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Etude sociolinguistique de l'affichage publicitaire dans la ville de tanger

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par Mohamed EL KARKRY
IBN Tofail Kenitra - Master 2012
  

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3- La dimension culturelle de la publicité:

Nous tentons de traiter dans ce point la portée culturelle de la publicité, et ce en essayons d'examiner les questions suivantes: quels sont les facteurs qui interviennent dans le choix du produit par le consommateur, les attitudes rationnelles ou les valeurs culturelles? Y-t-il une relation entre le choix d'un produit ou d'un service, les valeurs sociales et/ou culturelles et l'identification sociale du consommateur ( genre, âge, profession, religion, etc.) ? Le choix d'un produit ou d'un service reflète-t-il la personnalité du consommateur? La consommation d'un produit traduit-elle un mode de vie, la culture d'une époque ou d'une zone géographique donnée?

Avant d'explorer ces interrogations, il serait utile de mettre en lumière le concept de "culture". Dans son acception anthropologique, la culture est définie par Edward Burnett Tylor en 1871 comme " un tout complexe qui englobe les connaissances, les croyances, l'art, la morale, la loi, la tradition et toutes autres dispositions et habitudes acquises par l'homme en tant que membre d'une société". ("culture (anthropologie)", Encarta 2009). Quelques années plus tard, l'anthropologue américain Franz Boas a remis en cause cette définition et proposa "une approche résolument particulariste de la culture." Il affirme que les formes et les modes de vie des hommes n'évoluent pas selon un modèle linéaire et en fonction du niveau de leur développement mental, mais qu'elles sont les produits de processus historiques locaux. Ces processus historiques sont déterminés non seulement par les conditions environnementales dans laquelle vit la société considérée, mais également par les contacts qu'elle entretient avec les sociétés avoisinantes. La culture est définie également par Lévi-Strauss comme «...un ensemble de systèmes symboliques dont le langage, les règles matrimoniales, les rapports économiques, l'art, la science, la religion et dans lesquels l'aspect rationnel est déterminant. » (cité dans Hazar Maiche, 2010, p. 292).

Ceci dit, la culture est un concept complexe et supporte des acceptions variées, mais, pour le relier à notre sujet, nous ne le prendrons, ici, que dans le sens de phénomènes sociaux caractérisant les sociétés en général. Etant donné que la publicité est un phénomène qui caractérise la vie commerciale de toute société. Or la publicité a un discours, le discours est fait de mots, les mots sont de la langue, et la langue véhicule une culture. Ainsi, faire de la publicité d'un produit, d'une association, d'un service, d'une entreprise, d'une institution, etc. c'est transmettre au public, tacitement, un modèle culture. Le discours publicitaire est, donc, porteur d'une culture, parce que « toute publicité, pour qui veut la décoder, offre un modèle de culture » (B. Cathelat, 2001 , p. 268, in Hazar Maiche, 2010, p. 290).

En ce qui concerne les facteurs qui sont derrière le choix d'un produit par le consommateur, est-ce un choix basé sur des attributs rationnelles et scientifiques ou sur des attributs culturelles, c'est-à-dire un choix basé sur la culture répandue dans la société. Par exemple si une femme veut acheter un produit cosmétique, est-ce- qu'elle consulte un médecin spécialiste qui lui prescrirait le produit convenable, elle se contenterait de prendre des informations de ses amies, elle achèterait la marque la plus utilisée par les femmes, ou elle opterait pour une marque utilisée par une femme fameuse qu'elle a vue dans une publicité (athlète, actrice, artiste, etc.). Et cet exemple est valide pour tout le monde. Dans ce sens, Sheehan (2004, p. 24, in Chafai, op.cit., p. 34) avance que " puisque nous voyions le monde à travers ce prisme culturel, il est difficile de prendre des décisions basées sur les attributs rationnels d'un produit. La lentille culturelle nous permet de créer du sens à partir du produit et des services qui entrent dans notre point de vue". "since we are viewing the world through this cultural lens, it is difficult to make decisions based on the rational attributes of a product. The cultural lens allows us to create meaning from the product and services that come into our view." Tout compte fait, c'est la dimension culturelle qui oriente nos choix parce que "les besoins des gens n'ont jamais été naturels, mais toujours culturels, toujours sociaux, toujours définis selon ce qui est normal et courant dans leurs sociétés" "People's needs have never been natural, but always cultural, always social, always defined relatives to the standard of their societies" (Schudson, 1984, p. 145, in Sheehan, 2004, p. 24, in Chafai, 2008, p. 33).

