Section 16.02 VII.2. Place de l'adaptation dans la
CCNUCC
L'adaptation est une importante dimension de la Convention sur
les Changements Climatiques, car même si chaque pays respectait les
engagements de Kyoto en terme d'émission de GES, les teneurs de ces gaz
dans l'atmosphère vont prévaloir pendant encore plusieurs
années. Il est important alors de combiner l'adaptation à
l'atténuation pour promouvoir une réponse
équilibrée à la variabilité climatique. Sur ce
plan, il faut souligner que l'ampleur des impacts des changements climatiques
dépendra d'une part de la vigueur de la dynamique de modification du
climat et d'autre part du dynamisme et de l'adéquation des
réponses apportées à ces changements. Il s'agira d'un jeu
de force.
Le futur de l'adaptation dépendra aussi de la
capacité à anticiper sur les modifications du climat. Les
résultats des modèles sophistiqués repris par IPCC dans
son Quatrième Rapport d'Evaluation, montrent parfois de fortes
différences (divergences) dans les scénarios sur le long terme
(horizon 2100), dépendant de différents niveaux de stabilisation
possibles pour
les gaz et l'évolution de l'équilibre climatique
global. La dissimilitude des projections réside aussi sur les
scénarios retenus sur le plan atmosphérique, économique,
infrastructurel, social et démographique.
Le futur de l'adaptation est alors une question de coOts pour
les solutions et réponses apportées aux changements climatiques.
Plusieurs alternatives envisagées à l'heure actuelle, en termes
de consommation énergétique, de modification des systèmes
de culture, d'amélioration de la productivité, etc.,
nécessitent un investissement de départ que des populations
vulnérables ne peuvent pas envisager dans le cadre de l'auto adaptation.
Dès lors, il sera nécessaire aux Etats de structurer une forme de
gouvernance qui inscrit l'adaptation à tous les niveaux politiques pour
mieux amortir les impacts des changements climatiques. Toutefois, il faut
veiller à ce que Adejuwon et al. (2001) appellent la mal
adaptation qui peut générer encore plus de coOts que l'absence
d'adaptation. Les stratégies d'adaptation qu'on met en place doivent
être minutieusement examinées pour s'assurer de leur
adéquation avec la réalité, le contexte, et les moyens
disponibles pour les réaliser.
La plus grande contribution de l'Afrique et du
Sénégal à l'effort d'atténuation passera par un
grand engagement pour l'adaptation. Une bonne adaptation entraîne des
effets collatéraux qui atténuent la déforestation, la
dégradation des terres, ciblées comme facteur de
libération de GES. Les efforts d'atténuation en Afrique
requièrent, vu le contexte économique, le choix d'options
à moindre coOt sur le plan économique et social, ce qui ne ferait
que renforcer la vulnérabilité si les préoccupations des
populations ne sont pas prises en compte. Ainsi, il est important de souligner
que l'engagement sur l'atténuation est une option qui ne doit pas
masquer l'adaptation qui est une nécessité.
Par conséquent, les premières réponses
aux changements du climat sont articulées sur des actions
internationales à travers la CCNUCC qui s'est plus appesantie sur
l'atténuation même si l'adaptation est mentionnée dans la
convention en son Article 4-e. Toutes les parties doivent
«Préparer, en coopération, l'adaptation à
l'impact des changements climatiques et conçoivent et mettent au point
des plans appropriés et intégrés pour la gestion des zones
côtières, pour les ressources en eau et l'agriculture, et pour la
protection et la remise en état des zones frappées par la
sécheresse et la désertification, notamment en Afrique,.
.».
Dans le Protocole de Kyoto, les pays industrialisés (sauf
l'Australie, les USA et la Russie) (Partis Annexe I de la Convention) ont
accepté de réduire leurs émissions de GES à un
niveau de 5 % au-dessous des niveaux de 1990 et ceci entre 2008 et 2012
(première période d'engagement). Le Protocole a aussi
autorisé les partis à développer des activités de
puisage
de GES à travers des stratégies de modification
des formes d'utilisation des terres et de la foresterie (déforestation
évitée, séquestration de carbone). Les quantités de
GES, notamment de CO2 séquestré peuvent faire l'objet de
transactions commerciales entre pays du Sud et pays du Nord. Les deux autres
alternatives sont la «mise en ~uvre conjointe" entre pays
développés et les «mécanismes de développement
propre» (MDP) qui encouragent la réduction des émissions
à travers des projets entre pays en développement plus
vulnérables et pays développés. Sur le plan du suivi, le
Protocole de Kyoto a établi les inventaires nationaux (Communications
Nationales) pour tous les partis afin de bien évaluer les efforts
consentis dans le sens de la réduction des GES et mieux orienter la mise
en ~uvre de la convention (CCNUCC, 1992). Le but de toutes ces alternatives est
de réduire les GES, en s'appuyant sur le bras scientifique de la
Convention connu sous le nom IPCC (GIEC en Français) qui est
chargé de faire continuellement le point scientifique sur la question
des changements climatiques afin d'éclairer la décision
politique. IPCC a à son compte 4 rapports (1990, 1995, 2001 et 2007).
