La coupe sélective par définition répond
à deux critères : une catégorie précise
d'espèces à bois précieux demandée sur le
marché et un diamètre minimum d'exploitabilité (DME). Pour
optimiser la rentabilité, l'exploitant a pour souci de prélever
uniquement les espèces sollicitées par les marchés. De
l'autre côté, l'Etat propriétaire de la forêt doit
préserver son patrimoine et éviter les critiques des
organisations qui militent pour la conservation des écosystèmes
forestiers intertropicaux. De nombreux travaux indiquent qu'il est difficile
d'établir les conséquences de l'exploitation sélective en
termes d'impact sur l'ensemble de l'écosystème et de la
biodiversité (Bawa et Sidler, 1998) et en termes démographiques
pour les principales espèces exploitées (Fashing et al.
2004). Bien que le DME ait été fixé de
façon à permettre le renouvellement des espèces
exploitées dans leur milieu (les arbres étant supposés
être sexuellement mûrs avant d'avoir atteint ce seuil), certaines
études permettent d'établir des perturbations qui ont des
conséquences sur les processus devant assurer la
régénération de la diversité
génétique, et en particulier les mécanismes reproducteurs
(Jennings et al. 2001 cités par Lourmas, 2005). En effet, le
prélèvement concerne des individus qui sont supposés
être reproducteurs, des individus âgés qui sont souvent
considérés comme des réservoirs de la diversité
génétique. Leur exploitation est de nature à limiter la
reproduction de l'espèce.
Même si l'exploitation sélective des
forêts se caractérise par le prélèvement des arbres
situés au dessus d'un seuil de diamètre (appelé
diamètre minimum d'exploitabilité) fixé par espèce,
et mesuré à 1,30 mètre du sol, elle ne cause pas moins des
dégâts sur la forêt. L'exploitation pourrait conduire
à la raréfaction des arbres les plus vieux dont certaines ne se
régénèrent que très lentement. Elle entraîne
aussi une ouverture importante du milieu forestier (ouverture de la
canopée) (Lourmas, 2005).
Les principales conséquences de l'exploitation ont ainsi
été résumées par Lourmas (2005):
· Une modification locale de la distribution
diamétrique d'une espèce qui correspond à une diminution
de la densité en arbres reproducteurs potentiels ;
· Une modification de la distribution de la
diversité biologique. Cette modification concerne aussi bien la flore
(du fait du développement des espèces pionnières) que la
faune car la diversité biologique des insectes de la canopée
comme les papillons diminue considérablement ;
· Une perturbation peut aussi porter sur le comportement
du pollinisateur, qui peut par exemple augmenter le temps passé à
prospecter chaque arbre, entraînant une augmentation de
l'autofécondation ou de la fécondation entre individus
apparentés s'ils sont spatialement agrégés. En
conséquence, la production de fruits peut diminuer, soit parce que
l'espèce est autoincompatible, soit que le nombre de visites par les
insectes diminue;
· La perturbation de la structure de la forêt,
notamment les changements de rang de dominance des espèces, pourrait
limiter la régénération des principales espèces
exploitées (Hall et al. 2003).
A côté de ces thèses pessimistes,
d'autres travaux évoquent des effets positifs de la coupe
sélective des arbres dans le processus de
régénération et de renouvellement de la forêt dense
tropicale humide. Ces travaux soutiennent que les coupes sélectives
peuvent conduire à un rajeunissement de la population si l'ouverture de
la canopée profite à l'espèce, soit par l'installation de
nouveaux individus (nouveaux espaces pour les espèces pionnières
ou semipionnières), soit par redémarrage de la croissance vers
les strates supérieures de la canopée pour les individus qui
végétaient (Fashing et al. 2004). Webb (1999) montre par
exemple que l'exploitation sélective favorise la
régénération de Carapa guianensis (Meliaceae),
les semis installés dans les trouées d'abattage ayant un plus
grand succès d'installation, et les arbres
adultes ayant une croissance plus rapide qu'en milieu naturel
du fait de la mise en lumière. L'effet est donc particulièrement
important dans les premières années qui suivent
l'exploitation.