Premiere Partie
LA SCIENCE CLASSIQUE : le déclin du cosmos
Avant d'aborder cette première partie qui porte
essentiellement sur la révolution copernicienne, nous allons, pour mieux
décrypter les enjeux que comporte cet événement
historique, faire un bref rappel de la conception de l'univers d'Aristote ; car
c'est contre ce dernier que s'insurge le De revolutionibus orbium
caelestium de Copernic. Selon Aristote en effet, tout l'univers est
contenu à l'intérieur de la sphère des étoiles
fixes, sphère qui selon lui limite l'univers. Aristote
considérait l'univers comme un tout plein, en ce sens qu'en chaque point
contenu à l'intérieur de la sphère, il y avait de la
matière, d'où le vide n'existe pas dans l'univers. Par ailleurs,
c'est parce que l'univers est limité par la sphère des
étoiles fixes, qu'Aristote croyait que rien ne pouvait exister à
l'extérieur de cette sphère, donc il n'y a ni matière, ni
espace, en un mot rien du tout. Car pour Aristote, matière et espace
vont de pair, ce sont les deux aspects d'une même réalité,
d'où la notion même de vide est absurde. C'est en effet par ces
principes de base, qu'Aristote supposait à la fois la finitude de
l'univers ainsi que son unicité.
Dés lors, il est donc absurde de l'avis d'Aristote de
se demander, qu'est-ce qui limite les frontières qui, elles-mêmes
closent l'univers ? De même, il est aussi insensé de se poser la
question de savoir qu'est-ce qui existe à l'extérieur de la
sphère des étoiles fixes ? La réponse qui reste la seule
valable est celle qui consiste à dire, que rien n'existe en dehors de
l'univers, parce que tout ce qui existe est contenu à l'intérieur
de l'univers. C'est en rapport à toutes ces considérations
qu'Aristote soutient dans son traité Du ciel : « ...Il est
manifeste que nulle masse corporelle ne se trouve hors du ciel ni ne peut y
naître. La totalité du monde est composée de toute la
matière qui lui est propre...Il en découle qu'actuellement il
n'existe pas de cieux multiples, qu'il n'y en a jamais eu et qu'il n'y en aura
jamais ; notre ciel est, au contraire, un, unique et parfait. En même
temps, il est clair qu'il n'y a ni lieu ni vide hors du ciel. Le vide est,
d'après la définition vulgaire, l'endroit où il n'y a pas
de corps, mais où il peut en exister un. »1 On voit ainsi, que
l'univers des anciens est un ensemble clos, ordonné et bien
hiérarchisé.
Par ailleurs, il faut noter que le système cosmologique
d'Aristote était centré autour de la Terre, qui était
aussi le centre de l'univers. Dans ce système au caractère
géocentrique, il faut dire qu'Aristote n'attribuait pas à la
terre les caractéristiques propres aux planètes ; qui
d'après la définition gréco latine sont des corps
vagabonds. Or, la Terre du fait de son immobilité ne peut pas selon
Aristote être définie comme une planète. C'est ainsi que
selon le géocentrisme
1 Aristote, cité par Thomas S Kuhn, in La
révolution copernicienne, Paris, Fayard, 1973, p 90
d'Aristote, le système de l'univers sera
constitué comme suit : la Terre au centre après elle vient, la
Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter, Saturne. Aristote
considérait donc la Lune et le Soleil comme des planètes.
Toutefois, même s'il est vrai que ce modèle
d'univers était du reste cohérent dans ses principes, il n'en
demeure pas moins que ce dernier comportait des imperfections au regard des
faits de l'observation. C'est cette inadéquation entre les principes
astronomiques et la réalité, qui va précisément
entraîner la révolution copernicienne dont nous allons parler sans
plus tarder.
Section 1 / Copernic : de l'univers infini à
l'héliocentrisme
L'histoire de la pensée philosophique et scientifique
des 16ème et 17ème siècles,
était si étroitement liée qu'on ne peut pas, si l'on veut
les comprendre, les séparer l'une de l'autre. En effet, la
révolution conceptuelle dont la science classique est à la fois
la racine et le fruit, résulte en réalité de la
révolution spirituelle que l'esprit humain, ou tout au moins l'esprit
européen a subie. Cette révolution qui nous a conduit des mondes
géocentrique (des grecs) et anthropocentrique (du Moyen-Âge), au
monde héliocentrique des modernes, ne résulte pas du fait de
simples découvertes scientifiques. Ce renversement fait suite à
une concomitance d'événements en vertu desquels, l'homme a perdu
sa place dans le monde ou, plus exactement peut-être, a perdu le monde
même qui formait le cadre de son existence et l'objet de son savoir, et a
dû transformer et remplacer non seulement ses conceptions fondamentales,
mais aussi les structures mêmes de sa pensée.
