1.2. Problématique et justification de la
recherche
L'élevage pastoral est un système qui consomme
beaucoup l'espace. Il est le mieux adapté aux conditions des
régions climatiques arides et semi-arides dans lesquelles la
pluviosité et les ressources pastorales sont sujettes à une forte
variabilité spatiale. Il est d'ailleurs maintenant reconnu et
accepté que la mobilité des animaux constitue une
nécessité écologique dans ces zones (Benoit, 1976 ;
Toutain, 2001 ; Touré, 1997). Ce système multiséculaire,
qui s'est forgé et affiné dans le temps, est très
cohérent : la mobilité très variable des animaux leur
permet d'accéder à des ressources très variées par
leur nature et leur
12 Cette culture existait déjà
traditionnellement et a même été l'objet de promotion en
1978 par le Projet de Développement Agricole Intégré
(PDAI) avec des résultats mitigés (Guibert & Prudent,
2005).
13 Barrière & Barrière (1997)
prévoient que dans un contexte de morcellement des unités de
production, la compétition pour le contrôle de l'espace-ressource
est inévitable.
12
quantité, mais dispersées dans l'espace. De nos
jours, quelle que soit l'échelle d'analyse adoptée, l'espace et
donc les ressources qui lui sont liées se raréfie et en vient
même à manquer dans certains terroirs où il devient l'objet
de compétitions rudes entre différents groupes
d'intérêts.
Nos travaux antérieurs (Sawadogo, 2004) ont
montré que les Peuls, majoritaires parmi les éleveurs dans la
région du parc W, sont considérés comme des
étrangers dans les terroirs qu'ils habitent, même lorsqu'ils sont
sédentaires. Et comme tels, le droit d'appropriation de
l'espace-ressource (Barrière & Barrière, 1997) et parfois
même d'y accéder leur est souvent dénié. Cette
constatation avait déjà été faite par d'autres
auteurs notamment Thébaud (1995) et Kaboré (2010) ailleurs au
Burkina et au Niger. On peut craindre (Ouédraogo, 2000) qu'avec la
décentralisation qui vient d'être mise en route, cette situation
n'empire, en prenant cette fois des formes légales.
On le voit donc, le problème majeur est une menace sur
la viabilité même de l'élevage pastoral et des
écosystèmes sur lesquels il repose. Pourtant la subsistance de ce
type d'élevage reste nécessaire sur un plan économique et
éthique, certains arguments écologiques soutiennent d'ailleurs
l'idée qu'à un niveau de charge raisonnable le bétail
participe à l'entretien des milieux (Boudet, 1991; Steinfeld et
al. 1997).
Au plan économique, rappelons que l'élevage
burkinabé, qui est surtout pastoral, est une activité motrice de
l'économie nationale, tant par sa contribution à la croissance du
Produit Intérieur Brut que par son rôle dans l'équilibre de
la balance commerciale (respectivement 12% et 18,6%). Il intervient aussi dans
l'amélioration des conditions de vie des populations : 86% d'entre elles
en tireraient une part non négligeable de leur revenu (MRA, 2005).
Au plan éthique, le pastoralisme et notamment la
transhumance constitue un système de vie (Daget & Godron, 1995 ;
Boutrais, 1997 ; Wane, 2006) qui est comme tout autre, respectable. Il serait
donc légitime qu'un droit soit reconnu aux peuples pasteurs (les Peuls
dans ce cas) pour qu'ils puissent continuer à le pratiquer en l'adaptant
cependant aux conditions du moment.
|