II-3 /Evolution et structures émergentes
Le XXème siècle marque en l'homme, la
prise de conscience de sa situation et de son isolement dans l'univers immense
et mystérieux. Jusqu'au XIXème siècle, l'homme
ne savait pas du tout où il était ni même d'où il
venait. Au 17ème siècle déjà, la
découverte de l'infinité de l'univers, celle-là même
qui a brisé les sphères fixes établies par Aristote, avait
rendu Pascal perplexe. L'homme, cet être qui croyait occuper les centres
de l'univers et de la création, s'est vu ballotté dans un petit
coin fini et insensé aux yeux de l'infinité de l'univers. L'homme
on le sait aujourd'hui, est perdu dans un espace étroit de la banlieue
de notre galaxie, la voie lactée, qui elle-même ne
représente qu'un grain de sable insensible, dans l'immense plage de
notre espace cosmique. Dans les Pensées Pascal se demandait
« Qu'est-ce que l'homme dans la nature ? [Il répond] un
néant à l'égard de l'infini, un tout à
l'égard du néant en somme, un milieu entre rien et tout. »
Toutes ces questions au caractère énigmatique,
étaient toutes placées dans le domaine de la spéculation
métaphysique, tant il était difficile d'y répondre avec
certitude.
Le XXème siècle ouvre la voie royale à la
connaissance de l'homme et du monde. Nous savons maintenant avec Darwin, que
l'homme ne constitue plus une singularité par rapport à
l'univers. L'histoire de l'homme ne peut être racontée
parallèlement à l'histoire de tout l'univers, toutes deux tracent
le chemin de la graduation complexe de l'univers. La science moderne, en
découvrant que l'univers n'a pas cessé d'évoluer vers une
complexité croissante, a éclairé la condition humaine d'un
jour nouveau. En effet, nous dit Armand Delsemme « Sorti d'un
état d'une simplicité extrême, l'univers a
échafaudé des structures de plus en plus complexes dont nous
sommes l'aboutissement. L'explosion primordiale a fabriqué d'abord des
particules élémentaires, puis les a assemblées en quelques
atomes légers, qui ont formé les premières étoiles.
Ces étoiles ont fabriqué une grande variété
d'atomes lourds
44 S. Hawking, Commencement du temps et fin de la
physique ?, Flammarion, 1992, p 43
qu'elles ont dispersés dans l'espace interstellaire.
Ces atomes ont fait les premiers grains de matières solides et les
premières molécules organiques. La matière solide allait
permettre l'existence d'une planète comme la Terre ; les
molécules organiques allaient y apporter
toutes les substances indispensables à l'apparition
de la vie. La croissance de la complexitédes structures biologiques sur
notre planète apparaît comme la conséquence
inéluctable de
tout ce qui a précédé, de sorte que
l'évolution qui a finalement conduit à l'homme en semble
l'aboutissement logique. » 45
Ainsi donc, Armand Delsemme raconte par un
résumé très succinct, l'histoire de l'univers, de son
origine explosive à l'apparition de l'homme sur Terre. Vue de
l'extérieur, cette histoire paraît simple et inévitable,
mais nous savons que tel n'est pas le cas. En réalité, comme une
femme en état de grossesse, l'univers enfante au prix de la douleur et
de la patience ; il est en perpétuelle gestation. Comme un architecte,
l'univers pose d'abord des briques, les brise, essaye avec de nouvelles
briques, encore et encore jusqu'à réaliser un édifice
complet. Hubert Reeves le montre bien lorsqu'il dit : « À
chaque seconde, quelque chose mûrit quelque part. La nature sourdement
fait son oeuvre et s'épanouit en son temps. »46. «
La nature ne fait pas de saut » disait Leibniz, tout arrive à
son heure. L'histoire et l'évolution de l'univers, sont des
phénomènes qui arrivent dans le temps et par le temps : le temps
est donc le grand sélecteur.
Comme nous l'avons noté dans le premier chapitre de
cette deuxième partie, l'univers, dans ses débuts, était
très chaud et extrêmement dense. Ce moment qui correspond aux
premières années après le big bang, n'a vu l'existence que
d'une soupe homogène de matière fluide. Cette boule de feu chaude
et dense, contenait toute la matière dont sera formé tout ce qui
existe. L'univers dans ses débuts n'était formé que de
quarks. En effet, le quark est défini comme étant la plus petite
particule élémentaire qui compose le noyau d'atome. C'est par le
jeu de leurs liaisons en nombres très variables, que ces particules
subatomiques ont formé les différents noyaux atomiques.