En effet, l'établissement de la conception
héliocentrique de l'univers, se pose dans une suite de
révolutions parmi lesquelles l'affirmation de l'infinité de
l'univers occupe une place particulière. Comme le sont plusieurs de nos
conceptions scientifiques, l'origine de la conception de l'infinité de
l'univers se trouve chez les grecs. Bien avant la révolution du
17ème siècle les grecs, plus particulièrement
les atomistes, avaient développé des théories
cosmogoniques qui posaient l'infinitisation de l'univers. Mais c'est avec
Nicolas de Cues, que cette doctrine sera prise au sérieux. Cet homme
d'Eglise, est en fait le dernier grand philosophe de la fin du Moyenâge
à avoir rejeté la conception médiévale du cosmos
fini, qui selon lui ne coïncidait pas avec l'idée d'un Dieu
infini.
La conception de l'univers établie par Nicolas de Cues,
n'est pas contrairement à ce que l'on serait tenté de croire,
fondée sur une critique des théories astronomiques ou
cosmologiques de son temps ; d'où selon la visée de sa
pensée cette conception ne mène pas à une
révolution scientifique. En effet pour établir sa doctrine,
Nicolas de Cues va fonder son argumentation métaphysique et
épistémologique, autour de la notion de « coïncidence
des opposés » dans l'absolu qui les absorbe et les dépasse.
C'est de là qu'il déduit le concept corrélatif de la
Docte Ignorance qui est en fait, l'acte intellectuel qui saisit le
rapport qui transcende la pensée discursive et rationnelle. Dés
lors, le Cusain développe suivant sa logique un paradigme basé
sur les paradoxes mathématiques qui impliquent l'infinitisation à
certains caractères valables pour des objets finis. Il utilisera pour
illustrer son argumentation, des concepts tels que la droite et la courbe.
Comme on le sait, rien n'est plus opposé que ces deux notions. Pourtant
dans le cercle infiniment grand, la droite coïncide avec la
circonférence, comme dans le cercle infiniment petit, le diamètre
coïncide avec la circonférence. D'où les notions de «
grand » et de « petit » sont des opposés qui n'ont de
sens que dans le domaine de la quantité finie, celui de l'être
relatif, où il n'y a pas d'objets réellement grands ou petits ;
mais seulement des objets plus grands ou plus petits.
L'autre exemple choisi par Nicolas de Cues, se trouve dans le
domaine de la cinématique. Dans ce domaine aussi rien n'est plus
opposé que le mouvement et le repos. Pourtant Nicolas de Cues montre que
dans le mouvement à vitesse infinie le long d'une voie circulaire, un
corps se trouve à la fois à son point de départ et partout
ailleurs ; d'où la preuve que le mouvement est un concept relatif, qui
embrasse les opposés du « rapide » et du « lent ».
