I.B. Le MDP foresterie dans les pays en voie de
développement
Le MDP permet aux pays de l'Annexe I de mettre en ~uvre dans
les pays non Annexe I des projets de séquestration de carbone pour
atteindre des objectifs de réduction fixés par la convention. Les
Réductions d'Emissions Certifiées (REC) peuvent être
vendues aux pays Annexe I leur donnant un droit d'émission
équivalent aux crédits alloués. Ce type de projet devrait
permettre aux pays non Annexe I de promouvoir leur développement durable
sans que cela soit un investissement à perte pour les pays Annexe I.
Pour le moment, les pays en voie de développement n'ont
aucune obligation de limitation de leurs émissions de GES. Par contre,
ils ont toujours la possibilité de contribuer, de manière
volontaire, aux réductions globales des émissions, en accueillant
des projets dans le cadre du Mécanisme pour un Développement
Propre. Cette option stratégique est liée à la situation
actuelle du budget total du carbone qui présente une composante
résiduelle d'environ 3 Gt C par année (1 Gt-C (Giga tonnes de
carbone) = 1015 g) que l'on surnomme le `puits manquant'. Les
écosystèmes terrestres qui ne sont pas modifiés par les
changements d'utilisation des terres, et spécialement ceux qui se
trouvent aux latitudes moyennes de l'Hémisphère Nord, ont
été proposés comme candidats les plus probables au puits
manquant.
Le MDP a deux objectifs essentiels :
- Accorder une certaine flexibilité aux pays
développés pour la réalisation de leur
engagement à la réduction d'émissions, en
les autorisant à bénéficier de droits d'émissions
issus de projets réducteurs d'émissions ayant lieu dans les pays
en voie de développement ;
- Assister les pays en voie de développement accueillant
des projets relevant du MDP à
réaliser un développement durable.
Les bénéfices, en termes de gaz à effet de
serre, de chaque projet relevant du MDP seront mesurés suivant des
méthodes agréées (méthodologies approuvées)
au niveau international et seront quantifiés en unités
standard, définies en tant que `Réductions d'Emissions
Certifiées' (REC). Celles-ci sont exprimées en
tonnes d'émissions de CO2 séquestrée. Lorsque le Protocole
de Kyoto sera totalement opérationnel, ces `crédits carbone'
seront achetés et vendus au sein d'un nouveau marché de
l'environnement ; ils sont déjà en train de devenir bien
marchand.
I.9. Les questions actuelles posées par le
Protocole de Kyoto
La portée pratique de l'Utilisation des Terres, les
Changements d'Affectation des Terres et la Foresterie a subi une
évolution complexe. Le Protocole de Kyoto fait référence
à deux groupes principaux d'activités : le boisement, le
reboisement ou le déboisement (Article 3.3) d'une part, et les
activités anthropiques supplémentaires des secteurs de
l'agriculture et de l'agroforesterie (Article 3.4) d'autre part. Cependant,
l'article 12 concernant le MDP fait uniquement référence aux
`réductions d'émissions' sans mentionner aucune activité
spécifique. Ceci a conduit à diverses interprétations sur
le rôle possible de l'affectation des terres et de la foresterie au sein
du MDP.
La conférence de Bonn (Juillet 2001, COP 6), puis celle
de Marrakech (Novembre 2001, COP 7) ont amené quelques précisions
sur la réalisation des cibles de réduction des émissions.
Le boisement et le reboisement sont les seules activités relevant de
l'affectation des terres à être éligibles pour la
première période d'engagement (2008 - 2012). Une limite fut aussi
notée sur les projets d'utilisation des terres s'inscrivant dans le
cadre du MDP pour la réalisation des cibles de réduction
d'émissions par les pays visés à l'Annexe 1. Seul 1 % de
l'équivalent des émissions annuelles d'un pays
développé, pour chacune des 5 années de la période
d'engagement, peut être réalisé au moyen des puits.
