Chapitre 1
De la théorie d'efficience des marchés
financiers à la Finance comportementale
L'énigme de volatilité excessive des cours
boursiers : Explication par la finance comportementale à travers
l'excès de confiance et le comportement grégaire. «
Validation empirique sur la BVMT »
Chapitre 1
De la théorie d'efficience des marchés
financiers
à la Finance comportementale
L'hypothèse des marchés efficients à
été depuis plus de trente- cinq ans la proposition clef de la
finance traditionnelle (néoclassique) telle qu'énoncé
par
Jensen en 1978 «Il n'y a aucune autre évidence
empirique plus solide le soutenant que l'hypothèse d'efficience du
marché » (1978, p95). L'efficience des marchés financiers
est un thème qui à été abondamment traité
dans la littérature financière. Ainsi, de très nombreuses
vérifications empiriques ont été effectuées sur
différents marchés avec des méthodes convergentes et ont
amené à des résultats positifs : l'efficience était
dès lors considérée comme acquise.
Fama en 1965 fut le premier à donner une
définition d'un marché efficient, à partir de son article
publié dans le Journal of Business, il stipule que : « dans un
marché efficient à tout moment, le prix actuel d'un titre est un
bon estimateur de sa valeur intrinsèque » (1965b, p56).
A partir de cette définition initiale, un corps
théorique structuré et formalisé s'est progressivement
constitué, en intégrant notamment les notions d'utilité
espérée2
2 John von Neumann and Oskar Morgenstern: Theory of
Games and Economic Behavior, Princeton University Press (1944).
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L'énigme de volatilité excessive des cours
boursiers : Explication par la finance comportementale à travers
l'excès de confiance et le comportement grégaire.
et de la rationalité de l'investisseur qui constituent les
hypothèses sous-jacentes les plus importantes.
En fait la position de la théorie de l'efficience,
restée pour longtemps dominante, à été
érodée par la découverte successive des anomalies et par
l'évidence de la volatilité excessive des cours. En
réponse à l'inaptitude de la théorie d'efficience des
marchés à expliquer la persistance de certaines anomalies, de
nombreuses études ont été menés attestant avec
force le caractère insaisissable du paradigme de rationalité et
de l'hypothèse assignant au marché le caractère efficient
: c'est précisément sur l'approche comportementale que nous nous
engagerons notre réflexion.
A l'inverse du paradigme traditionnel qui envisage
l'investisseur comme étant rationnel, la littérature traitant de
la finance comportementale offre un paradigme alternatif ayant un cadre plus
large et plus adéquat ; en effet, la discipline émergente de la
finance comportementale suggère, pour sa part, que les investisseurs
n'agissent pas avec une rationalité parfaite, et que les
décisions d'investissement dépendent également
d'émotions telles que la peur de perdre ou l'excès de confiance.
Par conséquent, ses postulats majeurs se résument essentiellement
en deux points : les marchés sont inefficients et il est possible
d'exploiter les biais du comportement des investisseurs pour profiter des
anomalies des cours qui en découlent.
Dans la première section de ce chapitre nous traitons la
notion d'efficience des marchés financiers.
La seconde section se focalisera sur l'étude de la finance
comportementale.
La troisième et la dernière section aura pour objet
de tester l'énigme de volatilité excessive sur le marché
boursier tunisien.
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L'énigme de volatilité excessive des cours
boursiers : Explication par la finance comportementale à travers
l'excès de confiance et le comportement grégaire.
Section 1 : Prédiction de la théorie
d'efficience :
La théorie d'efficience, née au début des
années soixante, est l'une des théories les plus
controversées de la finance moderne. L'efficience suppose la
rationalité des agents dans leurs comportements ainsi que dans leurs
anticipations, d'où rejeter l'efficience c'est rejeter l'existence
d'agents rationnels maximisateurs d'utilité : la rationalité et
l'efficience constituent deux concepts indissociables.
Cette rationalité signifie que les investisseurs
peuvent accéder à l'information, qu'ils ont la possibilité
de la traiter correctement et que la concurrence entre investisseurs garantit
que les actifs sont valorisés de manière correcte,
reflétant ainsi toute l'information disponible. C'est le «
marché efficient ».
Aujourd'hui, même si que le concept d'efficience des
marchés financiers constitue le noyau de la finance moderne, il à
fait l'objet de nombreuses critiques émanant particulièrement des
défenseurs de la finance comportementale, qui ont relevé un
certain nombre d'anomalies.
Dans cette section, nous abordons le thème d'efficience
des marchés financiers. Nous commencerons par un rappel de
l'hypothèse classique de l'efficience des marchés financiers.
Puis, dans la deuxième partie, nous présenterons les
différentes formes d'efficience. Ensuite, dans la troisième
partie, nous exposerons les conditions nécessaires à l'efficience
des marchés financiers. Enfin, la quatrième partie sera
consacrée à la remise en cause de la théorie
d'efficience.
