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Ressources fourragères et représentations des éleveurs, évolution des pratiques pastorales en contexte d'aire protégée. Cas du terroir de Kotchari à  la périphérie de la Réserve de biosphère du W au Burkina Faso

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par Issa Sawadogo
Museum national d'histoire naturelle de Paris (ED 227) - Docteur du museum national d'histoire naturelle spécialité physiologie et biologie des organismes  2011
  

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5.3.4.4. Complémentation des anim aux

La forte pression animale sur les ressources pastorales, qui découle de l'accroissement permanent des effectifs animaux dans le terroir et de l'allongement de la saison sèche, a conduit à l'émergence de nouvelles pratiques d'alimentation. Celles-ci viennent en appoint à l'exploitation directe du fourrage naturel des parcours qui, à elle seule, ne suffit plus à satisfaire aux besoins d'entretien et de production des animaux en saison sèche.

De nos jours chez les éleveurs non transhumants (C1), de grands agriculteurs aux petits effectifs, la complémentation est courante ; les pratiques de complémentation dominantes consistent à la valorisation des résidus de cultures (tiges de céréales, fanes d'arachide et de niébé), cependant un bon nombre d'entre eux (ceux qui ont de grands effectifs) collectent en plus du fourrage naturel et même en achètent. Par le passé, surtout il ya une vingtaine d'années, les éleveurs se contentaient majoritairement, du fourrage directement prélevé par les animaux au parcours, mais ils pouvaient également en faire un stock pour une distribution ultérieure (figure V-17a). Notons que ces agroéleveurs ont expérimenté dans un

66 Courant 2007, une vaste escroquerie a été dénoncée à l'autorité par les éleveurs qui, une fois n'est pas coutume, ont pris leur courage à deux mains encouragés en cela par les Garso locaux. Il semble que cette dénonciation suivie d'une marche de protestation dans la ville de Diapaga, ait été pour quelque chose dans l'affectation de nombreux agents forestiers soupçonnés d'indélicatesse.

67 Ce terme serait un qualificatif que les forestiers béninois donnent à leur campagne de ratissage du parc W béninois et qui conduit le plus souvent à des abattages parfois d'effectifs importants de bétail rencontrés en son sein (Convers, 2002 ; Binot et al. 2006).

passé récent la culture de diverses espèces de légumineuses fourragères telles que le pois d'angole (Cajanus cajan), le mucuna (Mucuna rajada et Mucuna deeringiana), la dolique (Dolichos lablab) et certaines plantes à double usage (sorgho, niébé et arachide fourragers) avec l'appui technique de la station de recherche agricole de l'INERA de Fada N'Gourma et des projets de développement, mais l'engouement n'a duré que le temps de vie de ces projets. Les aliments achetés sont généralement des concentrés alimentaires (divers sons, graines et tourteaux de coton, sel).

Les transhumants résidents () quant à eux, plus impliqués dans la complémentation que le groupe précédent (depuis une dizaine d'années, on ne trouve d'ailleurs pas dans ce groupe d'éleveurs des personnes qui ne soient concernées), l'usage seulement de concentrés achetés ou accompagnés de fourrage divers mis en stock, sont les pratiques dominantes de nos jours. Par le passé ces éleveurs utilisaient surtout des compléments fourragers naturels (pratique dominante il y a une vingtaine d'années) ou cultivés (pratique dominante il y a une dizaine d'années). L'achat d'aliments concentrés est une habitude qui s'installe depuis une dizaine d'années (figure V-17b).

Les transhumants allochtones (éleveurs de la catégorie C3) se sont toujours contentés des ressources fourragères prélevées directement sur parcours dans le terroir de Kotchari (figure V17c). Depuis un moment cependant, ils commencent à acheter des concentrés dans les marchés locaux ou directement dans les concessions chez les résidents.

a. Groupe C1 b. Groupe

c.Groupe C3

Figure V-17. Pratiques de complémentation

155

Légende:

PAlt-1 : pâturage naturel (pas de complémentation)

PAlt-2 : collecte fourrage naturel PAlt-3 : collecte fourrage cultivé PAlt-4 : achat de concentré (sons et tourteaux)

PAlt-5 : achat d'aliments (fourrage et concentré) et collecte (fourrage naturel et cultivé)

Chez les éleveurs résidents (C1 & ), il y a un début d'intégration de l'agriculture à l'élevage, qui est favorisée par la culture du coton (utilisation des charrues asines et bovines, enrichissement des champs par la fumure organique produite à partir de fèces animaux, etc.). Révélatrice de la tendance à la diversification des activités agricoles (Broussard, 2001) au sein des exploitations, cette nouvelle organisation permet aux éleveurs d'accroître la production de fourrage d'appoint au sein de leurs unités de production. Certains Gourmantchés parviennent même à constituer des stocks de résidus agricoles plus importants que leurs besoins dans le but de les revendre.