Les différentes activités ciblées sont les
suivantes :
1. la création de parcelles boisées sur des
terrains communaux ;
2. le reboisement de zones marginales avec des espèces
natives : ces zones étant les berges, les escarpements, celles entre et
en marge de fragments de forêts (grâce à la plantation et
à la régénération naturelle) ;
3. les nouvelles plantations industrielles de grande
envergure ;
4. la création de plantations de biomasse pour la
production d'énergie et la substitution de combustibles fossiles ;
5. la création de petites plantations par les
propriétaires terriens ;
6. l'introduction d'arbres dans les systèmes
d'exploitation agricole existants (activités agroforestières)
;
7. la réhabilitation de zones dégradées au
moyen de plantations ou de régénération naturelle
assistée.
Rappelons que les émissions de CO2 issues des
changements d'occupation du sol représentent près de 20 % des
émissions issues des combustibles fossiles (Pearson, et al.,
2005). Les changements d'occupation du sol peuvent réduire
significativement la concentration du CO2 de l'atmosphère soit à
travers la réduction des émissions nettes, soit par la
séquestration et par le sol. Les actions comme la réduction de la
déforestation, la réduction de l'exploitation forestière,
la limitation des phénomènes d'érosion, contribuent toutes
à la minimisation des émissions de CO2.
Le Protocole de Kyoto reconnaît le rôle
joué par ces changements d'utilisation des terres sur le cycle du
carbone à travers les Mécanismes de Développement Propre
(MDP). Ce mécanisme est définit à l'article 12-2 comme
suit :
Article 12-2 : « L'objet du Mécanisme pour un
Développement "Propre" est d'aider les Parties ne figurant pas à
l'Annexe I à parvenir à un développement durable ainsi
qu'à contribuer à l'objectif ultime de la Convention, et d'aider
les Parties visées à l'Annexe I à remplir leurs
engagements chiffrés de limitation et de réduction de leurs
émissions ~ ». (CCNUCC, 1997)
- Concepts majeurs du MDP : de scénario de
référence, d'additionalité, de fuite (leakage) et de
permanence
* La ligne de base (situation de référence,
scénario de référence)
Les projets MDP sur l'afforestation et la reforestation
doivent permettre l'amélioration du stockage de carbone dans un pays
pouvant permettre une émission équivalente dans un autre pays
sans changer l'équilibre global. Il faut alors que ces projets
garantissent des « avantages réels, mesurables et durables
liés à l'atténuation des changements climatiques »
(CCNUCC., 1997). Les quantités de carbone stocké doivent
être additionnelles par comparaison au scénario de
référence qui traduit l'évolution du carbone en l'absence
du projet.
Les Accords de Marrakech définissent le scénario
de base comme « les émissions de GES quipourraient
subvenir à l'absence des activités du projet ». Ce
scénario de référence n'est accepté
qu'en utilisant une méthode approuvée par le Bureau
Exécutif de la CCNUCC avec ses exigences de transparence et de
cohérence.
* Additionalité
L'additionalité dans le Protocole de Kyoto est
exprimée en ces termes : « Réductions d'émissions
s'ajoutant à celles qui auraient lieu en l'absence de l'activité
certifiée ». (CCNUCC., 1997)
La notion d'additionalité est un élément
central des projets MDP et sa signification a été
précisée en ces termes lors de la Conférence des Parties
(COP9) tenue à Milan (Italie) en 2003 : « les projets de
reforestation et d'afforestation dans le cadre des MDP sont additionnels si la
séquestration nette de gaz à effet de serre par des puits
augmente et dépasse la somme des modifications sur les stocks de carbone
des différents segments (sol, végétation) dans la zone du
projet et qui n'aurait pas eu lieu s'il n'y avait pas de projet MDP
».
Cette définition est beaucoup plus axée sur la
composante additionalité que sur l'éligibilité des projets
MDP. La question de base demeure : quelle est la quantité de carbone
séquestrée comme résultat direct d'une transaction MDP
?
Les émissions de carbone certifiées est le bilan
des réductions ou de la séquestration des GES en retirant le
carbone préexistant de la ligne de base et les fuites. La ligne base est
un concept fondamental du MDP ; elle représente les stocks de carbone
sans intervention du projet ; on peut l'assimiler à la situation
courante (business as usual) ou scénario de
référence. L'additionalité est donc la différence
apportée par le projet en termes de réduction. Un projet est
additionnel si les réductions sont supérieures à celles de
la ligne de base. Il faut par conséquent démontrer que la ligne
de base ne permet pas une forte réduction de CO2 comparée
à l'intervention de projet de boisement reboisement. C'est pour cette
raison qu'il est plus rentable de développer un MDP foresterie dans une
zone dégradée, dont la reconstitution permet d'améliorer
la dynamique du carbone par une augmentation significative de la biomasse.