Concernant la relation entre le choix d'un produit ou d'un service, les valeurs sociales et/ou culturelles et l'identification sociale du consommateur ( genre, âge, profession, religion, etc.), Leiss (1997,p. 13, in Chafai, op.cit., p. 34) affirme que "les objets matériels transmettent toujours une signification et des messages sur la position sociale des gens (rang, statut, privilèges, fonction, caste, genre), et sur la façon dont ces sous-groupes sociaux ont été formés et sur ce que les règles conçues pour les groupes dictent leur conduite les uns aux autres". Ainsi, les produits ont pour fonction non seulement la satisfaction des besoins des individus mais aussi, ils communiquent un certain sens. Ils reflètent un système de valeurs, un mode de vie et une vision du monde. Dans cette même optique Baudrillard précise qu'« On ne consomme jamais l'objet en soi (dans sa valeur d'usage) - on manipule toujours les objets (au sens le plus large) comme signes qui vous distinguent soit en vous affiliant à votre groupe pris comme référence idéale, soit en vous démarquant de votre groupe par référence à un groupe de statut supérieur » (1996, p. 79) et ajoute que « la valeur stratégique en même temps que l'astuce de la publicité est précisément de toucher chacun en fonction des autres, dans ses velléités de prestige social réifié. Jamais elle ne s'adresse à l'homme seul, elle le vise dans sa dimension différentielle, et lors même qu'elle semble accrocher ses motivations « profondes », elle le fait toujours de façon spectaculaire, c'est-à-dire qu'elle convoque toujours les proches, le groupe, la société, dans le procès de lecture, d'interprétation et de faire-valoir qu'elle instaure. » (p. 86, cité par H. Maiche, 2010, p. 291).

Pour mettre en exergue les propos de Leiss concernant la corrélation entre le choix du produit et l'identification sociale du consommateur, nous prenons l'exemple de quelqu'un, au Maroc bien sûr, qui allait acheter une voiture de la marque "DACIA LOGAN". Celui-ci, par ce choix, communiquait implicitement certains renseignements à propos de son identification sociale précisément sur son statut économique, il est généralement fonctionnaire public ou privé, qui appartient à la classe moyenne. Or si vous voyez quelqu'un avec une Bugatti Veyron Super Sport c'est tout à fait le contraire.

Un autre exemple qui reflète cette relation étroite entre la publicité et la culture, la publicité au Maroc des produits ou des services interdits par la religion (Islam) comme l'alcool et le porc n'existe plus, contrairement aux pays occidentaux. Cela communique une des dimensions culturelles du pays qu'est la religion, malgré que ces matières sont consommés en cachette.

A propos de la question de la relation entre le choix du produit et la personnalité du consommateur, elle se manifeste clairement dans le type de publicité intégrative ou projective (voir 2.2.4 du 1er Chap.) qui vise à mettre en valeur les normes d'un groupe social et les attribuant au produit en question. C'est une technique qui cherche aussi à modifier le style de vie du consommateur. Dans ce cadre Jacques Nantel (1998), en étudiant le comportement des consommateurs d'un point de vue psychologique et social, distingue entre deux types de consommateurs fidèles d'un même produit de la même marque, dont l'un a adopté ce produit après l'expérience de plusieurs produits, il a donc trouvé la satisfaction qu'il attendait. L'autre consomme ce même produit simplement par sentiment d'appartenance à un groupe social. Bien entendu, le processus décisionnel pour le premier consommateur a beaucoup à voir avec la recherche d'attributs et de bénéfices tels le goût, la teneur, le design de l'étiquette, alors que pour le second, le processus décisionnel est davantage fonction du groupe social auquel il appartient. Et dans cette perspective, la stratégie de commercialisation de ce produit dans chacun des cas est différente; elle est plutôt soucieuse présenter le produit tel qu'il est, à vanter ses qualités, tandis qu'elle met l'accent sur le mode de diffusion dans le second cas. En outre, Jacques Nantel souligne que outre les variables sociodémographiques (âge, revenu, cycle de vie de la famille, sexe, éducation) qui ont un effet non négligeable sur les comportements des consommateurs, la variable personnalité est la plus séduisante mais la moins concluante sur le plan scientifique. Il confirme, aussi, que si " la plupart des traits de personnalité ne permettent pas d'expliquer de façon exhaustive les comportements des consommateurs, certains ne sont pas dénués d'intérêt.", étant donné que certains consommateurs se comportent le plus souvent en fonction des attentes de leurs pairs alors que d'autres ont tendance à agir suivant leurs propres prédispositions. Cette caractéristique de personnalité influe bien sur le choix du processus décisionnel. En somme, la relation entre le choix du produit et la personnalité du consommateur demeure indiscernable et difficile à comprendre parce que "l'achat d'un même produit admet, par exemple, des motivations très différentes selon les acteurs considérés, au même titre qu'un besoin identique peut conduire à l'achat de produit très différents." (Richard Ladwein, 2003, p. 7).

