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Ressources fourragères et représentations des éleveurs, évolution des pratiques pastorales en contexte d'aire protégée. Cas du terroir de Kotchari à  la périphérie de la Réserve de biosphère du W au Burkina Faso

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par Issa Sawadogo
Museum national d'histoire naturelle de Paris (ED 227) - Docteur du museum national d'histoire naturelle spécialité physiologie et biologie des organismes  2011
  

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5.3.4.3. M obilité des éleveurs

Dans le contexte actuel de raréfaction de l'espace et des ressources, la mobilité peut être révélatrice des conditions et contraintes que vit l'éleveur ainsi que de ses objectifs de production. Elle peut être considérée comme l'expression de sa manière d'utiliser l'espace pour exploiter des sites potentiellement différents. Il s'agit donc d'un paramètre très important. La mobilité est décrite à travers l'ampleur des déplacements des troupeaux, leur fréquence et leur éventuel caractère cyclique, éléments qui caractérisent le degré de dépendance de ses animaux vis-à-vis des pâturages naturels. Dans la présente étude nous aborderons ces points, mais aussi la nature des lieux fréquentés et les motivations des choix opérés par les éleveurs.

Pendant la période de référence, les non transhumants (C1) ont, dans un passé récent, eu à transhumer à la recherche surtout de fourrage et accessoirement d'eau. Dans un passé plus lointain, cette pratique était également connue mais elle impliquait peu d'éleveurs et elle l'était seulement pour des besoins de recherche d'eau (figure V-15a). Il faut dire que, d'après ces éleveurs, il ya une dizaine d'années le terroir a connu une crise fourragère alors que la saison pluvieuse n'a pas été particulièrement mauvaise. Il y a qu'en cette saison la pression agricole sur les terres avait atteint son maximum, ce qui avait entamé la production fourragère naturelle causant un déficit en la matière. Quand on regarde les zones pâturées, en saison sèche, par les troupeaux de ces éleveurs (figure V-16a), on se rend compte qu'en réalité il s'agit de petite transhumance, ces troupeaux ne pâturant pas au-delà des terroirs voisins. A ce sujet, on notera qu'avec le temps, ces troupeaux qui ne fréquentaient que les pâturages du terroir, mettent de plus en plus à contribution les pâturages des terroirs proches.

Les transhumants résidents dans le terroir de Kotchari (), avec le temps, fréquentent des territoires de plus en plus lointains. De nos jours ils vont majoritairement dans les pays voisins mais se rencontrent aussi dans les terroirs voisins tout comme dans les aires protégées voisines, en l'occurrence le parc W et la concession de chasse de la Kourtiagou (figure V-16b). Leur départ en transhumance est motivé surtout par la recherche combinée de l'eau et du fourrage alors que par le passé, l'argument de l'eau prévalait (figure V-15b).

La plupart des transhumants venant du Nord du terroir (C3), comme les éleveurs de la catégorie précédente, se destinent majoritairement vers les pays voisins, un grand nombre cependant demeure sur place ou dans les terroirs riverains de Kotchari (figure V-16c). Un fait notable à signaler est que bon nombre de ces éleveurs, reconnaissent avoir par le passé régulièrement fréquenté les aires protégées. Les mêmes motivations que celles des éleveurs de type , justifient les départ en transhumance de ces éleveurs (figure V-15c) : la recherche à la fois de l'eau et du fourrage de nos jours ou seulement de l'eau par le passé.

a. Groupe C1 b. Groupe

c. Groupe C3

Figure V-15. Pratique de la transhumance : raisons principales évoquées

Légende:

RTra-1 : recherche de l'eau d'abreuvement RTra-4 : par simple habitude

RTra-2 : recherche de fourrage RTra-5 : n'est pas concerné par la pratique

RTra-3 : recherche d'eau et de fourrage

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a. Groupe C1 b. Groupe

c.Groupe C3

Figure V-16. Milieux de pâture habituelle en saison sèche

Légende:

LPat-1 : dans le terroir de Kotchari LPat-2 : Kotchari et terroirs voisins LPat-3 : pays voisins (Bénin/Togo) LPat-4 : réserves voisines (Parc W et CC Kourtiagou)