Il n'y a donc ni minimum absolu, ni maximum absolu, comme il n'y a de mouvement
qui soit le plus rapide ou le plus lent. Ce qui veut dire que la vitesse
absolue et la lenteur absolue coïncident. « Ce pourquoi, si nous
considérons les divers mouvements des orbes [célestes], [nous
voyons] qu'il est impossible que la machine du monde ait un centre fixe et
immobile, que se soit cette terre sensible, ou l'air, ou le feu, ou n'importe
quoi d'autre. Car, dans le mouvement, on n'arrive pas au minimum absolu,
c'est-à-dire, à un centre fixe, vu que le minimum doit
nécessairement coïncider avec le maximum. »1
Dés lors, Nicolas de Cues va déduire de cette
argumentation, que le centre du monde coïncide avec la
circonférence ; il est la même chose que sa circonférence,
c'est-à-dire commencement et fin, fondement et limite ; d'où ce
centre n'est rien d'autre que l'être absolu ou Dieu. Par là, on
1 Nicolas de Cues, cité par Alexandre
Koyré, in Du monde clos à l'univers infini, Gallimard,
1973, p 23
constate que le centre de l'univers reste purement
métaphysique ; il n'est en aucune manière physique, il
n'appartient donc pas au monde. De là, Nicolas de Cues va substituer
à l'univers fini d'Aristote, un univers infini sans centre fixe. Dans
cet univers, toutes les sphères y comprise celle des étoiles
fixes, accomplissent leur révolution autour d'axes qui
perpétuellement changent leurs positions. Ainsi, le Cusain affirmera que
la Terre se meut, mais d'un mouvement plus lent que celui des autres astres. En
résumé, nous pouvons affirmer que selon Nicolas de Cues, le monde
physique, même s'il est limité par la sphère des
étoiles fixes, n'est néanmoins pas fini étant donné
que celui-ci coïncide avec Dieu. L'univers est donc infini, car il est
absorbé par l'infinité divine qui l'a engendré.
Même si Nicolas de Cues, n'a pas réellement
ébranlé le géocentrisme ni même la finitude de
l'univers aristotélicien, il a tout au moins pris part à la
révolution copernicienne pour y avoir participé à tracer
les voies directrices.
Par ailleurs, la réhabilitation par la Renaissance du
platonisme va, à travers l'Âme du monde dont parlait Platon dans
le Timée, voir à travers le Soleil la source de tous les
principes vitaux propres aux êtres de l'univers. De là, le Soleil
va représenter pour les philosophes de la Renaissance, ce que les
Mathématiques représentaient pour Platon : l'Archétype de
tous les êtres. Pour les néoplatoniciens donc, la nature sensible
a existé par le dédoublement de l'Âme du monde, qui par sa
puissance a donné forme à toutes sortes d'existences. C'est ce
même dédoublement des êtres qui, chez Platon, justifie le
recours aux mathématiques pour connaître le monde réel dans
la mesure où celui-ci est une copie imparfaite du monde intelligible.
Car nous dit Platon, lorsque le Démiurge façonna le monde, il le
fit les yeux fixés sur les structures mathématiques qui en sont
les modèles. C'est par analogie à cela que l'époque de la
Renaissance identifiait dans l'univers matériel, l'Âme du monde
à l'image du Soleil dont les émanations procurent la
lumière et la chaleur qui sont aussi importantes que nécessaires
pour la fertilité des êtres. On retrouve cette identification
symbolique de Dieu au Soleil, dans l'oeuvre de Marcile Ficin selon qui, rien ne
révèle plus pleinement la nature du Bien qui est Dieu que la
lumière du Soleil. Ce symbolisme va se traduire en un culte animiste
voué au Soleil. Ce dernier sera si répandu qu'il hantera
même les esprits de certains scientifiques.
Copernic lui-même, lorsqu'il discuta de la nouvelle
position que son système assigne au Soleil, va, dans l'allusion qu'il
fit au caractère plus judicieux de sa cosmologie, s'exprimer en des
termes similaires à ceux de Ficin. En effet le Chanoine écrit :
« Et au milieu de tous repose le
Soleil. En effet, dans ce temple splendide, qui donc
poserait ce luminaire en un lieu autre et meilleur, que celui d'où il
peut éclairer tout à la fois ? Or, en vérité, ce
n'est pas improprement que certains l'ont appelé la prunelle du monde,
d'autres Esprit du monde, d'autres enfin son recteur. Trismégiste
l'appelle Dieu visible, l'Electra de Sophocle, l'Omnivoyant c'est ainsi, en
effet, que le Soleil, comme reposant sur le trône royal, gouverne la
famille des astres qui l'entourent. »1.
Même si par son système héliocentrique
Copernic se démarque du géocentrisme d'Aristote
Ptolémée, il faut noter que son univers n'est pas trop
différent de l'univers aristotélicien ; car à l'instar de
l'univers d'Aristote, l'univers de Copernic est lui aussi limité par la
sphère des étoiles fixes. La différence majeure que
recouvre l'héliocentrisme de Copernic par rapport au géocentrisme
d'Aristote, c'est que Copernic assigne au Soleil les fonctions jadis
attribuées à la Terre : à savoir l'immobilité et la
position centrale. La Terre sera reléguée au rang des
planètes, et à l'image de celles-ci, elle tourne autour du
Soleil. Copernic attribue à la Terre trois mouvements circulaires
simultanés : une rotation journalière autour de son axe, une
révolution annuelle autour du Soleil, et un mouvement conique annuel de
son axe, responsable de la variation de saisons.
