I.11. Les activités de reboisement au
Sénégal
L'historique des approches de conservation forestière
montre plusieurs séquences qui diffèrent par les objectifs de la
conservation forestière, les approches et la finalité. Il faut
noter a priori que les stratégies de reconstitution des milieux
dégradés ou de conservation ont été
influencées par les contextes démographiques, climatiques, par
les engagements internationaux, et surtout par l'apport de solutions au grand
problème de la dégradation des terres qui constitue un
réel frein à la production agricole et pastorale.
Déjà, durant la période coloniale, des
efforts importants de conservation ont été faits par la mise en
réserve de la plupart des Forêts Classées que le pays
compte actuellement. Le législateur colonial avait aussi
développé plusieurs plantations en régie avec des
boisements de Khaya senegalensis, Bombax costatum et
Tectona grandis. Les Forêts Classées de la période
coloniale ont été conservées et les plantations en
régie poursuivies pendant l'indépendance. Avec la grande
sécheresse de 1970, l'Etat du Sénégal a initié de
grands projets de reboisement en régie avec notamment la mise en place
du PRS (Projet de Reboisement du Sénégal). Jusque là les
populations locales n'étaient pas impliquées dans les efforts
structurels de reboisement. Ce n'est qu'avec l'avènement des projets de
nouvelle génération, lesquels partent du constat des
échecs antérieurs, qu'a commencé l'application de la
participation locale. L'enthousiasme et l'intérêt de l'approche
participative a engendré une littérature abondante autour de
nombreux projets des années 1980-1990 comme le PGCRN (Projet des Gestion
Communautaire des Ressources Naturelles), le PROBOVIL (Projet de Boisement
Villageois), le PAEFK (Projet d'Appui à l'Entreprenariat Forestier), le
PRECOBA (Projet de Reboisement Communautaire dans le Bassin Arachidier), le
PREVINOBA (Projet de reboisement villageois dans le Nord-ouest du bassin
arachidier), etc., qui devraient tous à travers une implication des
populations contribuer à l'atteinte des objectifs du PAFS (Plan d'Action
Forestier du Sénégal).
Les approches participatives se sont consolidées avec
l'avènement de la décentralisation (1992) qui a
transféré entre autres compétences, la gestion des
ressources naturelles non protégées aux collectivités
locales ; une nouvelle forme de participation locale apparaît à
travers la foresterie communautaire depuis 1995. Des Projets comme le PAGERNA
(Projet d'Autopromotion et de Gestion des Ressources Naturelles au Sine
Saloum), le PGIES (Projet de Gestion Intégrée des
Ecosystèmes au Sénégal), le PROGEDE (Programme de Gestion
Durable des Energies traditionnelles et de substitution) ; et des initiatives
comme celles de la coopération allemande (GTZ), avec
l'aménagement de la Forêt Classée de Dankou, sont autant
d'illustrations d'une foresterie d'un nouveau genre. L'idée est de faire
en sorte que l'aménagement et la gestion des ressources
forestières soient le fait des populations qui doivent en tirer des
bénéfices sous le contrôle du service forestier.
Jusque là, aucun des projets susmentionnés
n'évoque la question de la séquestration du carbone parmi ses
objectifs ou motivations tacites. Ce n'est qu'à la dernière phase
du PROGEDE, et la mise en place depuis 2005-2006 du PREFER (Projet de
Réhabilitation des Ecosystèmes Forestiers et Ruraux) et du
PROGERT (Projet de Gestion et de Restauration des Terres
Dégradées du Bassin Arachidier) que la question de la
séquestration du carbone
par les activités forestières a été
clairement stipulée dans les documents de travail et prise en compte
dans la mise en ~uvre des activités de projets forestiers.
Ces mutations dans l'approche sont accompagnées de
profondes réformes juridiques et institutionnelles pour faciliter la
mise en ~uvre de la foresterie rurale communautaire. Ainsi, le Code Forestier a
été révisé en 1993, la décentralisation est
devenue effective en 1996, la politique forestière (PAF) a
été revue pour mieux tenir compte des nouvelles orientations
politiques et stratégiques en matière de foresterie.
Malgré ces efforts, le déboisement est
cité parmi les facteurs structurants majeurs de la dégradation de
l'environnement au Sénégal. Les sols s'appauvrissent, les
superficies forestières sont continuellement réduites,
l'érosion et la réduction de la biodiversité sont plus que
jamais actuelles (MEPN, 1997), et ce en dépit de quelques études
qui démontrent par endroit une réhabilitation naturelle
(cicatrisation) de certains écosystèmes dans le Sahel (Bassett et
Zueli., 2000; Rasmussen et al., 2001). C'est dans ces
conditions de désertification et de déforestation que le
Sénégal s'est engagé en tant que parti signataire de la
CCNUCC à développer des projets MDP foresterie pour non seulement
séquestrer du carbone, mais aussi atténuer plusieurs effets
néfastes des changements de l'environnement et des
écosystèmes. L'état actuel des connaissances sur les
stocks de carbone des formations végétales montrent à la
fois le potentiel et les dynamiques en cours, mais révèlent
surtout les lacunes à combler pour mieux documenter les
réservoirs de carbone à l'échelle nationale.
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