Cependant, ces particules essentielles dans la structuration de l'univers, ne
peuvent pas exister indépendamment. Selon les physiciens, les quarks
existent avec leurs contraires nommés anti-quarks. Ces mêmes
physiciens affirment que lorsqu'on associe un quark et un anti-quark de
même nature et de charge opposée, ces derniers s'annihilent dans
une forte radiation. Or l'univers, parce qu'il était très dense
et très chaud au big bang et pendant les premières
décennies qui ont suivi cet événement,
accélérait grâce à ses conditions le mouvement des
particules lesquels s'annihilent perpétuellement.
45 A. Delsemme, Les origines cosmiques de la
vie, Flammarion, 1994, pp 16-17
46 H. Reeves, Patience dans l'azur, Seuil,
1988, p 220
Quelques milliers d'années après le big bang,
l'univers va par son expansion, baisser se température. Devenu moins
chaud qu'auparavant, l'univers, en permettant un ralentissement du mouvement
des particules, va favoriser la réalisation des liaisons entre quarks
qui vont donner naissance aux protons et aux neutrons. Au fur et à
mesure que l'univers s'étend, sa température devient de moins en
moins chaude, ce qui permet la formation des premiers noyaux d'atomes et des
électrons. Toutes ces phases d'évolution, parce qu'elles se
produisent à très hautes température et forte
densité, ne mettent en jeu que les forces nucléaires, qui en
fait, sont maître dans l'échelle subatomique.
Lorsque la température de l'univers va descendre
jusqu'à atteindre les quatre mille degrés Kelvin, les noyaux
d'atomes vont se lier aux électrons pour former ensemble les premiers
atomes, parmi lesquels ont d'abord existé l'atome d'hydrogène et
celui de l'hélium. Ce stade d'évolution est très important
et très instructif, si l'on veut comprendre l'histoire de l'univers.
Comme on le sait, à très haute
température, la matière et la lumière se lient dans un
couple matière-radiation. Pendant longtemps, ce thème a
été l'un des débats qui animaient les discussions
scientifiques sur la nature de la lumière. Certains affirmaient à
l'instar du physicien Maxwell, que la lumière est une onde, tandis que
pour les autres, guidés par la figure de Newton, la lumière est
une particule. Ce vieux débat a survécu jusqu'à
l'époque de Einstein. Reconnu comme le génie des grandes
découvertes, Einstein et Louis de Broglie ont été les tous
premiers à reconnaître que la lumière est à la fois
onde et particule. En effet, Einstein montre que, lorsqu'on chauffe un corps
à une température assez élevée pour
désintégrer les atomes dont celui-ci est composé, on peut,
si on continue le chauffage, voir toute la matière du corps se
transformer en une énergie qui se manifeste par une lumière vive.
Einstein montre que cette énergie est égale au produit de la
masse par le carré de la vitesse de la lumière, d'où la
fameuse équation d'Einstein : E = mc2.
Pour revenir à notre évolution, il faut dire
que, avant que les noyaux d'atomes se lient aux électrons pour former
ensemble les premiers atomes, les électrons, parce qu'ils étaient
encore libres dans l'espace, absorbaient la totalité des photons
libérés par les radiations. C'est ce phénomène
d'absorption des rayons lumineux, qui justifie l'opacité des premiers
milliers d'années qui suivirent le big bang.
On voit ainsi que c'est avec la formation des premiers atomes,
que l'univers est devenu transparent. De nos jours, astronomes et
astrophysiciens s'accordent à dire, que cet événement
date de trois cents mille ans après la grande
explosion. A cette époque disent-ils, les électrons
emprisonnés dans les structures atomiques, ne pouvaient plus entraver le
mouvement des photons, qui depuis lors ne cessent de poursuivre leur voyage
vers une sorte d'éternité,
donnant ainsi à l'univers la voie de son expansion. La
matière, jadis annihilée par le rayonnement, peut maintenant
s'épanouir librement. La force de la gravité, la plus faible de
toutes les forces, reprend ses droits d'actions et attire la matière
vers les excès ou fluctuation de densité pour les amplifier.
Ainsi viennent d'être jetées les premières semences de
notre univers. La nature se met à révéler le plan de sa
structure ultérieure.
