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Dynamique forestière post-exploitation industrielle: Cas de la forêt dense semi- décidue de Mbalmayo au sud Cameroun

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par Déric KEMADJOU MBAKEMI
Université de Yaoundé I - Master II géographie 2011
  

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VIII.2. Les modèles de la dynamique forestière

Plusieurs modèles ont été élaborés qui essayent de mettre en évidence les étapes de la succession ou de la dynamique végétale. On peut par exemple citer :

· le « modèle de facilitation ». c'est celui qui est assuré par les espèces pionnières qui, en modifiant le milieu qu'elles occupent en premier, facilitent l'installation des espèces à plus longue durée de vie. Ainsi, après l'exploitation de la forêt, celle-ci se reconstitue rapidement d'abord à partir d'espèces héliophiles souvent à bois tendre comme Musanga cecropioides, Myrianthus arboreus, Macaranga spinisa... Ces espèces cèdent par la suite le terrain à d'autres comme Alstonia boonei, Pycnanthus angolensis, Terminalia superba, Triplochiton scleroxylon...

· le « modèle de tolérance ». Il suppose la coexistence d'espèces pionnières dominantes avec d'autres espèces peu abondantes dont elles tolèrent la présence.

· le « modèle d'inhibition ». Ici, les espèces pionnières très dynamiques laissent difficilement la possibilité aux autres de s'installer. Ces espèces protègent donc leur espace contre toute forme de colonisation étrangère ce qui peut pendant quelques temps bloquer la reconstitution de la forêt.

VIII.3. Etat de la question

La dynamique forestière a été envisagée de plusieurs manières en fonction des disciplines des chercheurs qui ont abordé cette problématique (biologie, botanique, zoologie, écologie, sciences de l'environnement, géographie) même si, du fait de l'interdisciplinarité, les démarches méthodologiques utilisées sont voisines et les conclusions parfois convergentes. La littérature consultée aborde la dynamique forestière sous deux angles principaux: la dynamique naturelle des peuplements forestiers et la dynamique provoquée par les activités humaines.

VIII.3.1. La dynamique naturelle des forêts

Les forêts ne sont pas des entités statiques ou immuables. Elles connaissent une évolution permanente, un perpétuel processus dynamique même en dehors de toute intervention humaine. Des études sont par exemple formelles sur l'évolution des forêts tropicales à travers le temps.

VIII.3.1.1 La dynamique induite par les fluctuations climatiques passées

Les changements radicaux des climats dans le temps et dans l'espace ont toujours laissé des héritages importants sur le relief, mais aussi sur la végétation qui a du s'étendre ou se rétracter pour survivre. Les forêts tropicales ont par exemple connu une évolution provoquée par les grandes fluctuations climatiques intervenues au cours du Quaternaire (Figure 2). Les surfaces actuellement occupées par les forêts n'ont pas toujours été celles que nous connaissons aujourd'hui. De nombreuses recherches fondées sur l'étude des matières organiques des sols (MOS) et sur des analyses polliniques ont montré que les forêts tropicales ont connu plusieurs fluctuations au gré des changements paléoclimatiques. Elles ont été soumises à d'importantes transformations de la biodiversité et à une modification de leur distribution dans le temps et dans l'espace. Les forêts tropicales se sont adaptées aux changements climatiques en fluctuant c'est-àdire en entrant dans un processus dynamique. En périodes climatiques humides, elles sont en phase d'extension. Par contre, en périodes sèches, elles régressent pour assurer leur survie dans les zones refuges qui ont conservé une humidité suffisante.

