Etude sociolinguistique de l'affichage publicitaire dans la ville de tanger( Télécharger le fichier original )par Mohamed EL KARKRY IBN Tofail Kenitra - Master 2012 |
4- Du discours au discours publicitaireVu sa grande extension, le concept de "Discours" avait toujours été sujet d'énormément d'études, de recherches et de débats. De "La Rhétorique" d'Aristote" à l'antiquité, puis dans le temps moderne avec Saussure (1916), Benveniste (1966), Jaubert (1990), Maingueneau (1976), Orecchioni (1980, 2005) et d'autres chercheurs que le contexte ne permet de les citer tous. La notion de "Discours" est différemment appréhendée de l'un à l'autre, de sorte que son acception ne saurait être délimitée que selon le contexte d'utilisation. Nous tentons de présenter, dans ce cadre, les différentes conceptions de la notion de "Discours" en tant que fait linguistique et mettre en exergue le discours publicitaire comme type de discours argumentatif. Ensuite, nous nous attardons sur les caractéristiques et les mécanismes de ce discours, et nous appréhendons enfin le discours publicitaire d'un point de vue psychosociologique. 4.1- Essai de définition:
En ce qui concerne la conception du discours, Aristote, en essayant de définir ce concept , avait distingué trois types d'auditeurs qui correspondent, eux-mêmes, à trois genres rhétoriques, chacun trouvant à s'adapter à l'auditeur visé et visant un certain type d'effet social50(*) : · le délibératif ou politique; · le judiciaire · l'épidictique (ou démonstratif). Le délibératif s'adresse au politique et son objectif est de pousser à la décision et à l'action (a pour fin le bien); le judiciaire s'adresse au juge et vise l'accusation et/ou la défense (a pour fin le juste); le démonstratif fait l'éloge ou le blâme d'une personne (a pour fin le beau, en terme actuel: la valeur). Généralement, le discours est conçu comme toute sorte de production langagière de dimension variable. Mais cette définition demeure banale vu l'instabilité que connait cette notion, envisagée différemment selon les différentes approches du Discours, d'où la confusion qui surgit dans sa délimitation. Ainsi, dans la perspective de mettre en évidence les différents emplois du terme "discours", Maingueneau (1976: 11, in Momar CISSE et Mamadou DIAKITE, 2007, p.121-122) propose six parmi les plus courants: 1) Le discours est synonyme de la parole dans le sens saussurien. 2) Discours: unité linguistique transphrastique indépendante du sujet. 3) Au sens harrissien, discours désigne des suites de phrases considérées du point des règles de leur enchainement. 4) Selon l'école française pour l'analyse du discours, Discours est conçu généralement comme une "suite de phrases rapportées à ses conditions de production, se définit par opposition à "l'énoncé", qui exclut de telles conditions." 5) Dans la théorie de l'énonciation (Benveniste: 1966), "discours" réfère à la mise en fonctionnement de la langue et est donc inséparable de l'instance d'énonciation (tout ce qui réfère au je-tu, ici, maintenant du locuteur), ainsi Benveniste oppose "discours" au "récit" (histoire), qui se caractérise par l'absence de marque de subjectivité. 6) Enfin il y a chez Benveniste (idem) l'emploi du terme discours en opposition avec la langue "qui est un ensemble fini relativement stable d'éléments potentiels"51(*). Benveniste (1966: 129-130) pose cette opposition en déclarant: " avec la phrase on quitte le domaine de la langue comme système de signes, et l'on entre dans un autre univers, celui de la langue comme instrument de communication, dont l'expression est le discours." Pour Benveniste, le discours est lieu où s'exerce la créativité et la contextualisation qui confèrent de nouvelles valeurs aux unités de la langue. (in Alpha Ousmane BARRY, idem) Cette conception de Benveniste du discours rejoint, en effet, celle de Jaubert (1990: 22) " langage en situation" et celle Catherine Kerbrat-Orecchioni "langage mis en situation" (in Bougnoux 1993: 219). Conception selon laquelle il n'y a discours que s'il y a mise en fonctionnement, manipulation de la langue. Cependant du point de vue de Maingueneau, "le discours n'est pas un objet concret offert à l'intuition, mais le résultat d'une construction [...], le résultat de l'articulation d'une pluralité plus ou moins grande de structurations transphrastiques, en fonction des conditions de production" (1976, p. 16). Foucault, lui, tient la même conception : "on appellera discours un ensemble d'énoncés en tant qu'ils relèvent de la même formation discursive." (1969, p. 153 in J.M. Adam, 1990, p. 20) Maingueneau (1984) allait un peu plus loin et parlait de la notion d'interdiscours, rejoignant ainsi Bakhtine (1984) concernant sa théorie de la polyphonie: multiplicité de discours à l'intérieur du même discours. Interdiscours désigne selon lui "un espace d'échange entre plusieurs discours, [...] un "espace de régularité" dont les discours ne sont que les composants." (1984, p. 11 in Adam, 1990, p. 20). En outre, Dominique MAINGUENEAU (1989, p. 18) avait conçu le discours d'un point de vue de l'analyse du discours et donnait cette définition qui s'inscrit, également, dans la conception pragmatique de la notion tout discours peut être défini comme un ensemble de stratégies d'un sujet dont le produit sera une construction caractérisée par des acteurs, des objets, des propriétés, des événements sur lesquels il s'opère (in Alpha Ousmane BARRY, op.cit: 4) . Dans cette même optique, Jean-Michel Adam (1990, p. 23) souligne qu'" un discours est un énoncé caractérisable certes par des propriétés textuelles mais surtout comme un acte de discours accompli dans une situation (participants, institutions, lieu, temps)" . Outre ces conceptions restrictives du discours , il y a une autre conception qui se voulait plus généraliste, qui tend, d'un côté, à assimiler discours au texte. Ainsi pour A. O. BARRY le concept de discours, de nos jours, ne référait pas seulement à une production orale mais aussi, il recouvre le texte écrit; c'est-à-dire qu'il s'applique aux énoncés oraux et écrits. Ainsi, vu ses emplois variés et ses délimitations parfois énigmatiques et équivoques, le discours tend à désigner "toute réalisation orale ou écrite par un sujet, de la dimension de la phrase ou au-delà (succession de phrases: texte) et ainsi que son contexte". (A. O. BARRY, Ibid., p. 2) D'un autre côté, la notion de discours semble entretenir un rapport avec la grammaire de texte et/ou linguistique textuelle, surtout avec les travaux de J.M. Adam (1990 et 1992). Ce dernier avait développé la notion de "séquentialité" selon laquelle un texte "est une structure hiérarchique complexe comprenant des séquences elliptiques ou complètes de même type ou de types différents" (1992, p. 28) . On comprend d'après cette définition que le texte, pris au sens de discours, peut être envisagé comme une structure séquentielle constituée elle-même de séquences. Ces séquences sont reliées entre elles par des règles qui assurent la cohésion et cohérence du texte/discours. Or, il convient de ne pas confondre entre ces deux notions; "Discours" et "Analyse du Discours". "Discours" constitue la matière, objet d'étude, c'est ce qu'on vient de définir supra, alors que "Analyse du Discours" est, comme d'autres, l'une des disciplines qui s'occupent de l'étude du discours, à savoir "l'analyse de la conversation, [...] théories de l'argumentation, théories de la communication, sociolinguistique, ethnolinguistique...- la liste n'est pas exhaustive. Chacune étudie ce discours à travers un point de vue qui lui est propre" (Maingueneau, 1996, p. 8 in A.O BARRY, Ibid. p. 5) . Il est à signaler qu'en analyse du discours, il y a aussi différentes approches: l'approche énonciative, l'approche, pragmatique, l'approche sémiologique, l'approche sociolinguistique, l'approche conversationnelle, l'approche interactionnelle, etc., dont chaque approche repose, dans son analyse du discours, sur des méthodes spécifiques. Après cette présentation des différentes conceptions de la notion de "Discours", nous tentons maintenant de mettre en évidence certains emplois du terme "discours", dont le sens varie selon le mot avec lequel est relié (parties de discours=différentes classes grammaticales de mots, genres de discours= roman, théâtre, poésie, etc.) . Dans cette perspective, J.M. Adam (1990, pp. 20-21) souligne : "Le concept de discours étant ainsi pris dans celui d'interdiscours, je réserve son usage à l'emploi trivial qui permet de parler de discours publicitaire, politique, scientifique, etc. et je le relie aux genres du discours que constituent le poème, l'essai, le théâtre, le roman, (et leurs sous-genres respectifs) comme genres du discours littéraire; le sermon, l'hagiographie, la parabole, la prière, etc. comme genres du discours religieux; l'éditorial, le fait divers, le reportage sportif, etc. comme genres du discours journalistique; etc. * 50 "Aristote et la logique des valeurs", http://fr.wikipedia.org/wiki/Rh%C3%A9torique, 16/08/2012 * 51 Alpha Ousmane BARRY, sans date, Les bases théoriques en analyse du discours, p. 2. Disponible sur www.er.uqam.ca/nobel/ieim/IMG/pdf/metho-2002-01-barry.pdf . |
|