3.6. La typologie des recouvrements post-exploitation
forestière
La fragmentation est un concept de la
télédétection issu de l'analyse des images satellites.
Elle s'applique donc à grande échelle avec le pixel comme
unité. Ainsi, la forêt dense correspond à une surface
où au moins70 % des pixels appartiennent à la classe forêt.
Lorsque 40 à 70 % des pixels sont classés forêt, la
forêt est fragmentée. A moins de 40 % de pixels de forêt, on
parle de non-forêt. La fragmentation peut être abordée
suivant deux approches : l'approche quantitative qui fait appel aux outils
mathématiques pour mesurer et caractériser la fragmentation ;
l'approche qualitative quant à elle permet de caractériser
visuellement les types de fragmentation sur la base d'une typologie
fondée sur la physionomie de la fragmentation telle qu'elle est
perçue par l'oeil. C'est avec cette approche qualitative que nous allons
caractériser la fragmentation de la
parcelle exploitée. Nous le faisons, non pas à
grande échelle, mais à l'échelle de la placette où
la carte du recouvrement se substitue aux images satellites. La carte du
recouvrement nous donne une sorte de vue de dessus de notre parcelle que l'on
va comparer avec les quatre modèles physionomiques primaires de
fragmentation élaborés par Jeanjean et al.
(1995)16 :
· Le type linéaire correspond à une bande
plus ou moins étroite qui traverse une classe homogène. C'est par
exemple le cas des forêts ripicoles ou des forêts galerie qui
traversent des formations de savane. C'est aussi le cas des routes qui
traversent un massif forestier ;
· Le type insulaire se caractérise par une
apparition de taches importantes isolées appartenant à une classe
sur un fond uniforme appartenant à une autre classe. C'est par exemple
le cas avec les champs ou des plantations éparpillés dans un
massif forestier ;
· Le type diffus se caractérise par
l'émiettement d'éléments fins d'une classe sur un fond
constitué d'éléments d'une autre classe.
· Le type massif distingue deux espaces compacts
séparés par une frontière très nette. C'est par
exemple un front pionnier d'occupation humaine qui peut jouxter une forêt
dense.
Linéaire Insulaire Diffus Massif
Figure 23 : Les modèles physionomiques primaires
de fragmentation (Jeanjean et al. 1995).
La confrontation du recouvrement de la parcelle
exploitée avec les modèles ci-dessus nous autorise à
conclure à une fragmentation diffuse de cette parcelle. C'est la preuve
d'une certaine modification de la structure spatiale de la forêt du fait
de l'exploitation forestière et de ses répercussions
collatérales. Ce morcellement est de nature à modifier davantage
le milieu ainsi que le fonctionnement de l'écosystème. Mais la
fragmentation ici n'est que provisoire car avec le temps, les espaces ainsi
ouverts vont progressivement se refermer avec le déploiement d'une
succession d'espèces réparatrices, à condition qu'aucune
autre atteinte ne soit portée par la suite à la
végétation à très court terme.
16 Cité par Puig, H. (Opcit)
Conclusion
La structure verticale des deux parcelles est similaire
à quelques exceptions près. On retrouve les mêmes
espèces dans les différentes classes de diamètre. Une
différence nette est remarquable au niveau du sous-bois. En effet, les
ouvertures faites dans la forêt exploitée ont modifié par
endroit les conditions écologiques de la parcelle ainsi que la
biodiversité (importance des Marantaceae et Zingiberaceae). Cette
situation a joué en faveur de la strate herbeuse qui s'y est
développée encore plus qu'en forêt mâture (photos 5,
6, 7 et 8). Il faut cependant noter que la densité du sous-bois en
parcelle exploitée n'est pas généralisée. On
remarque cette situation en général sur les zones directement
marquées par les activités d'extraction du bois, notamment les
points de chute des arbres abattus, les pistes secondaires ayant servi à
l'évacuation des billes de bois.
Photo Youta Happi, Décembre 2009
Photo 7 : Le sous bois de la forêt mature à
faible luminosié et pauvre en couvert herbacé.
Notes : La faible pénétration de la
lumière limite le développement des herbacées et d'autres
plantes héliophiles. En effet, la fermeture de la canopée en
forêt mâture limite le développement des herbacées.
Le sous-bois est donc dégagé, ce qui rend la circulation
aisée. La majorité des jeunes plants qui jonchent le sol sont des
espèces sciaphiles. Elles sont mélangées à quelques
espèces héliophiles qui peuvent demeurer à l'état
de plantule durant des dizaines d'années en attendant une ouverture pour
assurer leur croissance en hauteur.
Photo Kemadjou, Décembre 2009
Photo 8: Trouée occasionnée par une coupe
d'arbre
Notes : Le point d'impact de la coupe d'un arbre laisse en
place un sous-bois touffu encombré principalement par des plantes
herbacées dominées par des Zingiberaceae et Marantaceae. Ces
herbacées profitent de l'importance du rayonnement qui arrive au sol.
Les coupes sélectives d'arbres ont ainsi pour conséquences une
diminution de la densité des arbres et arbustes, mais aussi une
perforation de la canopée. La multiplication des coupes et des
trouées augmente donc les clairières artificielles dans la
forêt. Noter aussi que la situation est comparable aux trouées
naturelles que sont les chablis.
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