1.1. Revue de la théorie d'efficience des
marchés financiers : L'hypothèse classique :
L'hypothèse d'efficience des marchés financiers
(HEMF) est incontestablement à la base de la finance moderne. En effet,
cette hypothèse stipule que les prix des actifs financiers
reflètent, à tout instant, toute l'information disponible et donc
les cours seraient
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L'énigme de volatilité excessive des cours
boursiers : Explication par la finance comportementale à travers
l'excès de confiance et le comportement grégaire.
évalués au « juste prix » et
évolueraient selon une marche aléatoire3 au gré
des surprises qu'apportent les nouvelles informations.
Les origines de l'HEMF remontent aux travaux de deux individus
: Paul Samuelson (1965) et Eugene F Fama (1963,1965 ,1970) qui ont
développé la même notion-base de l'efficience du
marché partant de deux courants de recherche différents.
Il existe trois arguments théoriques de base qui sont
à l'origine de l'HEMF :
- le premier et le plus signifiant est que les investisseurs sont
rationnels et par implication les titres sont évalués
rationnellement.
- le second suppose que si les investisseurs ne
négocient pas d'une manière rationnelle, on peut encore supporter
l'HEMF lorsque leurs actions sont aléatoires c'est-à-dire que les
unes éliminent les autres sans toucher la valeur des titres.
- le troisième suppose que si les investisseurs son
irrationnels, l'HEMF est encore maintenue car la corrélation des
échanges effectués par les investisseurs irrationnels peut
être éliminée par l'action des arbitragistes rationnels.
L'hypothèse classique sur laquelle se fonde la
théorie d'efficience réfère aux trois concepts suivants
:
- l'efficience allocationnelle : elle repose sur le fait que
les marchés financiers sont efficaces dans la mesure où les prix
des actifs côtés sont uniquement fonction des anticipations qu'ont
les investisseurs de leurs revenus futurs.
- l'efficience opérationnelle : elle implique que sur
un marché il n'existe pas des coûts liés à la
microstructure et les seuls coûts existants sont liés à la
nature de l'opération (taxes, frais de courtage..).
- l'efficience informationnelle : elle constitue le pilier
essentiel de la théorie de la finance économique. De l'efficience
informationnelle des marchés, se dégage la conclusion que le prix
d'une action incorpore toutes les informations disponibles, soit la
totalité de l'information possible si l'on se place dans
l'hypothèse de la forme forte
3 Une marche aléatoire est un modèle
mathématique d'un système possédant une dynamique
discrète composée d'une succession de pas aléatoires, ou
effectuées « au hasard ». Les pas aléatoires sont de
plus totalement dé corrélés les uns des autres.
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L'énigme de volatilité excessive des cours
boursiers : Explication par la finance comportementale à travers
l'excès de confiance et le comportement grégaire.
de l'efficience. Ainsi en analysant l'ensemble des
informations économiques, comptables et financières d'une
entreprise, il est possible de déterminer la valeur fondamentale qui la
caractérise et d'en déduire la valeur de l'une de ses actions.
D'où la nécessite au préalable de présenter la
notion de valeur fondamentale d'un actif, cette dernière est issue de la
condition du premier ordre d'un programme de maximisation de l'utilité
inter temporelle d'un agent 4(Lucas, 1978) :
E(R \ I) = r (1.1)
Où :
· E : L'opérateur d'espérance
mathématique,
· It : L'ensemble d'information disponible au temps t
(incluant notamment les cours et les dividendes passés et
présents) commun à tous les agents.
· R~ : La rentabilité d'un actif au temps t :
Pt+1--Pt+Dt
R = (1.2)
pt--i
Où :
· Pt et Pt~i : Désignent respectivement les cours
d'une action au temps t et t+1, et Dt les dividendes,
· r : Le taux d'intérêt (supposé ici
constant).
De cette condition découle que l'anticipation
rationnelle du taux de rentabilité, compte tenu de l'information
disponible, est égale au taux d'intérêt r. En
remplaçant Rt par sa valeur dans l'équation (1.1), on obtient
:
P * = ? ~ èj+1 E(D~~~ \ I) (1.3)
~~~
4 On suppose ici que les agents sont neutres vis-à-vis
du risque, opèrent dans un environnement concurrentiel, ont des
fonctions d'utilité séparables au cours du temps et que le taux
psychologique de préférence pour le présent est nul.
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L'énigme de volatilité excessive des cours
boursiers : Explication par la finance comportementale à travers
l'excès de confiance et le comportement grégaire.
Où:
· è = (1 + r)_1 : Le facteur
d'actualisation,
· Pt * est appelée valeur fondamentale du titre est
égale à la somme actualisée des dividendes futurs
anticipés rationnellement par les agents5.
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