La mobilité est un phénomène historique,
caractéristique des peuples pasteurs qui en usent pour gérer
l'imprévu et les risques (Scoones, 1995 ; Nori, 2006 & 2007 ; Nori
et al. 2008) dans les milieux arides et subarides. Le terme
pastoralisme se réfère par ailleurs, selon Wane (2006), aux modes
de conduite des troupeaux sur pâturage naturel, et donc, aux
systèmes où l'élevage est pratiqué de
manière extensive avec peu ou pas de complémentation et sans
pratique de cultures fourragères.
Un élevage pastoral ou élevage
mobile est, selon Brunschwig et al. (2001), un système
d'exploitation basé sur l'utilisation de superficies composées en
majorité de parcours non récoltables et dont l'utilisation est
assurée uniquement par le pâturage des animaux. Pour Asiedu et
al. (2009), si plus de 90 % de la matière sèche
consommée par le bétail provient des pâturages cela est
suffisant pour qualifier le système de pastoral. Adoptant une approche
économique, Swift (1988) considère qu'un système de
production pastorale est un système dans lequel au moins 50 % du revenu
brut des ménages proviennent de l'élevage ou d'activités
qui lui sont liées ou dans lequel plus de 15 % de la consommation
d'énergie alimentaire des ménages se composent de lait ou de
produits laitiers produits au sein des ménages. A contrario,
selon le même auteur, un élevage agropastoral est un
élevage dans lequel, le revenu brut des ménages est
généré à plus de 50 % par l'agriculture ou dans
lequel entre 10 à 50 % de ce revenu proviennent de l'élevage.
Dans le système agropastoral, le cheptel est fortement dépendant
du fourrage cultivé (Nori, 2007).
Si l'on se réfère à l'amplitude des
déplacements14 et à leur fréquence, on peut
distinguer l'élevage sédentaire (ou sur parcours villageois),
l'élevage transhumant (petite et grande transhumance) et
l'élevage nomade.
L'élevage sédentaire est le type
d'élevage extensif qui implique le moins de mobilité. La
mobilité, réduite, est généralement interne
à l'espace des terroirs villageois ou des villages les plus proches et
il n y a pas de déplacements cycliques (Nori, 2007).
14 Nous faisons référence aux
déplacements "habituels" qui doivent être distingués des
déplacements d'urgence imposés par les crises (sécheresse,
épidémie, conflit).
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La transhumance, selon Lhoste et al. (1993)
et Wane (2006), est « un système de production animale
caractérisé par des mouvements saisonniers de caractère
cyclique, d'amplitude variable. Ces mouvements saisonniers
préétablis (Nori, 2007) s'effectuent entre des zones
écologiques complémentaires, sous la garde de quelques personnes,
la plus grande partie du groupe restant sédentaire ». Selon
l'ampleur du déplacement on parle de petite transhumance15
(délocalisation temporaire et à une courte distance des animaux
pour éviter les dommages causés dans les champs pendant la saison
des pluies) ou de grande transhumance16 (Bierschenk & Le Meur,
1997 ; Convers, 2002). Cette dernière concerne surtout les bovins
(Saidou, 1986) et donne lieu à une minutieuse organisation (Toutain et
al. 2001).
Le nomadisme se réfère à une
pratique de mobilité en élevage dans laquelle les pasteurs n'ont
pas d'habitat fixe et permanent (Wane, 2006 ; Nori, 2007) : toute la famille
suit les déplacements du troupeau, parfois sur de longues distances (des
centaines de kilomètres). Ils se déplacent avec leurs troupeaux
et du fait de cette mobilité, les nomades pratiquent peu
d'activités agricoles.
Notons que la transhumance tout comme le nomadisme
relèvent du genre de vie pastoral (Benoit, 1979 ; Boutrais, 1992; Daget
& Godron, 1995).
Les pratiques sont définies comme l'ensemble
des actions mises en oeuvre dans l'utilisation du milieu (Blanc-Pamard &
Milleville, 1985) ou les façons dont l'opérateur met en oeuvre
une opération technique (Lhoste & Milleville, 1986).
Selon ces auteurs, l'approche des pratiques renvoie à
trois séries de questions : (i) l'identification des pratiques et leur
caractérisation, (ii) l'évaluation de leurs effets (impacts sur
le milieu, le bétail à travers sa dynamique et son niveau de
production) et la recherche des causes qui les motivent (les
stratégies). Guérin & Hubert (1995) épousent ce point
de vue lorsqu'ils affirment que les manières de faire des
éleveurs peuvent être caractérisées par leurs
modalités (pratiques), leur efficacité (résultats des
actions) et leur opportunité (motivations des actions), selon que l'on
s'intéresse aux aspects décisionnels, descriptifs ou
techniques.
La difficulté majeure pour comprendre le
fonctionnement des exploitations d'élevage est de mettre en
évidence le projet de l'éleveur, d'analyser sa cohérence
avec des choix stratégiques qu'il s'agit d'identifier. En analysant les
« manières de faire » des éleveurs, on en arrive
à mettre en lumière les décisions qu'ils prennent et leurs
objectifs. Landais & Deffontaines (1989) disaient si bien à ce
propos qu'« on connaît les projets par les pratiques, on
comprend les pratiques par les projets ». Dans le processus
d'identification des projets des éleveurs, il ne s'agit cependant pas de
rendre compte du processus de décision lui-même (Girard, 1995)
mais de se focaliser sur les pratiques pour expliquer la cohérence dans
laquelle s'inscrivent un certain nombre de décisions.
15 yawtooru en langue peule (Convers,
2002)
16 bartoje en langue peule (Convers,
2002)
La relation troupeau/végétation est
pilotée par un éleveur (Lhoste, 84 ; Landais 92 & 94) qui met
en oeuvre un certain nombre de pratiques, elles-mêmes fonction des
informations dont il dispose sur l'état de cette relation (Guérin
& Hubert, 1995) et de ses projets propres.
En milieu pastoral, il existe trois types de pratiques (Landais,
1994)
· Les pratiques d'élevage stricto sensu
à travers lesquelles les éleveurs interviennent directement sur
le troupeau. Elles concernent (i) les pratiques d'agrégation ou
de constitution du troupeau ou encore d'allotement qui concernent la formation
des groupes d'animaux, (ii) les pratiques de conduite du troupeau qui
regroupent toutes les opérations d'entretien (soins, reproduction,
alimentation, etc.) effectuées sur les animaux afin d'améliorer
leurs performances, (iii) les pratiques d'exploitation qui concernent
toutes les opérations de prélèvements (traite, abattage,
tonte, etc.), (iv) les pratiques de renouvellement qui ont trait aux
actions de renouvellement de la composition (réforme des animaux
âgés et des malades, sélection de jeunes d'allotement,
etc.) et (v) les pratiques de valorisation (transformation et mise en
marché) qui s'appliquent aux productions animales (fromage, charcuterie,
etc.) .
· Les pratiques fourragères regroupent
toutes les opérations agronomiques qui ont lieu sur les pâturages.
Dans le contexte soudano-sahélien, les pratiques fourragères sont
quasi-absentes, les éleveurs se contentant bien souvent d'exploiter
l'herbe naturelle avec peu ou pas d'actions agronomiques.
· Les pratiques de gestion du pâturage et des
stocks fourragers qui mettent en relation le troupeau aux parcelles
fourragères.