Le nouveau système héliocentrique, même
s'il reste imparfait, permet tout au moins aux astronomes de résoudre
certaines difficultés liées à l'observation des mouvements
rétrogrades de certaines planètes. Copernic va dés lors
compter dans son système six planètes, desquelles il va exclure
la lune qui en fait ne tourne pas autour du Soleil. On a donc pour la nouvelle
structure de l'univers : le Soleil au centre après lequel vient,
Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne et enfin les
étoiles fixes.
Après la publication de De revolutionibus
en1543, beaucoup d'astronomes vont voir dans les travaux de Copernic la
vérité susceptible de hisser l'astronomie à un niveau
beaucoup plus cohérent et beaucoup plus proche de la
réalité. En effet, les développements mathématiques
que Copernic va y faire ont convaincu la communauté scientifique de
l'époque de la nouvelle voie que Copernic voulut tracer à
l'astronomie. Car même ceux qui n'étaient pas d'accord avec
Copernic, que c'est la Terre qui est en mouvement plutôt que le soleil,
reconnaissaient que la méthode de Copernic était plus apte
à montrer l'harmonie et l'élégance des
phénomènes. Bientôt
1 Cité par Thomas S Kuhn, in La
révolution copernicienne, Fayard, 1973, p 151
la réfutation de l'oeuvre de Copernic, ne tournera plus
autour des arguments scientifiques qui y sont développés, mais
sur les dogmes philosophiques et religieux que celle-ci menaçait de
mettre en branle. C'est dans cette logique que l'on retrouve les arguments
défendus par Luther dans ses Tischreden. En effet Luther
écrit : « Certains ont prêté attention à un
astrologue parvenu qui s'efforce de montrer que c'est la Terre qui tourne et
non le ciel ou le firmament, le soleil et la lune... Ce fou souhaite renverser
toute la science de l'astronomie ; mais l'écriture sainte nous dit
(Josué X, 13) que Josué commanda au soleil de s'arrêter et
non à la Terre. »1
Dix ans après les Tischreden, un autre
luthérien du nom de Mélanchton va se joindre à la clameur
montante des protestants contre Copernic. En effet dans son ouvrage
intitulé Initia doctrinae physicae publié en 1549,
Mélanchton soutient avec force, « Les yeux sont témoins
de la révolution du ciel en l'espace de vingt-quatre heures. Mais
certains, par amour de la nouveauté, ou pour faire montre
d'ingéniosité en ont inféré que la terre se meut ;
et ils soutiennent que ni la huitième sphère ni le soleil ne
tourne... Dés lors, c'est un manque d'honnêteté et de
décence que de soutenir publiquement de telles idées et l'exemple
est pernicieux. Un esprit juste se doit d'admettre la vérité
révélée par Dieu et de s'y soumettre. »2
Nonobstant les menaces qui, la plus part, restent implicites,
la montée du copernicianisme ne cessera de faire ses effets dans les
cercles intellectuels ; de là les hommes d'Eglise vont pour contenir les
idées de Copernic faire désormais recours à certains
passages de l'Ancien testament. A cet effet, le même Mélanchton va
prendre à témoin les célèbres versets de
l'Ecclésiaste (I, 4-5) où il est noté que,
« La Terre à perpétuité subsiste ; [...] Le
Soleil s'est levé, le Soleil s'est couché et vers son lieu il
halète ; il se lève là ». De là,
Mélanchton suggère que des mesures sévères soient
prises à l'encontre de ce qu'il considérait comme, une
impiété débordante des coperniciens.
Quelques années après les Luthériens,
Calvin, l'autre réformiste protestant va dans son Commentaire de la
Genèse, s'appuyer sur le premier verset du 93ème
psaume et dire : « Le monde est stable, inébranlable !
