II. Pertinence de la Micro-assurance face aux risques
:
Par une analyse de la littérature sur les
expériences de MAS dans le monde et d'informations
détaillées sur les projets montés dans plusieurs pays, on
va essayer dans un premier lieu, de rendre compte de la relation entre
micro-assurance et microfinance. Pour en tirer les messages
intéressants, on va ensuite essayer de discuter la ou les
réponses que la micro-assurance pourra fournir comme couverture contre
les risques naturels. Mais jusqu'à quand la micro-assurance et plus
précisément celle de santé (MAS) va-t-elle rester
prisonnière du cadre expérimental ? Est-ce de la nature
même du caractère « micro » de ce service ou bien la
faisabilité ou l'identification en MAS pour aborder un nouveau terrain,
qui ne peuvent se surpasser du décryptage du contexte en question afin
de répondre aux questions-clés et des éléments dans
lesquels le programme doit se situer ? Une standardisation des
procédures d'identification, de faisabilité et de conception
n'est donc pas possible ou encore quand elle existe, va souffrir de plusieurs
nuances et insuffisances ?
1. Micro-assurance, Microfinance et modèles
économétriques :
On a jugé utile de situer brièvement la
MAS par rapport aux services de la « microfinance» et ce en se
référant au site du CGAP. Le terme « Microfinance »
désigne l'offre de services financiers aux ménages à
faibles revenus : prêts, épargne, assurance ou services de
transfert. La plupart des bailleurs de fonds ont limité l'essentiel de
leurs interventions à une seule de ces prestations, à savoir le
microcrédit. Bien que le crédit ne crée pas en
lui-même de potentiel économique, il peut le libérer,
permettant ainsi aux pauvres d'utiliser leur capital humain et productif de
façon plus rentable. Au-delà du crédit, les pauvres font
appel aux services d'épargne et d'assurance pour planifier leurs
dépenses futures importantes et pour réduire le risque
découlant des variations de revenus et des besoins soudains.
L'épargne permet aux pauvres de se protéger contre des
événements ou des crises à venir mais la micro-assurance
offre un moyen de gérer des risques spécifiques en
répartissant le coût d'événements
imprévisibles entre un grand nombre de ménages pauvres. Les
institutions de microfinance commencent à accorder plus d'importance
à la micro-assurance. Tout comme l'épargne, l'offre directe de
prestations d'assurance exige des compétences et des systèmes
importants, ainsi qu'une permanence institutionnelle (Pearce et Parker, 2010).
Le fait que le microcrédit soit fourni par un prestataire
spécialisé sur une base commerciale, est un service non financier
car tout simplement « L'octroi de crédit sans discipline n'est rien
de plus que de la charité. La charité ne suffit pas à
vaincre la pauvreté. La pauvreté est une maladie dont les effets
sont paralysants pour l'esprit et le corps. Un véritable programme de
réduction de la pauvreté aide
les gens à se prendre en charge pour tenter de
percer les murs qui les entourent » (Yunus, 1998). Puisque la
micro-assurance est une intervention figurant sur un menu d'interventions
financières permettant de générer revenus et emplois, et
de réduire dans une certaine mesure la pauvreté. Dans les lignes
qui suivent on va discuter le rôle de la micro-assurance surtout la MAS
dans la réduction de la pauvreté, puis faire une revue de
littérature des estimations économétriques des
modèles de l'offre et de la demande de MAS.
a/ Rôle de la micro-assurance chez les pauvres :
Les services de la micro-assurance peuvent englober :
la vieillesse, le décès, certains risques liés à
l'activité agricole comme la mort ou la perte d'une partie du
bétail. Pour être rigoureux dans notre analyse et éviter de
diluer sa pertinence, on va se concentrer sur la micro-assurance de
santé. Du moment où la MAS a un ou des rôles à jouer
pour réduire la pauvreté des populations cibles, ces rôles
impliquent des besoins à satisfaire et donc naturellement des facteurs
favorables à la sensibilisation des populations pour l'adhésion
à cette MAS. Par l'étude de ces facteurs de sensibilisation, on
discutera les rôles que la MAS peut jouer pour changer la vie des
pauvres.
La pertinence du projet de micro-assurance a trait
à ses apports supplémentaires par rapport à d'autres
outils financiers de gestion du risque du point de vue du ménage, comme
le crédit et l'épargne dans le cas du Cambodge, ainsi que la
complémentarité entre ces services financiers pour
sécuriser les revenus des ménages contre les coûts
catastrophiques et la décapitalisation(projet d'assurance santé
SKY mené par le GRET au Cambodge, phase d'extension prévue :
2008-2011dans le cadre du programme global STEP du ILO).
