de l'espace et quelle place est offerte à
l'élevage notamment pastoral dans le terroir et ses environs ?
Hypothèse 1: L'afflux de
nombreux troupeaux transhumants qu'on observe chaque année sur le
terroir de Kotchari et ses environs ne s'explique pas, comme il est souvent
dit,
par la disponibilité en ressources pastorales dans
les espaces légalement accessibles (périphérie du Parc).
L'intérêt pastoral du terroir de Kotchari est plutôt
lié à l'opportunité qu'il peut offrir d'accéder
illégalement aux ressources du Parc du W
L'élevage pastoral est « un modèle constant
parmi les bergers peuls de la zone savane» (Stenning, 1959). Selon
Boutrais (1997), les pasteurs, face aux changements globaux qui
s'opèrent depuis maintenant quelques décennies, mettent en place
des stratégies d'adaptation. Ainsi par exemple, Convers (Com. pers,
2006) a relevé qu'en réponse à la surveillance accrue
des aires protégées dans la région du parc W qui
résulte de la mise en place du programme ECOPAS, les éleveurs
transhumants ont adopté trois types de trajectoires: (i) la capitulation
avec changement d'activité, (ii) l'adaptation par la mise en place de
stratégies nouvelles tendant à exclure la pâture
illégale dans les aires protégées et (iii) la
résistance. On peut penser que ce type de réaction est aussi
celui des autres catégories d'éleveurs identifiées dans la
région du terroir de Kotchari.
Question 2 : Quelles sont les décisions
que prennent les éleveurs face aux changements globaux et comment les
mettent-ils en oeuvre dans la région de Kotchari ?
Hypothèse 2: Les
systèmes d'élevage sédentaires ou mobiles subissent des
mutations perceptibles au travers des pratiques des éleveurs qui se
modifient pour s'adapter aux nouvelles conditions locales.
Question 3 : Sur quelle évaluation et
représentations du milieu s'appuient les stratégies quotidiennes
et saisonnières des éleveurs à l'échelle locale?
Hypothèse 3.1 : Dans une
localité donnée, les éleveurs évaluent et classent
les pâturages sur des critères écologiques (qualité
pastorale du moment), mais aussi en termes de risques de conflits, de risques
sanitaires, etc. L'évaluation et donc la classification d'un milieu
donné change en fonction des périodes de l'année.
Hypothèse 3.2 : Dans une
localité donnée, le choix des itinéraires par les animaux
et/ou leurs bergers repose sur cette évaluation/classification locale
qui croise une classification des milieux végétaux et une
échelle de risque. Il se fait en fonction de la distribution
spatiotemporelle et de la valeur pastorale des ressources
végétales ainsi que du niveau d'exposition aux différents
risques évoqués.
Au Burkina comme dans tous les pays de cette partie de
l'Afrique, l'élevage pastoral reste tributaire des ressources naturelles
pour la satisfaction de ses besoins alimentaires. Ces ressources naturelles,
à cause de la forte variabilité climatique saisonnière et
interannuelle, sont inégalement réparties dans l'espace et le
temps. Pour assurer la survie de leurs animaux, les éleveurs adoptent
des stratégies d'exploitation opportuniste des ressources
fourragères là où elles se trouvent, ce qui requiert une
grande mobilité dans l'espace. En effet, à certaines
périodes de l'année ou lors d'années à conditions
climatiques difficiles, les ressources se trouvent confinées dans
certaines régions ou certains espaces particuliers (bas-fonds
notamment). Ces «poches de ressources » assurent un rôle
déterminant dans la survie du bétail aux moments cruciaux de
l'année. L'accès à ces milieux, parfois qualifiés
de « ressources clefs » (Hatfield & Davies, 2006) ou de «
ressources stratégiques » ou encore de « filets de
sécurité » (Pratt & Gwynne, 1977.) est, en effet,
indispensable au fonctionnement des
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systèmes pastoraux qui, autrement, s'effondreraient.
Ces auteurs classent les bas-fonds, les plaines d'inondations ou
marécages et les réserves sylvopastorales dans la
catégorie de ressources clefs. Dans le contexte actuel de forte pression
foncière, ces ressources sont cependant menacées de disparition
ou rendues inaccessibles pour les animaux dans de nombreuses contrées du
pays, ce qui pousse les éleveurs à la transhumance, soucieux
qu'ils sont du bien être de leurs troupeaux (Toutain et al. 2001
; Paris, 2002 ; Kagoné, 2004). Cette pression foncière sur ces
milieux particuliers, s'est accrue ces dernières années avec la
multiplication de projets de « petite irrigation villageoise ».
Grâce aux aménagements rendus possibles par les subventions, ces
projets, permettent aux populations d'occuper les abords des points d'eau
naturels ou non et d'y pratiquer une culture de saison sèche (ou de
contre saison). Ce type d'utilisation des milieux clés pour
l'élevage ne semble pas, pour le moment, toucher la région de
Kotchari, il faudrait cependant en préciser la raison : simple retard,
caractéristiques du milieu naturel ou causes culturelles ou sociales
?
Question 4 : Le terroir de Kotchari
recèle-t-il de ressources considérées comme essentielles
par les éleveurs?
Hypothèse 4. Dans le terroir
de Kotchari et ses environs, il existe des espaces comme les bas-fonds,
considérés comme étant des ressources clés pour
l'élevage pastoral.
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