Avec le découplage du contenu matière-radition,
l'univers entame une nouvelle phase dans sa montée vers la
complexité. C'est en effet grâce à l'action de la
gravité sur la matière, que l'univers va commencer à se
structurer. « La gravité arrive à la rescousse. Elle va
donner à l'univers une deuxième chance pour reprendre son
ascension vers la complexité, et sauver la situation en créant
dans le désert cosmique des oasis qui échapperont au
refroidissement continuel et qui permettront à la vie et à la
conscience d'émerger. Ces oasis auront pour nom planètes,
étoiles et galaxies. »47
Tout juste après le découplage de l'unité
matière-radiation, la température de l'univers va baisser
considérablement avec la libération des photons de
lumière. Devenue de moins en moins chaude, la matière de
l'univers va par son mouvement ralentir les collisions des particules, ce qui
favorisera la formation d'une pléiade d'atomes variés et de plus
en plus complexes. Comme nous l'avons vu, la force de gravité va, avec
le refroidissement de l'univers, jouer un rôle fondamental dans la
complexité de l'univers. Les fluctuations de densité qui
existaient déjà à l'époque de la soupe initiale,
vont avec l'expansion de l'univers, se transformer en des lieux de convergence
de la matière grâce à la force de l'attraction
gravitationnelle. Ces lieux d'attraction vont donner naissance, aux toutes
premières mottes de matières que les astronomes appellent les
grumeaux. Ces grumeaux constituent les graines de semence, de ce qui
sera à l'origine des futures galaxies ou amas de galaxies. Nées
du nuage de gaz initial, les galaxies habitent à perte de vue l'espace
cosmique. En effet, la distribution actuelle des galaxies, se justifie par le
fait qu'au moment du big bang, l'explosion a propulsé un nuage de gaz,
qui par son mouvement s'est réparti dans toutes les directions de
l'univers. Ce qui fait que nous rencontrons de nos jours, dans n'importe
laquelle des directions considérées, une distribution quasi
semblable des galaxies et amas de galaxies.
47 Thinh Xuan Thuan, La mélodie
secrète, Gallimard, 1991, p 178
Toutefois comment est-il possible d'expliquer la
variété de forme observée dans l'univers galactique, s'il
est vrai que toutes les galaxies sont issues du même nuage de gaz
primordial ? La réponse à cette question dépend en effet
selon les astronomes de deux paramètres régulateurs : d'une part,
il y a la vitesse d'expansion du nuage, de l'autre, la force de gravitation de
la matière composante.
Les astronomes classent les galaxies sous trois
catégories différentes, les galaxies elliptiques, les galaxies
spirales et les galaxies irrégulières. Ces formes de galaxies
varient suivant la densité, la composition chimique du nuage et la masse
du nuage de gaz initial. En effet, lorsque le nuage a une répartition
gazeuse très hétérogène, les endroits à
forte concentration de gaz vont s'agglomérer très rapidement, et
donner naissance à des étoiles. L'attraction que ces
étoiles exerceront les unes sur les autres, va lentement les rapprocher
et former ainsi, un ensemble plus ou moins sphérique allongé,
d'où le nom de galaxie sphérique, aussi appelée galaxie
elliptique. Par contre, lorsque le nuage de gaz est plus uniforme et
homogène, son évolution sera très différente.
Propulsés à très grande vitesse, les
multiples frottements des matières vont donner au nuage un mouvement
plus ou moins giratoire, à l'image des tourbillons observés dans
les eaux d'une rivière. Ces tourbillons vont s'organiser petit à
petit et, progressivement, gagner en équilibre un mouvement commun, qui
va engendrer un gigantesque mouvement de rotation autour du centre
nébulaire. Le nuage de gaz prendra dès lors, la forme de
gigantesques spirales enroulées autour du centre, lequel a un mouvement
plus rapide que celui des bords. C'est donc par ce phénomène, que
sont nées les galaxies dites spirales.
Les galaxies spirales semblent constituer la majorité
des galaxies. L'hétérogénéité de leur
mouvement de rotation, crée des variations de densité qui, sont
à l'origine de l'existence des bras observés chez les galaxies
spirales. Dans le cas des galaxies spirales, la formation des étoiles
advient après que la galaxie aura pris sa forme. Nous constatons par
là, que l'antériorité entre la formation des
étoiles et celles des galaxies varie suivant la forme
considérée. « Dans le premier cas, celui des galaxies
elliptiques, l'étoile préexiste à la finalisation de la
galaxie. Dans le second, l'étoile est le produit de la formation de la
galaxie spirale, ce n'en est que le sous-ensemble ; l'organe. Tous les
intermédiaires sont évidemment possibles entre ces deux cas,
d'où la variété des formes réelles des galaxies.