On a jugé utile de mettre en lumière la
notion de vulnérabilité. «La vulnérabilité est
définie par le degré de capacité des individus et des
ménages à faire face au risque, elle dépend de
l'exposition aux chocs, de l'ampleur du choc et de la résilience
c'est-à-dire de la capacité à gérer les
chocs»(Lepine et Petitpierre, 2006). Les coûts des soins qui sont
généralement catastrophiques, le risque maladie, la
probabilité de ce risque et avec quelle fréquence sont autant de
facteurs qui façonnent le dispositif de MAS. Mais quels sont les autres
facteurs qui favorisent la pénétration de la MAS
c'est-à-dire le fait de convaincre les populations cibles
d'adhérer ? Ces facteurs sont les suivants:
· Les personnes couvertes:
La MAS cible effectivement les exclus de la protection
sociale, plutôt que les populations pauvres. Dans la plupart des
régimes d'adhésion volontaire, la capacité
financière effective de la population joue un rôle
déterminant : ce sont les plus solvables des exclus qui
adhèrent
(Letourmy et Pavy Letourmy, 2005). «La
micro-assurance de santé ne s'adresse pas tant aux pauvres qu'aux
exclus, qui sont ceux qui souffrent d'une participation et d'un accès
inapproprié à la vie sociale»(Dror et Jacquier, 1999).
Certains exemples prouvent ce constat : les régimes d'assurance UMASIDA
en Tanzanie, SEWA (un syndicat créé en 1972 pour les femmes du
secteur informel) en Inde s'adressent à des travailleurs ou
travailleuses du secteur informel, organisés en coopératives ou
syndicats. L'Association Por Salud de Barillas au Guatemala s'adresse aux
habitants de la commune de Barillas ; une région rurale isolée
constituée principalement de planteurs de café et de travailleurs
du secteur informel. Encore les populations assurées au Zimbabwe par les
régimes d'assurance à faible coût des gestionnaires
d'assurances de santé privées appartiennent à la fois aux
secteurs formel - des salariés ou des fonctionnaires dont les revenus ne
leur permettent pas d'adhérer à un régime d'assurance
classique - et informel de l'économie. On ne va pas s'intéresser
au fait que le secteur informel est le secteur qui échappe à la
légalité, et que ce secteur «informel» n'a rien
d'informel du moment où il influe fortement la sphère
économique. «L'ensemble des populations concernées peuvent
être considérées comme «pauvres», dans la mesure
où elles n'ont pas accès à certains biens et services en
raison de ressources matérielles inégales»(Dror et Jacquier,
1999). L'accessibilité financière à des soins de
qualité est entravée au même titre pour le planteur de
café guatémaltèque et l'habitant de la commune de
Barillas. «Si les dispositifs de micro-assurance ne ciblent pas tous les
pauvres, c'est parce que l'assurance suppose une capacité contributive.
Les personnes sans ressources rencontrent a priori des difficultés
à s'acquitter de leurs cotisations [...] Faut-il s'interroger sur la
capacité contributive des exclus «récupérables»
par la MAS ainsi que sur la façon dont la MAS traite les indigents ou
les «ultra-pauvres». Au sein des exclus sociaux, ce sont ceux qui
disposent le plus de ressources qui adhèrent
préférentiellement aux organismes de micro-assurance ou aux
mutuelles. Quant aux vrais indigents, ils ne profitent pas du système,
sauf dans les situations de forte cohésion sociale qui ne s'observent
que sur des territoires circonscrits (mutuelles rurales du Bénin) ou
bien s'il existe une volonté délibérée de leur
donner accès aux soins ou de les associer aux régimes, en payant
pour eux (au Bangladesh). (Letourmy et Pavy Letourmy, 2005). Exclus sociaux ou
«indigence chronique ne posent pas problème du moment où un
surplus de ressources existe et qu'une volonté de partage de ce surplus
pour élargir la sphère d'accessibilité est admise et
acceptée. Ce sont les deux principaux principes de l'objectif de la
Couverture Maladie Universelle. D'ailleurs, les dispositifs de MAS ont
facilité la CMU au Ghana et au Rwanda. (Criel et al, 2010).
· Le panier de soins offerts :
Si on va se limiter aux seules cotisations, «les
garanties offertes sont généralement modestes, car elles
dépendent des ressources des populations. La couverture des petits
risques occupe ainsi une place privilégiée. Cette tendance
s'expliquerait par divers facteurs : la rareté des hôpitaux, la
difficulté à négocier avec eux, les
préférences des populations elles-mêmes » (Letourmy et
Pavy Letourmy, 2005). Partant du fait que l'efficience allocative et technique
des fournisseurs de soins, et les besoins de santé, diffèrent
d'une région à une autre au sein d'un même pays, «plus
la population ciblée est pauvre, plus la couverture du petit risque
prend de l'importance parmi les garanties de la MAS» (Letourmy et Pavy
Letourmy, 2005). Peu d'exemples de couvertures de soins complètes ou
quasi-complètes, c'est-à-dire que l'assuré
bénéficie d'un accès à une gamme de soins. «Le
régime de l'ORT Community Multipurpose Cooperative de La Union aux
Philippines offre par exemple un panier important comprenant l'ensemble des
soins primaires et secondaires»(Letourmy et Pavy Letourmy, 2005). Ce n'est
pas uniquement la faiblesse des cotisations, mais aussi le choix des
assurés ayant des besoins «spécifiques» qui fait la
prédominance de la couverture du petit risque, si bien sûr ils ont
vraiment un mot à dire dans la définition des prestations.
«L'accès à ces services de base dépasse
déjà la capacité contributive individuelle des
ménages et la mutualisation du risque est intéressante dès
le niveau primaire»(Letourmy et Pavy Letourmy, 2005). Le moment est venu
pour traiter la question de couverture des risques naturels par la
micro-assurance.
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