I.6. Potentiel de séquestration de carbone des
forêts
Le potentiel de séquestration des forêts
dépend en grande partie des efforts de conservation qui
nécessitent des formes d'aménagement approprié permettant
un renouvellement perpétuel des écosystèmes. Les
principaux objectifs de l'aménagement forestier incluent
généralement: la production de bois industriel, la production de
bois de feu, la production de produits forestiers non ligneux, la protection
des ressources naturelles (diversité biologique, eau et sol),
l'aménagement de la faune sauvage, les loisirs, la remise en état
des terres dégradées, etc. La séquestration et la
conservation du carbone résultant de l'aménagement en vue des
objectifs susmentionnés seront un avantage supplémentaire car il
y aura une réduction de la concentration atmosphérique en CO2 et
par conséquent une atténuation du changement climatique.
L'objectif de l'aménagement aux fins de conservation
est avant tout d'éviter les émissions de carbone à travers
la conservation des réservoirs de carbone existant dans les forêts
par des méthodes comme la lutte contre le déboisement, la
protection des forêts dans des réserves, la modification des
systèmes d'exploitation et la lutte contre les autres perturbations
comme les incendies et les ravageurs. La plus grande amélioration des
pratiques de conservation du carbone sous les tropiques, pourrait provenir de
la réduction du déboisement et de la dégradation des
terres. On sait toutefois que ces pratiques sont surtout le résultat de
l'expansion de la demande en terres de culture et de pâturage ainsi que
d'exploitation de bois à des fins de subsistance et commerciales. Ces
différents besoins sont de plus en plus pressants avec les pressions
inhérentes à la croissance démographique, au
développement socio-économique et aux forces politiques. Par
conséquent, les programmes de conservation du carbone par le biais de la
réduction du déboisement doivent s'accompagner de mesures qui
accroissent la productivité et la durabilité agricoles tout en
mettant appliquant des stratégies de réduction de la
pauvreté.
Avec la mise en ~uvre des autres conventions des Nations Unies
(sur la biodiversité et sur la désertification), il y a eu
pendant ces deux dernières décennies un regain d'intéret
pour la conservation des «zones protégées». La
Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques compte sur
une extension des réserves forestières, une multiplication des
efforts d'aménagement, une limitation de la pression sur les formations
forestières, et une utilisation plus efficace du bois (par exemple, en
limitant les pertes après récolte lors de l'exploitation,
augmentation de l'efficacité de la combustion), pour contribuer ainsi
à fixer une part plus importante de leur carbone total.
Les approches consistant à créer des plantations
sur des terres non boisées permettent de promouvoir la
régénération naturelle ou assistée dans les
forêts non protégées (forêts communautaires), en
utilisant des techniques sylvicoles ou agroforestières. Il faut
toutefois noter que la séquestration du carbone par l'aménagement
forestier n'est qu'une solution temporaire. Il permet de produire de la
biomasse pendant un temps limité au-delà duquel peu de carbone
supplémentaire peut être accumulé. Ce processus peut
prendre plusieurs dizaines d'années, selon l'âge des formations
ciblées, la densité maximale de carbone qui peut être
obtenue, le type de forêt et les espèces choisies.
Pour réduire le carbone atmosphérique, on peut
aussi procéder à la substitution de certaines énergies non
renouvelables par la biomasse forestière. Il s'agit d'accroître
l'utilisation des forêts pour satisfaire les besoins combustibles, soit
en créant de nouvelles forêts et des plantations, soit en
augmentant la croissance et par conséquent la production potentielle de
bois. Dans le cas des forêts plantées sur des terres non
boisées pour la production de sources d'énergie comme le bois de
feu, il est possible à la fois d'augmenter la quantité de carbone
stocké au sol et, si le bois est brûlé comme combustible,
de réduire les émissions de CO2 issu des combustibles
fossiles.
Un total estimé à 700 millions d'hectares de
terre pourrait être globalement disponibles pour les programmes de
conservation et de séquestration du carbone (Brown, 2002). Cette
étendue de terre permettrait de conserver et de piéger de 60
à 87 Pg C d'ici l'an 2050. A l'échelle mondiale, le boisement et
l'agroforesterie représentent la moitié du total (38 Pg C), dont
20 % à peu près s'accumulent dans les sols, la litière des
forêts et la biomasse souterraine (Brown, 2002). Le volume de carbone qui
pourrait être conservé et piégé par ces pratiques
forestières d'ici 2050 par rapport à la situation de
référence est équivalent à environ 11 % à 15
% des émissions totales de combustible fossile pendant la même
période.
Potentiellement, les tropiques peuvent conserver et
piéger la quantité de carbone de loin la plus importante (80 %),
puis viennent la zone tempérée (17 %) et la zone boréale
(3 % seulement). Plus de la moitié du volume dans les tropiques
proviendrait de la régénération naturelle et
assistée, suivie par la protection et le `déboisement ralenti' ou
évité. Le boisement et l'agroforesterie représenteraient
moins de la moitié du volume sous les tropiques. Les taux annuels de
conservation et de séquestration du carbone avec toutes ces pratiques
augmenteraient avec le temps pour atteindre environ 2,2 Pg/an d'ici 2045
(figure 6a), l'accumulation étant plus forte dans la zone tropicale que
boréale. Le potentiel de chaque option d'aménagement est
montré aux figures 6a et 6b.
Article VI. A) Volumes de carbone conservés ou
piégés en fonction des options
d'aménagement (Pg/an) ; B) Taux annuels moyens de
conservation et de séquestration du carbone par région
géographique (Pg/an) (Source : Brown, 1996)
A B
Les auteurs de ces estimations précisent que les
scénarios ci-dessus reposent sur le calcul de ce qui est physiquement
possible pour accroître le stockage et la séquestration du
carbone; ces calculs ne prennent pas en compte la faisabilité sociale et
économique de telles modifications de l'utilisation des terres et de
l'aménagement des forêts. Ils ne tiennent pas compte non plus des
effets des changements de l'accroissement de la concentration de CO2 et
d'autres polluants atmosphériques, n'intègre pas la hausse des
températures ni les modifications futures de l'utilisation des terres
dues à l'accroissement démographique. Chaque option prometteuse
d'aménagement forestier pour une atténuation des émissions
de carbone serait différente selon l'évolution du climat et de
l'atmosphère et les modifications de l'utilisation des terres. Ces
options devraient tenir compte de la demande d'une population accrue pour plus
de terre agricole et de bois ou de produits forestiers non ligneux.
Ces projections montrent que les forêts ont un
réel potentiel dans le processus de séquestration de carbone
à l'échelle globale. Il faut toutefois noter que ce potentiel
varie significativement en fonction des zones géographiques
considérées ou en fonction des activités
d'aménagement envisagées. Il apparaît d'après ces
estimations que l'agroforesterie et le boisement sont des options attractives
pour les activités MDP foresterie. Au Sénégal, la pratique
agroforestière est déjà largement répandue dans le
bassin arachidier notamment avec une association de plus en plus
pratiquée entre les cultures et des espèces comme Faidherbia
albida et Cordyla pinnata. Quant au boisement, les
activités de foresterie communautaire (bois de village), les plantations
en régie, et la mise en ~uvre de la Grande
Muraille Verte, sont autant d'activités qu'il faudrait
désormais comptabiliser parmi les initiatives de séquestration de
carbone à l'échelle nationale.
|