Problématique
L'infirmier(e) chef est une personne qui occupe un poste au
premier niveau de gestion et qui dirige des infirmières et des
infirmiers (et d'autres employés) dispensant des soins directs (Jeans et
Rowat, 2004). En effet, l'infirmier chef doit posséder une base
scientifique de connaissances issues des sciences de l'organisation, de la
gestion et de la politique des soins infirmiers, il détient
véritablement le rôle d'un gestionnaire d'unité de soins
qui consiste à planifier, à organiser, à diriger et
à contrôler les ressources humaines et matérielles en vue
d'atteindre, avec le plus d'efficacité possible, les objectifs de
l'organisation (Hubinon, 1998).
Malgré l'importance de son rôle, dans la plupart
des cas ce poste est occupé par des personnes qui n'ont pas reçu
une formation leur permettant d'assumer la responsabilité de la fonction
d'infirmier chef. Ce poste doit être normalement occupé par un
cadre de santé ou par un lauréat de 2ème cycle
des études paramédicales (EPM), comme l'exige la circulaire
n° 122 /DAA/PE du 28/12/1976 qui stipule que la responsabilité d'un
service hospitalier doit être assurée par un cadriste ou à
défaut un Adjoint de Santé Diplômé d'Etat (ASDE).
Or, d'après les résultats d'une étude
réalisée par Guejdad (2008) sur les stratégies
d'intégration des lauréats1 du 2ème
cycle, il s'est révélé que seulement 5 % parmi eux
occupent la fonction d'infirmier chef au niveau d'une unité de soins
hospitalier et aucun lauréat n'exerce cette fonction au niveau
ambulatoire. Ces résultats sont appuyés par une autre
étude effectuée au niveau de l'hôpital Ibn Sina de Rabat,
qui a montré que seulement 24% des infirmiers chefs occupant ce poste
ont suivi une formation au niveau de l'école des cadres ou au
2ème cycle des études paramédicales, ce qui a
leur
1 Cette étude a concerné les lauréats de la
deuxième cohorte
4 permis d'acquérir un certain niveau de connaissances
dans le domaine de la gestion de l'unité de soins (Djoumbe, 2008).
La position des cadres de proximité (infirmier chef)
dans les hôpitaux est considérée par certains auteurs comme
une des plus difficiles à retenir (Coudray, 2004). La méme
auteure ajoute que l'impression laissée par les échanges avec
certains cadres de santé est celle d'une activité
écartelée, stressante et laissant peu de part à
l'autonomie. En outre, les infirmiers chefs constituent la catégorie la
plus vulnérable car ils s'investissent dans l'exécution des
taches peu structurées et peu planifiées (Montésinos,
1992). Leur statut n'est pas reconnu et cela peut entraîner une
difficulté à se positionner, à trouver leur place
auprès de l'équipe mais aussi à se faire reconnaître
comme étant chargé de l'encadrement de l'unité de soins
(Haller, 2004). Cette situation accentue la difficulté à
reconnaitre le leadership infirmier dans l'environnement intra et extra
hospitalier et produit une résistance au changement (Brissette,
2006).
En 2001, Debiche a avancé que la fonction d'IC est
toujours en pleine mutation et suscite des craintes qui se traduisent notamment
par une crise d'identité, pouvant amener à un problème de
reconnaissance de la part des autres acteurs de l'hôpital. Selon le
méme auteur, cette situation peut aboutir à un
désinvestissement de la fonction, se manifestant par une baisse
importante de candidatures au poste d'IC, laissant présager pour
l'avenir un manque de personnel d'encadrement des unités de soins. En
plus, les cadres infirmiers se sont retrouvés isolés avec des
nouvelles compétences auxquelles ils n'étaient pas toujours
préparés (Debiche, 2001).
Le système hospitalier a un besoin impératif en
cadres formés et aptes à réussir les changements dont ils
sont plus que jamais la clé de voûte (FO-Santé
Documentation, 2011). De ce fait, le poste d'infirmier chef doit être
occupé par une
5 personne ayant reçu une formation lui permettant
d'acquérir des compétences en management et gestion des soins
infirmiers comme le souligne Haller (2004) ; le diplôme contribue
à asseoir une reconnaissance, à légitimer un
positionnement et à aider au développement des
compétences.
Le centre hospitalier Ibn Sina (CHIS) de Rabat vit ce
problème. Ce centre hospitalier de référence à
l'échelle national étant donné la multitude des
prestations et le grand nombre des unités de soins impose la
création des postes d'IC correspondants mais, les entretiens
préliminaires avec certains lauréats de 2ème cycle,
exerçant au niveau de CHIS de Rabat, ont montré que la
majorité d'entre eux refuse d'occuper le poste d'infirmier chef, par
contre ils préfèrent une fonction au niveau du service des soins
infirmiers (SSI). Ce constat est appuyé par les responsables de CHIS de
Rabat, qui critiquent la sélectivité et le refus de certains
lauréats de 2ème cycle des postes vacants au sein du
CHIS, qui correspondent à leur profil et aux compétences acquises
au 2ème cycle notamment celui de l'infirmier chef (Mouloudi,
2010). Ceci malgré que l'article 2 de l'arrêté du
Ministère de la Santé n° 2360-032 a
souligné que l'enseignement dispensé au niveau du
2ème cycle des IFCS a pour objectifs de préparer des
cadres paramédicaux, qui selon leurs spécialités et leurs
domaines d'intervention, seront capables de : (a)Gérer les unités
de soins et les ressources qui s'y rattachent; (b) Animer des équipes de
travail et y raviver le sens de responsabilité, d'autonomie et la
volonté de changement; (c) participer à l'élaboration,
à la mise en oeuvre et à l'évaluation des
stratégies pédagogiques et de soins....
Au Maroc aucune étude n'a été
réalisée à propos des infirmiers chefs lauréats de
2ème cycle. Une telle étude revêt une importance
capitale, du fait que l'infirmier
6 chef est un chaînon stratégique du service
infirmier (Montésinos, 1992), dans lequel le lauréat de
2ème cycle sera en mesure de mener un grand changement. Pour
cela, cette étude vise à documenter, auprès de cette
population, les facteurs influençant l'exercice de leur fonction entant
qu'infirmier chef au niveau de CHIS de Rabat. En outre, pour dévoiler la
représentation réelle de cette fonction, il est nécessaire
de la chercher auprès des lauréats de 2ème
cycle, qui sont des acteurs censés la valoriser et la faire reconnaitre
auprès des autres professionnels de santé et auprès des
patients.
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