Au Cameroun par exemple, pendant les périodes sèches du quaternaire, la végétation a migré vers les zones refuges comme le pourtour de la zone côtière...5 C'est à partir de ces zones refuges que s'est développée la reconquête une fois que le climat est redevenu favorable. De nombreuses autres recherches ont montré que les forêts tropicales ont régressé et se sont fragmentées durant le dernier maximum glaciaire il y a environ 20 000 ans (Maley, 2001, Giresse et al, 2004). Entre 23 000 et 15 000 ans BP on a observé un retrait de la forêt au profit de la savane du fait de la baisse de la pluviosité. Entre 10 000 et 4 000 ans BP, on note une forte extension de la couverture forestière à l'ouest de Yaoundé consécutive à une phase climatique humide (Giresse et al, 1994). A partir de 2500 ans BP les forêts d'Afrique centrale ont subi des destructions importantes provoquées par une phase climatique sèche. Les formations savanicoles vont s'étendre durant cette période. Depuis environ 1500 ans BP, la rehumidification a entraîné la reconquête de la forêt sur la savane (figure 2)

5 Polycopié Cours UE Géo 422 : Dynamique des espaces forestiers et risques, année 2007-2008.

Figure 2 : La reconstitution de l'évolution de la végétation au cours du Quaternaire au Sud Cameroun, le cas du lac Barombi Mbo (Kumba) (Giresse et al, 1994)

D'autres travaux de reconstitution menés en Afrique centrale atlantique ont formulé les mêmes
hypothèses. Trois périodes apparaissent : le début de l'Holocène6, humide et forestier ;
l'Holocène supérieur plus sec, constitué de mosaïques forêt-savane ; enfin, depuis environ six

siècles, la période actuelle à nouveau plus humide (Schwartz, 1997)7. L'histoire de la forêt tropicale au Quaternaire est donc celle d'une dynamique constante liée aux fluctuations climatiques et qui s'est traduite par des transgressions et des régressions de la forêt sur la savane. Mais la dynamique de la forêt n'est pas que passée. Aujourd'hui encore, la forêt est en continuelle évolution. Cette évolution est par exemple contrôlée par des chablis au sein des peuplements forestiers.

VIII.3.1.2 La dynamique causée par les chablis ou la régénération naturelle

Pour Riera et al. (1990), le chablis correspond à la perturbation provoquée par un arbre tombé au sol. Avec la mortalité des arbres, on le considère comme le moteur de la sylvigénèse car il est à l'origine de la régénération ou du rajeunissement graduel de la végétation. Dans les chablis, la mort des individus âgés offre l'opportunité à d'autres espèces de se développer et de se reproduire, faisant de la forêt une mosaïque où cohabitent des phases de jeunesse, de maturité et de vieillesse. En effet, la chute d'un arbre en forêt causée par des vents violents ou des fortes pluies provoque l'ouverture de la canopée. Cette situation entraîne une modification des conditions microclimatiques avec une intensité de lumière plus forte qui parvient au niveau du sol. De nombreuses espèces surtout héliophiles profitent de cette ouverture et des changements induits pour entreprendre leur régénération. Selon Riera et al (1990) ou Kahn (1982), les espèces qui interviennent dans les processus de régénération ainsi enclenchés sont classées en trois groupes (figure 3) :

· Les espèces pionnières qui peuvent germer facilement lorsque la lumière est intense. Elles participent les premières à la reconstitution de la végétation. C'est d'ailleurs à cela qu'elles doivent leur nom. Leur croissance est rapide et leur durée de vie courte (3 à 30 ans) ;

· Les cicatricielles ou nomades. Elles germent à la lumière et ont une durée de vie plus longue que les espèces pionnières (100 ans). Elles doivent leur nom à leur capacité à cicatriser les forêts perturbées ou à leur isolement les unes des autres. Leurs plantules se développent facilement lorsque la luminosité est intermédiaire entre la pleine lumière et le sous-bois;

· Les espèces structurantes ou dryades. Elles ont une croissance lente et une longue durée de vie. Leur présence à l'état mâture confère au peuplement un caractère ancien et une certaine stabilité. Les espèces structurantes ont une croissance lente et une durée de vie longue.