». Il continue son texte et se demande : « Qui se
hasarderait à placer l'autorité de Copernic au-dessus de celle du
Saint-Esprit ? ». C'est ainsi que de plus en plus, le recours aux
textes bibliques devint une coutume dans l'argumentation contre Copernic. Ce
qui conduit, dans les premières décennies du
17ème siècle, à traiter les coperniciens
d'infidèles et d'athées ; d'où en 1610 l'Eglise catholique
se joignit officiellement à la bataille contre le
1 Cité par Thomas Kuhn in La
révolution copernicienne, Fayard, 1973, p. 228.
2 Ibid, pp 228-229.
copernicianisme, en considérant cette doctrine comme
une pure hérésie. Et en 1616 (année de la condamnation de
Galilée), le De revolutionibus ainsi que tous les ouvrages qui
affirment explicitement le mouvement de la Terre furent mis à l'index.
Il fut ainsi interdit aux Catholiques d'enseigner et même de lire les
théories coperniciennes, sauf dans les versions expurgées de
toute référence à une Terre en mouvement et à un
Soleil central.
Voici donc, comment fut combattu le copernisme. Ce combat ne
portait pas sur la vérification des hypothèses, mais plutôt
sur la croyance aveugle à un dogme ancien et fort. Car, les
détracteurs de Copernic avaient compris que la révolution
copernicienne n'était pas seulement une mise en translation du centre de
l'univers, mais aussi et surtout une négation en puissance de tout un
système de pensée. Car, comme on le sait, la vie
chrétienne et la morale qui la sous-tend, ne s'adaptent pas
aisément à un univers où la Terre n'est qu'une simple
planète parmi tant d'autres ; d'où l'on se rend compte que la
cosmologie, la morale et la théologie avaient longtemps
été liées à la pensée chrétienne
traditionnelle. Tous formaient ensemble un système où, lorsqu'un
élément change, il entraîne irrémédiablement
l'inadaptation et l'ébranlement du Tout cohérent.
Ce fait a été manifeste, lorsque quelques
décennies plutard la théorie de Copernic fut prise au
sérieux. Elle causa d'énormes problèmes aux
chrétiens car se disait-on : « Si, par exemple, la Terre
n'était que l'une des six planètes, qu'allait donc devenir
l'histoire de la chute et du Salut, et son immense importance dans la vie
chrétienne ? S'il y avait d'autres corps célestes semblables
à la Terre, la bonté de Dieu voudrait sûrement qu'ils
fussent eux aussi habités. Mais s'il existait des hommes sur d'autres
planètes, comment pouvaient-ils descendre d'Adam et d'Eve et comment
auraient-ils pu hériter du péché originel qui explique le
travail, autrement incompréhensible, de l'homme sur une Terre faite pour
lui par une divinité bonne et omnipotente ? Ou encore, si la Terre est
une planète, et par conséquent un corps céleste
situé hors du centre de l'univers, que devient la position
intermédiaire, mais centrale, de l'homme entre les démons et les
anges ? Si la Terre en tant que planète, participe de la nature des
corps célestes, elle ne peut être un gouffre d'iniquité
dont l'homme attend patiemment de s'évader pour rejoindre la divine
pureté des cieux. Et les cieux ne peuvent non plus être un
séjour convenable pour Dieu s'ils participent aux maux et aux
imperfections si clairement visibles sur une Terre planétaire. Et, pire
que tout, si l'univers est infini, comme beaucoup de coperniciens le pensaient,
où donc le trône de Dieu peut-il être situé ? Comment
dans un univers infini, l'homme et Dieu allaient-ils se retrouver ?
»1
1 Thomas. S. Kuhn, La révolution copernicienne,
Fayard, 1973, p 230
On voit donc que la théorie de Copernic a, tout en
transformant la façon dont l'homme entretenait sa relation avec Dieu,
bouleversé du même coup les bases de la morale chrétienne.
Cependant, étant donné que Copernic malgré son innovation,
s'était basé sur les observations disponibles à son temps,
observations qui étaient quasiment identiques à celles
utilisées par Ptolémée dans l'Almageste, la
révolution ne pouvait se faire en un jour ; d'où la
nécessité de nouvelles observations beaucoup plus concluantes,
afin de rendre effectif le changement. C'est la tâche que vont se donner
les successeurs de Copernic parmi lesquels on peut noter, Tycho Brahé,
Kepler, Descartes, Galilée jusqu'à Newton qui, va parachever le
système avec sa théorie mécaniste de la Gravitation
universelle.
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