Dans la région où se situe notre terrain, la question de la mobilité, en particulier de la transhumance a fait l'objet de nombreuses études. Dans le programme régional ECOPAS coordonné par une équipe du CIRAD tout un volet de la composante « recherche scientifique » lui était consacré. Ce programme qui a porté sur les 3 pays qui accueillent le parc W (Bénin, Burkina Faso et Niger) a produit une impressionnante masse d'informations. Ainsi, sans que cela ne soit exhaustif, nous citerons les travaux de Convers (2002), Paris (2002), Tamou (2002), Kabirou (2003) et Kagoné (2004) qui ont permis de spatialiser la mobilité des éleveurs autour du Parc.

Nos résultats confirment le statut de terroir d'accueil et de transit attribué au terroir de Kotchari (Paris, 2002 ; Kpoda, 2010). La tendance actuelle est à davantage d'accueil, les Gourmantchés et les Peuls résidents (catégories C1 & ) partageant désormais de plus en plus l'espace de leur terroir avec des transhumants allochtones (C3) qui, cependant, continuent d'aller plus au sud, notamment au Bénin. Si les Gourmantchés qui relèvent du groupe d'éleveurs C1 affirment ne jamais fréquenter les réserves, (affirmation confirmée par notre guide Y. Diallo), les autres groupes reconnaissent les avoir utilisées surtout dans le passé (C3 par le passé et par le passé et de nos jours). On peut être étonné que si quelques éleveurs résidents reconnaissent fréquenter encore les réserves, aucun transhumant non résident ne l'avoue alors que dans un passé récent, la plupart d'entre eux y allaient. La réponse à nos questions insistantes sur la cause de cette différence est que le parc est devenu plus dangereux que par le passé. Par « dangereux » les riverains entendent que le parc W comme la réserve de la Kourtiagou sont, depuis 2001, soumis à une surveillance accrue. Dans la pratique, cette surveillance se traduit par la présence dans les terroirs riverains de pisteurs, personnes du crû qui connaissent bien les réserves. Ils évoquent largement des campagnes rapprochées de « ratissage » par les forestiers parfois organisées conjointement par les 3 pays,

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des fortes amendes et des abus divers (racket66, abattage ou « vaccination67 » d'animaux, etc.). Si de tels faits sont bien réels, ils ne suffisent pourtant pas à expliquer entièrement la situation. En effet Bary (1998), Toutain et al. (2001) Tamou (2002) et Kagoné (2000 & 2004) indiquent que ces contraintes sont connues et acceptées par les éleveurs en échange du bien être de leurs animaux. En vérité, la question reste taboue et une longue préparation de mise en confiance a été nécessaire pour qu'elle soit évoquée de manière franche par le berger transhumant ou même résident. Il n'est pas toujours possible de parvenir à une telle confiance, surtout avec des éleveurs très mobiles même dans l'espace villageois. Ils restent d'ailleurs assez méfiants à l'égard de l'impertinent inconnu (c'est ainsi que nous étions perçu) qui se comporte comme le "Toubaku" (terme peul désignant une personne de race blanche) et qui, en plus, est familier des forestiers, leurs ennemis jurés. Nous n'avons réussi à lever cette barrière qu'avec certains éleveurs résidents dont certains étaient nos interlocuteurs au sein de leur communauté. Ils ont alors pu avouer. Bien que nous n'ayons jamais été témoin de ces infractions, elles permettent d'expliquer pourquoi, comme nous l'avions déjà dit (Sawadogo, 2004) les éleveurs peuls placent leur campements de nuit mobiles à proximité des réserves. Par cette mobilité ils évitent d'être repérés par les forestiers et pisteurs ou d'éventuels indicateurs villageois. Il est fort probable que parmi les éleveurs qui affirment continuer leur transhumance au Bénin, certains aboutissent finalement dans l'une ou l'autre des deux réserves (parc W et Concession de chasse de la Kourtiagou). Pour vérifier cette hypothèse, assez logique, il aurait fallu pouvoir vérifier les flux réels et les identités des éleveurs réellement accueillis de l'autre côté de la frontière.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius