L'arbitrage en droit de la propriété intellectuelle dans l'espace oapi( Télécharger le fichier original )par Charles Marcel DONGMO GUIMFAK Université de Yaoundé I - SOA - Master 2 en Droit de la propriété intellectuelle 2009 |
Paragraphe 2 : La question de l'immunité d'exécution de certaines personnes de droit publicLes personnes publiques résistent encore à honorer leur engagement en phase d'exécution de la sentence. Le privilège de l'immunité d'exécution des Etats et de leurs démembrements entrave ainsi l'efficacité paisible des sentences arbitrales. Il importe de poser le problème de cette entrave (A), puis d'essayer une solution (B). A - Position du problèmeLes obligations financières découlant des sentences définitives doivent être exécutées comme des jugements définitifs des tribunaux locaux. Cependant, dans le cas d'une sentence contre un État, les règles normales d'immunité contre l'exécution seront applicables. En pratique, cela signifie généralement que l'exécution n'est pas possible contre des actifs qui servent les fonctions publiques de l'État. Par exemple, dans les affaires LIAMCO217(*) et SEEE (Société Européenne d'Etudes et d'Entreprises SA)218(*), l'immunité d'exécution a été excipée respectivement par les Etats libyen et Yougoslave. Le siège de l'immunité d'exécution des personnes morales de droit public dans l'espace OAPI, se trouve à l'article 30 de l'Acte uniforme OHADA sur les voies d'exécution. Les comportements des Etats parties à une convention d'arbitrage commercial international tendant à empêcher la mise en oeuvre des obligations découlant des sentences rendues à leur encontre constituent de sérieuses entraves à l'efficacité internationale des sentences arbitrales. B - Essai de solution au problèmeMonsieur LALIVE relevait : «tout justiciable devrait avoir le droit de soumettre une réclamation ou un litige, même contre un Etat, à une juridiction neutre et impartiale. Il faut ensuite qu'il soit en mesure d'obtenir l'exécution de la décision prise. Ces principes devraient prévaloir en tout cas lorsqu' il y a (une) clause arbitrale, et devraient l'emporter sur le concept d'une souveraineté, anachronique dans le monde actuel et dans le domaine du commerce international »219(*). D'un point de vue contractuel, l'immunité d'exécution des personnes publiques heurte le principe de bonne foi qui gouverne les affaires et les intérêts du commerce international. L'Etat partie à un arbitrage qui se réfugie derrière le principe d'immunité d'exécution des personnes publiques, au moment de l'exécution de la sentence à son encontre, galvaude la règle pacta sunt servanda et engage de ce fait sa responsabilité et sa crédibilité en raison du manquement à la parole donnée dans la convention d'arbitrage220(*). Il viole ainsi les principes fondamentaux de justice équitable. Il importe donc de rétablir l'équité afin que la justice s'exerce pleinement et efficacement pour toutes les personnes et que soit respecté le principe d'égalité. Cela amène à s'interroger sur la réelle opportunité du maintien du privilège de l'immunité d'exécution des personnes publiques en matière d'arbitrage. Une décision du Tribunal Fédéral Suisse pose le principe de la renonciation au privilège d'immunité d'exécution en cas de stipulation d'une convention d'arbitrage, principe qui repose sur l'idée selon laquelle l'immunité d'exécution étant la conséquence logique de l'immunité de juridiction, la renonciation à la première induit celle de la seconde. Ce raisonnement opérant un lien indissociable entre les deux principes est d'une cohérence imparable : on ne saurait en effet concevoir qu'un Etat accepte de se soumettre à la justice pour ensuite en renier les conséquences221(*). Ce principe a encore été affirmé par la jurisprudence française dans des litiges assez récents222(*). Ces conflits récemment réglés par la jurisprudence française reflètent bien le sérieux obstacle que constitue la réticence des personnes publiques à honorer leur engagement dans la phase d'exécution de la sentence arbitrale. Une évolution des textes régissant l'exécution des sentences est alors souhaitable pour corriger les imperfections actuelles et assurer un avenir meilleur à l'efficacité internationale des sentences arbitrales. Mais la présomption de renonciation des personnes publiques à l'immunité d'exécution en cas de stipulation d'une convention d'arbitrage ne concerne que les biens affectés à une activité commerciale et économique. Les biens des personnes publiques destinés à une activité de service public et relevant des prérogatives de puissance publique étant exclus du domaine du principe, seule une renonciation expresse pourra permettre des mesures d'exécution forcée sur ceux-ci. Cette précision a été notamment apportée par la Cour de cassation française dans l'arrêt Eurodif c/ Iran223(*). Il faut également noter que l'immunité d'exécution est tempérée par l'article 30 alinéa 2 de l'Acte uniforme OHADA sur les voies d'exécution qui prévoit la possibilité de compensation. * 217 Trib. féd. Suisse, 30 juin 1980, ATF 106 I.a, 142 s. * 218 Décision rapportée par Jean Flavien LALIVE, « Quelques observations sur l'immunité d'exécution des Etats et l'arbitrage international », Kluwer Academic Publishers, 1989, p. 381, note 22. * 219 J. F. LALIVE, « Quelques observations sur l'immunité d'exécution des Etats et l'arbitrage international », Kluwer Academic Publishers, 1989, p. 380. * 220 Sourou Tinê Abdel-Kader FADAZ, op. cit. * 221 Idem. * 222 Cass. Civ 1ère 6 juillet 2000, Quatar c/ sté Creighton, JCP 2001, II. 10512, Kaplan et Cuniberti ; Paris,10 août 2000, Ambassade de Russie en France c/ Cie Noga, JDI 2001. 121, Pingel-Lenuzza. * 223 Cass. Civ 1ère 14 mars 1984, JCP 1984 II. 20205. |
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