En termes de conclusion, nous soulignons que plusieurs sont les mécanismes, généralement psychologiques et sociaux, qui interviennent dans le processus d'achat et de consommation. Le choix du produit n'est pas systématique pour l'ensemble des individus appartenant au même groupe social et varie d'après les perceptions et les contentements de chacun.

Enfin, concernant la question de la relation entre la consommation d'un produit et les modes de vie, la culture d'un moment historique ou d'une zone géographique, nous tenterions de mettre en exergue dans quelle mesure la consommation d'un produit donné pourrait traduire les modes de vie et la culture d'un temps et/ou d'un espace. En effet, il existe autant de cultures que de sociétés. Chaque société se distingue de l'autre par sa propre culture. Ainsi, culture est un concept multidimensionnel qui recouvre à la fois les habitudes, les connaissances, les rites, l'art, la morale, les traditions, les modes de vie, le langage, la religion, etc.. En outre, personne ne peut dénier que la consommation des produits faisait partie de la vie des individus partout dans le globe. Or, le développement et l'évolution de la société mène également au changement des modes de vies des personnes. Les produits qui existent et consommés au XIXe siècle ne sont pas les mêmes qu'aujourd'hui. Par exemple, on ne parlait plus d'ordinateurs au XVIIIe siècle alors que de nos jours ces machines devenaient quelque chose de banal.

Dans cette perspective, «L'image publicitaire peut exprimer la totalité d'une «culture » déterminée à un moment historique donné et en un lieu donné» (L. Porcher, 1976, p. 120, in H. Maiche, op.cit., p. 290). Prenons un autre exemple, l'opérateur de télécommunication Inwi au Maroc n'existait plus dans les premières années du siècle présent, ce n'est qu'en 2009 qu'il a été apparu suite au décrochement sous cette marque de l'opérateur de télécommunication Wana. C'était un exemple concernant la relation entre un moment historique et le produit, pour sa relation avec le lieu nous citons l'exemple de la société de construction immobilière ADDOHA au Maroc qui ne saurait être exister dans un autre pays. La marque du couscous "DARI" en est un bon autre exemple. De même le couscous représente une caractéristique de l'art culinaire du Nord de l'Afrique principalement le Maroc.

La consommation des produits traduit, en effet, des modes de vie et des modèles culturels. Ces modèles culturels et modes de vie sont transmis par la publicité en se servant des produits pour cette fin. La publicité promet, au consommateur, le bonheur et la jouissance s'il consommerait la marchandise publiée en modifiant son comportement par le biais de son discours attractif. Dans ce sens, Cathelat B. (2001, p. 268) voit que le message publicitaire ne pourrait être neutre mais il fait circuler une certaine culture, ainsi « Derrière le dialogue d'influence commerciale entre annonceur et consommateur, se manifeste un autre dialogue et un autre rapport de force entre la société et le sujet social. Sous le message de consommation se lit en filigrane le message de civilisation». (cité par H. Maiche, Ibid.)

En concluant ce point, nous avançons : la publicité et la culture ne pourraient être dissociées, elles sont comme les deux faces d'une pièce de monnaie car le choix du produit par le consommateur est basé, dans la plupart des cas, sur des facteurs et des attributs culturels plutôt que rationnels. De même, il y a une corrélation entre la consommation des produits et l'identification sociale des consommateurs , voire avec la psychologie de ces derniers. La consommation d'un produit est signe aussi d'une civilisation qui se traduit par des modes de vie et se rapporte à un moment donné de l'histoire et/ou d'un espace géographique. En outre , la publicité, pour transmettre son message, utilise le langage, partie intégrante de la culture. Chose qui démontre une interdépendance globale entre les deux concepts.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote