CHAPITRE I
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CONTEXTE GENERAL ET PROBLEMES DE
RECHERCHE
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1.1. Le contexte de la recherche: pastoralisme, aires
protégées et essor du coton
1.1.1. La région de l'Est et l'élevage
pastoral : entre perspectives et incertitudes
L'histoire de l'élevage dans le Gurma3 est
intimement liée à celle de l'installation et de l'expansion des
peuples pasteurs peuls dans la région qui se sont faites d'Ouest en Est
(Benoit, 1998 & 1999a). Cette région que Santoir (1998)
décrit comme de « vastes, riches et vides savanes » (jusqu'au
début du 19ème siècle, la densité
humaine y était d'environ 2-3, habitants/km2), a
attisé la convoitise des Peuls qui tentaient déjà de s'y
établir dès le 15ème siècle. A cette
période déjà, les territoires avoisinant du Moogo, du
Yagha, de Torodi et du Gueladio connaissaient des charges humaines ou
pastorales élevées. Certains facteurs comme les razzias, les
attaques de fauves et les risques sanitaires (avec la peste bovine, la
trypanosomose et l'onchocercose) vont limiter cette affluence peule à
quelques zones de forte concentration humaine (Zones de Diabo, Tibga,
Comin-Yanga et autour du Gobnangou), le reste de la région situé
entre la rive droite du fleuve Niger et le Borgou au Bénin, constituant
ce que Benoit (1998) a appelé un « no man's land ». À
ce propos, l'auteur fait remarquer que « jusqu'en 1937 on ne signalait pas
une présence de bétail dans la rive droite du fleuve Niger
». Les premiers éleveurs peuls, dont les effectifs animaux sont peu
importants, vont rapidement se sédentariser4 et pratiquer
l'agriculture tandis que les autochtones gourmantchés, essentiellement
agriculteurs, continuent d'entretenir de petits effectifs de bétail peu
intégré à l'agriculture et servant essentiellement
à payer la dot et la liberté (Santoir, 1998).
Le phénomène de transhumance existait alors
déjà, mais il se limitait à de faibles déplacements
d'animaux à l'intérieur de la zone sahélienne surtout pour
chercher de l'eau. Santoir (1999) rapporte en effet, que jusqu'en janvier 1973
les transhumants sahéliens ne dépassaient guère le sud du
Yagha.
À partir de la première moitié du
19ème siècle, de nombreux facteurs vont favoriser
l'occupation intégrale de l'espace et une forte pression sur les
ressources toujours en cours de nos jours. En effet, grâce à des
recherches sur les systèmes d'élevage essentiellement
orientées vers l'amélioration génétique et des
conditions sanitaires, la lutte contre les grandes épizooties commence
à porter ses fruits (Carrière & Toutain, 1995; Benoit, 1998).
Cette situation nouvelle, ajoutée à la baisse des attitudes
guerrières, esclavagistes et génocidaires de l'époque
(Benoit, 1999a) va favoriser une croissance du cheptel local. Elle permet aussi
un début d'affluence de transhumants des zones septentrionales qui se
gardent toutefois de franchir la rivière Tapoa, bien que le parc
national du W ait fait l'objet d'une exploitation pastorale dès son
classement en 1954, (Kagoné, 2004, comm. pers.). Cette
affluence perdurera
3 Le Gurma correspond à l'origine à
un vaste territoire allant au-delà des frontières du Gourma
actuel (ou Gulmu) qui comprend les Provinces de la région administrative
de l'Est (Gourma, Gnagna, Kompienga, Komondjari, Tapoa) dont la superficie
globale est de 46256km2 (DRED-Est, 2005).
4 On signale tout de même la présence de
pasteurs aux gros effectifs dans la zone de Kantchari-Botou
jusqu'aux années 70 où, à la faveur des
grandes sécheresses (1973-74 et 1983-84)5, les flux
migratoires du cheptel sahélien vont accompagner l'occupation, devenue
plus intensive, par le cheptel local, de l'espace méridional plus au sud
désormais moins hostile. La rivière Tapoa n'est franchie par les
animaux transhumants qu'à partir de 1984 (Benoit, 1998 & 1999a).
De nos jours, la région a acquis un caractère
nettement agropastoral et grâce à une densité humaine
longtemps restée faible et à une rigoureuse politique de
conservation, elle offre un potentiel fourrager relativement intéressant
en qualité et en quantité. Ceci a fait d'elle une zone de
convergence des nombreux transhumants sahéliens (Nigériens et
Burkinabés du Nord) qui descendent de plus en plus au sud (Boutrais,
1994 ; Benoit, 1999b). Par ailleurs, l'explosion
démographique6, la diversification des activités au
sein des ménages gourmantchés qui s'intéressent de plus en
plus à l'élevage, le retour en force de la culture du coton dans
la région en 1996, sont causes aujourd'hui d'un effectif impressionnant
de bétail7 menaçant l'équilibre
écologique des parcours, les actions de conservation et, à terme,
la viabilité même du système pastoral. Selon Benoit (1998),
la pression pastorale sur la réserve de biosphère du W est un
fait majeur d'échelle internationale s'exerçant dans un contexte
de saturation générale de l'espace par le bétail.
Actuellement, deux modes d'élevage se côtoient
dans la région : le mode sédentaire et celui transhumant (Guibert
& Prudent, 2005). Le premier est celui des résidents
gourmantchés, mossi et de quelques Peuls, il est le plus important en
termes d'unité bétail tropical (UBT). Le second est celui des
pasteurs peuls qui séjournent de plus en plus longtemps sur place.
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