C'est en ce moment qu'un projet MDP foresterie devient éligible au
niveau du bureau exécutif. Pour prouver cette additionalité, les
méthodes approuvées sont accompagnées d'un outil
d'additionalité permettant de démontrer que les activités
menées apporte un plus par rapport à la ligne de base (IPCC,
2003). Cet outil permet d'évaluer les étapes suivantes :
- l'identification des alternatives aux activités
ciblées par le projet (les alternatives quipourraient
être le scénario de base du projet)
- une analyse de l'investissement (prouver que le projet est
rentable sur le plan
économique)
- l'analyse des barrières (les barrières
économiques, sociales, culturelles, politiques ou
administratives permettent de montrer la nature des risques
à la permanence du projet ; si ces risques sont minimes ou peuvent
être résolus, le projet est éligible) ;
- l'analyse des activités normales des populations (il
ne faut pas surtout développer des activités qui vont en contre
courant des pratiques locales, pour éviter des conflits
d'intérêt qui peuvent nuire l'avenir du projet).
Toutes ces étapes permettent de prouver la
crédibilité du projet. Pour les petits projets, on procède
uniquement à l'analyse des barrières. Ainsi
l'additionalité exprime le bilan entre l'augmentation des
émissions par des sources ou des éliminations par des puits. Les
activités additionnelles si elles permettent une fixation du carbone
atmosphérique qui est supérieure à celles qui se
produiraient en l'absence d'un projet MDP. Cette définition peut
être étendue pour inclure une additionalité dans le domaine
des finances, des investissements et de la technologie.
Dans le cadre de « l'additionalité dans le
domaine des finances », le financement de l'activité dans le
cadre de projets sera en sus du Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM),
d'autres engagements financiers des Parties incluses dans l'Annexe I, de l'Aide
officielle au développement, et d'autres systèmes de
coopération.
Dans le cadre de « l'additionalité dans le
domaine des investissements », la valeur des Unités de
réduction des émissions/Unités de réduction
certifiée des émissions améliorera sensiblement la
viabilité financière et/ou commerciale de l'activité.
Dans le cadre de « l'additionalité dans le
domaine de la technologie », la technologie utilisée pour
l'activité sera la meilleure dont dispose la Partie hôte.
* Les fuites (leakage)
Certains projets peuvent donner de bons résultats de
séquestration de carbone dans les limites du projet. Cependant, des
changements peuvent intervenir dans les activités humaines et dans les
comportements sociaux conduisant à une réduction de la
séquestration ou à une augmentation des pertes de carbone en
dehors de la zone du projet. Ce sont ces pertes extérieures au projet
qui sont appelées fuites.
* La permanence des projets et le développement
durable
Le Protocole de Kyoto prend en compte les risques de
réémissions de carbone en relation avec des activités
humaines (feux de brousse) ou des facteurs naturels comme la
sécheresse.
C'est ce qu'on appelle le risque de permanence qui est propre
aux projets LULUCF (Land Use, Land Use Change and Forestry). Il existe
deux types de projets : les projets temporaires et ceux dits de long terme. Le
projet doit garantir la possibilité de renouveler les stocks en cas de
projet temporaire, cinq ans après la vérification des
crédits confirmant que suffisamment de carbone a été
stocké dans la zone du projet. Cet aspect traduit les garanties que le
projet doit avoir sur les possibilités de compenser les pertes par des
activités additionnelles de séquestration de carbone ou à
travers des crédits capitalisés dans des options non-LULUFC.
L'objectif annoncé pour les pays en voie de
développement dans le cadre des MDP est de promouvoir le
développement durable. Les critères relatifs aux avantages
socio-économiques des projets MDP sont fixés par
l'Autorité Nationale Désignée (AND) qui doit voir
l'articulation avec les critères de durabilité au niveau
national. Cette approbation de l'AND fait partie du processus d'approbation des
projets MDP.
Les transactions de carbone pendant la durée du projet ne
sont pas un processus continu. Elles sont établies en fonction de la
périodicité de l'accréditation. On a deux
possibilités :
- un maximum de 7 ans renouvelable 2 fois,
- un maximum de 10 ans sans renouvellement.