Ces rapports ont été consolidés par des rapports
complémentaires et des rapports spéciaux pour préciser
certaines questions spécifiques. Ces rapports prennent en compte le
maximum de facteurs possibles pour mieux comprendre les causes et les
conséquences des changements climatiques. Les analyses couvrent une
large gamme de thèmes depuis la physique de l'atmosphère avec les
forçages radiatifs, les impacts des changements climatiques, les
techniques d'atténuation et les propositions politiques pour
répondre à ces nombreux défis. A côté des
rapports généraux, IPCC a développé une
série de rapports régionaux qui mettent en exergue les
spécificités en fonction des continents et des
sous-régions.
La Convention est soutenue dans sa mise en ~uvre par des
institutions internationales comme la Banque Mondiale, le Fonds Mondial pour
l'Environnement (FEM), le Programme des Nations Unies pour l'Environnement
(PNUE), mais aussi plusieurs institutions régionales.
Au niveau des pays, la Convention encourage la participation
à la mobilisation des informations scientifiques permettant à
IPCC de structurer ses rapports scientifiques (communications nationales). Le
rôle des Etats signataires est surtout de faire en sorte que les
décisions prises soient appliquées afin de prouver sa
contribution effective dans un
cadrage basé sur le principe : « à chacun
selon ses besoins, à chacun selon ses capacités ».
Iis'agit de l'engagement commun et différencié. Les
stratégies nationales sont laissées à la
libre appréciation des Etats. Dans ce contexte, les
énergies renouvelables sont citées parmi les solutions les
plus explorées dans ce contexte. En Afrique, le développement des
cultures de bioénergie est entrain de prendre une dimension
débordante. Cette activité qui pourrait
être lucrative ne devrait pas être un piège
qui ralentirait l'investissement sur l'adaptation qui elle couvre une dimension
socio-économique essentielle pour la survie des populations locales.
L'adaptation intègre de façon cohérente la question du
développement durable de populations très vulnérables et
dépendantes des ressources naturelles pour leur survie.
La question du développement durable est en soit
antérieure à la CCNUCC. Elle a été lancée
depuis 1987 par la Commission Mondiale sur l'Environnement (Commission
Brundtland) qui a défini le développement durable comme un
«développement permettant de satisfaire les besoins actuels
sans compromettre la capacité des générations futures de
satisfaire leur propres besoins». Son but est la mise en place d'un
système de gestion de l'environnement stable dans la production de
ressources suffisantes et perpétuelles pour répondre
continuellement aux besoins de la société. La question principale
du concept est de savoir jusqu'où cette notion de besoins des
populations doit aller (Pyramide de Maslow). Faut-il la limiter aux besoins de
nourriture, d'habillement, de logement, de santé ou devrait-il inclure
les notions de confort, de commodité, de qualité de vie, etc. Le
consensus est loin d'être atteint sur ce point (Adejuwon et al.,
2001).
Ces questions de développement durable se posent dans un
contexte particulier caractérisé par une situation où:
- les impacts physiques des changements climatiques sont
supposés avoir de larges répercussions sur les systèmes de
production ;
- les pays africains sont caractérisés par une
forte dépendance d'une agriculture peu performante pour l'essentiel
pluviale ;
- la pauvreté parfois chronique offre peu d'espoir
immédiat d'atténuation ;
- les capacités économiques et techniques sont
encore loin d'atteindre un niveau appréciable.
Dans ce contexte, le Sénégal comme les autres
pays du Sahel est très sensible aux modifications de la
pluviométrie qui sont des manifestions de la variabilité
climatique. Cette sensibilité est liée au faible niveau de
développement économique, à la dépendance aux
ressources naturelles, ainsi qu'à l'occurrence de
phénomènes extrêmes qui interviennent sur des espaces
temporels très courts (Thomas et al., 2005). Des modifications
brusques et profondes comme la sécheresse, des pluies excessives, des
modifications saisonnières du climat (événements
extrêmes), sont autant de facteurs qui peuvent exposer les populations
rurales à de nouvelles épreuves, posant de vrais défis
politiques et stratégiques aux Etats. Les capacités d'une
société à contenir les phénomènes,
dépendent des avantages qu'on peut en tirer ou des inconvénients
qu'on doit éviter. Les situations sont variables, certains
groupes peuvent assez rapidement trouver leur compte dans les
changements qui s'opèrent, alors que d'autres sont plus
vulnérables. Ces différences posent le problème de la
relativité de la vulnérabilité des sociétés
humaines aux impacts des changements climatiques en relation avec les
capacités d'adaptation.
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