7 Cité par Henri Puig, 2001, La forêt tropicale humide, Belin, 448 P. P.29

Figure 3 : La dynamique de la régénération naturelle de la forêt dense tropicale (adapté de Kahn, 1982)

Ces différents groupes d'espèces se relaient après une perturbation au sein du peuplement forestier pour reconstituer la végétation. Le maintien de la biodiversité dans les forêts tropicales est en partie du à ces phénomènes de perturbations cycliques que sont les chablis qui maintiennent la biodiversité tout en la faisant évoluer. Le résultat de cette dynamique à l'échelle d'un peuplement végétal est qu'il n'existe pas une uniformité dans la structure et la composition de la forêt. Celle-ci constitue désormais un assemblage où cohabitent des unités élémentaires différentes par leur architecture et leur composition floristique. Ces unités élémentaires sont considérées par Oldeman (1990, cité par Blanc, 1998) comme des éco-unités c'est-à-dire des unités de végétation ayant commencé leur développement au même moment et sur la même surface à la suite d'une perturbation.

La forêt est en équilibre dynamique, son renouvellement étant assuré par la modification
successive de petites taches (Bormann et Likens, 1979 cités par Carrière, 1999). On aura ainsi
des unités mâtures composées de grands arbres, des chablis en phase de croissance et de

cicatrisation, des unités de dégradation. Toutes ces unités juxtaposées forment la mosaïque forestière, expression proposée par Aubreville. Cette mosaïque selon Oldeman est l'ensemble d'éco-unités à différentes phases de développement et caractérisant différents stades de la succession. On assiste ainsi à une régénération cyclique de la forêt. La perturbation naturelle n'est pas toujours synonyme d'érosion ou de perte de la biodiversité. Car, le maintien de la biodiversité dans les forêts tropicales est en partie assigné au phénomène de perturbations cycliques que sont les chablis qui maintiennent la biodiversité et la font évoluer.

VIII.3.1.3 La dynamique des marges ou des interfaces

Un autre aspect de la dynamique végétale est celui qui concerne les mouvements à la limite des biomes ainsi que nous l'avons évoqué plus haut en ce qui concerne le balancement de la limite forêt savane au quaternaire.

L'évolution de la zone de contact forêt savane a longtemps marqué les études de biogéographie et de botanique. De nombreux termes ont été employés pour signifier cette évolution des marges dans un sens comme dans l'autre: transgression, recul, avancée, reconquête, afforestation, emboisement, savanisation, invasion. Certains précurseurs de la phytogéographie tropicale comme Aubreville traitaient déjà, au milieu du siècle dernier, de l'évolution de la ligne de démarcation entre la forêt et la savane en parlant par exemple du "recul des lisières de la grande forêt guinéenne et équatoriale" (Aubreville, 1948 cité par Youta, 1998)...

Au centre Cameroun, la dynamique spatiale de la forêt sur sa lisière a été étudiée par Youta (Op. cit.). Son étude établit l'avancée de la forêt sur la savane, prenant ainsi à contre pied les tenants de la thèse de la forêt figée ou en recul. Cette première approche de la dynamique fondée sur l'évolution spatio-temporelle et même floristique renvoie à la dynamique des marges ou écotones en zone de contact forêt-savane. Elle s'appuie généralement sur la superposition diachronique des images satellites ou des photographies aériennes. La structure horizontale de la végétation est donc étudiée à travers une comparaison des états du couvert végétal à différentes périodes.

Certaines recherches ont tenté d'appréhender l'évolution de la forêt dans ses aspects fonctionnels, sans intervention humaine. C'est le cas des travaux de Kouob et Sonke (2001)8 qui étudient la mortalité, le recrutement et l'accroissement en hauteur et en diamètre des arbres à l'intérieur de la réserve du Dja, sur deux transects permanents entre 1993 et 2000. Ici, le comportement des individus est étudié à l'intérieur des placettes ou des transects. Ces différentes approches de la dynamique nous intéressent peu du fait qu'elles ne sont pas strictement liées aux activités humaines et à l'exploitation forestière plus particulièrement.

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