Un point important est que la complémentation bénéficie prioritairement aux animaux mal en point ou allaitant. On comprend dès lors pourquoi les éleveurs transhumants sont longtemps restés peu concernés par la pratique localement, ce type d'animaux étant resté dans les terroirs d'attache. Il est vrai que lorsque les grands transhumants arrivent dans le terroir, il est trop tard pour collecter le fourrage naturel local tandis que le fourrage cultivé a déjà été collecté ou est exploité en vaine pâture par les propriétaires des champs. En outre, il peut être financièrement difficile de complémenter de grands effectifs avec des produits achetés. A ce propos, Sadio raconte, avec un ton amer, les contraintes qu'il rencontre dans ce terroir auparavant si attractif « avant, quand on venait les champs étaient récoltés et le Gnagnical (résidus de culture) laissé en place. Chacun avait un ou des tuteurs et pouvait librement faire paître ses animaux sur leurs parcelles. Maintenant, à notre arrivée, tout est déjà fini et en plus l'accès aux parcelles vides est souvent refusé, les propriétaires y ayant déjà leurs propres animaux. Par moments nous sommes contraints de supplémenter nos animaux, mais on n'y arrive pas toujours car cela nous revient cher ». Toutes ces raisons expliquent que la complémentation, surtout par les résidus de récolte, pratique très répandue chez les agropasteurs locaux (Gourmantchés comme Peuls), soit restée très marginale chez les transhumants qui se contentent jusqu'à présent de la paille naturelle et de concentrés (son et tourteau).

Toutes ces catégories d'éleveurs, en particulier ceux des groupes et C3, ont recours aux ligneux68 disponibles sur les pâturages du terroir en saison sèche notamment chaude.

68 Les bergers émondent les ligneux à la machette, mais c'est illégal sans autorisation préalable (cf. l'article 118 alinéa 4 de la loi portant Réforme Agraire et Foncière). Les éleveurs, s'ils ne sont pas pris sur le champ, ne reconnaissent donc pas toujours se livrer à cette pratique. Pourtant, beaucoup d'auteurs (Zouri, 2003 ; Ouédraogo, 2008) et nos propres observations sur le terroir de Kotchari montrent que de nombreux arbres sont mutilés, en tout premier lieu les espèces Ptereocarpus erinaceus et Afzelia africana.

Notons que la distribution de ces compléments alimentaires aux animaux se fait à l'auge et surtout dans la deuxième moitié de la saison sèche (mars à juin) période de pointe de la transhumance et de disette pour l'ensemble des animaux.

Le recours de plus en plus fréquent de tous les éleveurs à la complémentation animale avec achat de fourrage cultivé et/ou de concentré alimentaire montre que les pâturages naturels n'arrivent plus à satisfaire les besoins des animaux dont les effectifs sont sans cesse croissants.

De plus on observe que le fourrage ligneux est aussi mis à contribution toute l'année, mais surtout en saison sèche. Ce type de fourrage, meilleur que la paille en saison sèche (biomasse verte et plus grande teneur en azote) (Breman & De Ridder, 1991 ; KaboréZoungrana, 1995 ; Baumer, 1997), est fourni localement par des espèces comme Afzelia africana, Pterocarpus erinaceus, Khaya senegalensis, Lonchocarpus laxiflorus, Acacia seyal, Balanites aegyptiaca, Combretum aculeatum, etc. qui, du fait de la pression d'utilisation, se raréfient en dehors des réserves. Il est exploité directement par les animaux (arbustes de moins de 2 m de hauteur)69, ou grâce à l'intervention des bergers qui émondent les grands arbres pour le troupeau (photos V7).

Cliché Sawadogo Cliché Sawadogo

a. Ptereocarpus erinaceus b. Afzelia africana

Photos V-7. Deux espèces de ligneux fortement émondés par les bergers

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery