CHAPITRE V
108
LES SYSTEMES D'ELEVAGE A KOTCHARI :
PRATIQUES ET STRATEGIES D'HIER ET
D'AUJOURD'HUI
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5 .1. Introduction
Le terroir de Kotchari est marqué par le
phénomène de la transhumance, un flux migratoire devenu habituel
et dont les origines sont variées et, pour certaines, lointaines. Toutes
les études sur le sujet (Paris, 2002 ; Kagoné, 2004 ; Bambara,
2010 et Kpoda, 2010) indiquent que la plupart des grands et petits transhumants
venant des régions plus au nord choisissent de transiter par ce terroir
lors de leur périple ou d'y passer leur saison de transhumance. Ce
processus qui touche l'ensemble de la zone si l'on en croit les travaux de
Benoit (1998 & 1999a) et Santoir (1998 & 1999), est susceptible de
bouleverser les systèmes de vie locaux. Santoir avait notamment
observé que suite à un long processus d'immigration peule
d'origine lointaine - entre le 16ème et le
19ème siècle - le Gourma (actuelle région de
l'Est du Burkina Faso) a vu accroître sa population de manière
considérable. Cet accroissement a été mal partagé
et plus sensible dans les parties sud (région de Pama) et sudest (autour
du Gobnangou dans l'actuelle province de la Tapoa). Des études plus
récentes (Doussa, 2004 & 2006 ; Guibert & Prudent, 2005) et les
données actualisées du recensement général de la
population et de l'habitat (RGPH) de 2006 (paragraphe 3.3., tableau III-2)
indiquent un accroissement général de la population de la
province de la Tapoa. Cet accroissement notamment pendant les premières
années du retour du coton dans la zone, a surtout été le
fait de migrants agricoles qui recherchaient des terres vacantes ou de grands
espaces pour la production cotonnière. À cela, d'après
Doussa (2004) il faut ajouter la baisse notable de l'émigration agricole
en direction du Bénin. Par ailleurs, avec l'attrait des agriculteurs
gourmantchés pour l'élevage (Sawadogo, 2004 ; Kaboré,
2010) et les flux importants d'éleveurs transhumants52 dont
certains se sédentarisent (Paris, 2002), les effectifs des hommes ainsi
que ceux du cheptel se sont notablement accrus. Ce phénomène
d'accroissement rapide des populations humaine et animale, observé dans
l'ensemble de la commune de Tansarga, semble accentué surtout dans les
terroirs contigus du parc W, comme Kabougou et Kotchari. Il peut engendrer de
nouvelles pratiques et provoquer des mutations ou renforcer celles
déjà en cours dans les systèmes de production locaux. Dans
une étude des pratiques et des ajustements adaptatifs des acteurs, il
est important d'identifier les contraintes notamment spatiales auxquelles ils
se confrontent.
Rappel des hypothèses de recherche
Face à la pression démographique qui semble se
faire de plus en plus forte et aux bouleversements répétés
(mutations socio-économiques en milieu rural, raréfaction et
dégradation des parcours, changements climatiques, etc.), nous avons
émis trois hypothèses rappelées dans l'encadré V-1.
Celles-ci postulent que, pour tirer le meilleur profit des ressources
pastorales et/ou pour s'adapter, les différentes catégories
d'éleveurs mettent en jeu des stratégies plus ou moins fines et
plus ou moins efficaces qui se fondent sur une perception aigüe des
caractéristiques et conditions du milieu.
52 45,7% des transhumants qui ont
fréquenté la Tapoa entre 2001 et 2002 ont séjourné
à Kotchari (Paris, 2002).
Encadré V-1. Les hypothèses de recherche
· L'afflux de nombreux troupeaux transhumants
observé chaque année sur le terroir de Kotchari et ses environs
ne s'explique pas, comme il est souvent dit, par la disponibilité en
ressources pastorales dans les espaces légalement accessibles
(périphérie du Parc). L'intérêt pastoral du terroir
de Kotchari est plutôt lié à l'opportunité qu'il
peut offrir d'accéder illégalement aux ressources du Parc du
W.
· Les systèmes d'élevage
sédentaires ou mobiles subissent des mutations perceptibles au travers
des pratiques des éleveurs qui se modifient pour
s'adapter aux nouvelles conditions.
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