Ces clauses montrent qu'on ne peut vendre que 3 fois de suite
ses stocks de carbone ; entre temps l'espace reboisé ne peut rapporter
aux populations que des services écosystémiques qui n'entravent
pas la permanence du projet. La durée totale des projets est de 20 ans
renouvelables ou 30 ans sans renouvellement selon les cas.
* Définition des activités éligibles
et cadrage conceptuel du Protocole de Kyoto
Les seuls projets éligibles pendant la première
période d'engagement (2008-2012) sont les projets d'afforestation et de
reforestation. Le niveau définition des concepts a pris beaucoup de
temps et a suscité une importante réflexion avant d'obtenir le
consensus qui a aboutit à la définition suivante des termes
boisement et reboisement.
Boisement : c'est la conversion directe par
l'homme de terres non forestières depuis 50 ans, en terres
forestières à travers la plantation, la
régénération, ou autre activités de
reconstitution.
Reboisement : c'est une conversion directe en
terres forestières des zones dégradées (mais qui ont
été occupées par des formations forestières), par
la plantation, la régénération et autres activités.
Pour la première période d'engagement, les zones
dégradées depuis Décembre 1989 sont prises en compte. Dans
la pratique, il n'y a pas de distinction entre afforestation et reforestation
dans le cadre des projets MDP.
Il faut toutefois noter que les activités comme la
gestion, la conservation ou la protection forestière et le carbone du
sol, ne sont pas éligibles pour un projet MDP lors de cette
première période d'engagement (Brown et al., 2005). Les
conditions d'éligibilité des terres sont importantes à
considérer avant de structurer un projet MDP.
* Eligibiité des terres
L'un des critères que tous les projets MDP doivent
respectés est l'absence de forêts dans la zone d'intervention des
projets entre le 31 décembre 1989 et le début du projet. Les
preuves de l'absence de forêts peuvent être fournies à
travers des images spatiales datant de 1989 ou juste avant, ou des
données officielles du gouvernement. A défaut de ces
informations, les témoignages officiels ou issus des communautés
de base devraient suffire.
* Définition de « forêts » dans le
Protocole
La signification du terme forêt est un exercice
déterminant dans le processus d'un projet MDP du fait de ses
implications dans le choix des sites des projets boisement/reboisement.
L'Autorité Nationale Désignée (AND) doit décider
pour le pays, du seuil standard de couverture du sol caractérisant une
formation forestière.
1. taux de couverture minimum entre 10 et 30 % ;
2. taille du site entre 0,05-1 ha ;
3. taille minimum des arbres entre 2-5 m.
* Les implications des critères
d'éligibiité
Il existe de nombreuses implications des seuils choisis dans
l'éligibilité des projets.
1) le taux de couverture
Un taux de couverture bas permet de considérer des
formations boisées ouvertes dans les sites potentiels des projets.
L'agroforesterie peut aussi être considérée dans les choix
de formation à faible taux de couverture, mais leur inclusion exclut
l'utilisation des formations à taux de couverture
élevé.
2) La taille du site
Le choix des sites de petite taille permet d'inclure les
petites formations forestières autour des champs de culture et des
maisons qui servent assez souvent de réserves ligneuses. Par contre, les
sites de grande taille impliquent le choix de grands espaces contigus
entraînant des avantages partagés avec la promotion de la
biodiversité, la qualité de l'eau, la réduction de
l'érosion, etc.
3) La hauteur des arbres
Les faibles hauteurs d'arbres permettent de considérer
les formations basses comme celles qui se développent sur des sols
pauvres ou en altitude. Ils induisent aussi la possibilité de
considérer les plantations commerciales comme le Coffea
arabica, C. robusta ou café, le Theobroma cacao
ou cacao, Acacia senegal ou gomme arabique, etc.
L'inverse réduirait la marge de manuvre. Il faut noter
que la hauteur des arbres s'exprime en termes de potentialités de
croissance, pas la hauteur actuelle des arbres. Ainsi, un seuil bas permet de
considérer les arbustes et non les arbres matures. Idéalement
l'Autorité National Désignée
(AND)4 devrait considérer les
écosystèmes au niveau desquels les projets ont des chances
d'atteindre leurs objectifs.
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