»48
48 Claude Allègre, Introduction à
une histoire naturelle, Fayard, 2004, p 51
A côté de ces deux catégories, existe une
troisième qui en fait, regroupe toutes les autres formes qui ne sont ni
elliptiques ni spirales : c'est la catégorie des galaxies dites
irrégulières. Comme leur nom l'indique, ces galaxies n'ont pas
une forme déterminée. Ce phénomène rend très
difficile l'étude de ces galaxies, ce qui justifie la raison pour
laquelle l'existence de ces galaxies est seulement soulignée par les
astronomes qui jusqu'à nos jours n'ont pas encore maîtrisé
le mécanisme de formation de ces dernières.
Les galaxies elliptiques sont plus massives que les galaxies
spirales. Cette différence de masse a permis aux astronomes d'expliquer,
pourquoi on rencontre beaucoup plus d'étoiles jeunes dans les galaxies
spirales, que l'on n'en rencontre dans les galaxies elliptiques. En effet,
parce qu'initialement composées par le regroupement d'étoiles
massives, les galaxies elliptiques ont fini par absorber la
quasi-totalité des gaz propices à la formation des nouvelles
étoiles. Car plus les étoiles se rapprochent les unes des autres,
plus elles attirent vers elles les matières comprises dans les espaces
qui les séparent. Par contre les galaxies spirales, parce qu'elles ont
des mouvements variant en fonction des lieux, conservent dans leurs
bras, des quantités énormes de gaz nébuleuses
capables de former de nouvelles étoiles. De nos jours, il est encore
observé dans les bras des galaxies spirales, le phénomène
de formation de nouvelles étoiles : les galaxies spirales contiennent
beaucoup de gaz, dont beaucoup de futures étoiles potentielles.
Après avoir montré de façon très
sommaire, comment à partir de la soupe initiale les galaxies se sont
formées, essayons maintenant de voir, comment les étoiles,
observées dans le ciel à travers une nuit sans lune, se sont
formées et ont vu le jour au sein des galaxies.
Appelé par ailleurs astration, le processus de
formation des étoiles qui, illuminent le ciel de myriades de lueurs
vives, joue un rôle fondamental dans la construction évolutive de
l'univers. Les étoiles fabriquent les espèces chimiques, et de
cette fabrication, elles tirent leurs énergies. Hormis les atomes
d'hydrogène et d'hélium, qui ont été
créés quelques années après le big bang, tous les
autres atomes qui existent dans l'univers, ont été
fabriqués dans les étoiles. Ces atomes, par leurs assemblages,
forment la matière : celle qui nous entoure et celle dont nous sommes
constitués. En effet, « Les atomes s'assemblent entre eux pour
donner naissance aux molécules et aux cristaux, donc aux
matériaux qui nous entourent. Leurs combinaisons sont pratiquement
infinies. La combinatoire atomique, c'est la chimie [...]. C'est dans
l'infiniment petit que résident toutes les explications du monde
sensible et, audelà, de l'infiniment grand. Pourtant, il faut
aussitôt préciser que le monde ne serait pas si
varié, si complexe, si multiforme, s'il
était composé par un seul type d'atomes, une seule entité
répétée et combinée à l'infini.
»49
Le destin de l'univers à venir dépend de
l'activité qui se passe dans le coeur des étoiles. Cependant,
comment les étoiles naissent-elles à partir d'un nuage gazeux ?
Comme il en est de la formation des galaxies, la formation des étoiles
se fait suivant une logique bien déterminée.
Il faut noter que c'est dans les nuages de gaz suffisamment
massifs, que les étoiles se forment. En effet, la formation des
étoiles dépend de l'interaction de deux forces à effets
strictement opposés. D'une part, il y a la force gravitationnelle, par
laquelle le nuage se contracte et rassemble dans une petite surface un volume
considérable de gaz, tandis que d'autre part, joue l'agitation thermique
par laquelle, le nuage se dilate et occupe par son gaz tout l'espace disponible
aux alentours. En fait, dans les nuages stellaires, il existe des lieux de
variations de températures et de densité. C'est dans ces milieux
à très forte densité que vont se regrouper, par l'effet de
la gravitation, des volumes de plus en plus important de gaz. Devenant de plus
en plus volumineux, ces régions à forte densité, vont
parallèlement se réchauffer de plus en plus, élargissant
ainsi leur espace. Il se produit, du fait de la forte densité de ces
milieux, une lutte entre la force nucléaire et la force
gravitationnelle.
De ce fait, la pression qui règne dans ces milieux
augmente les vitesses et les collisions des particules qui, dés lors
entraînent l'échauffement de la localité
considérée. L'agitation thermique opposée à la
force gravitationnelle, produit au coeur de la dite zone, un équilibre
entre la température et la gravité.
C'est de cet équilibre que va se déclencher la
fusion nucléaire, qui va donner naissance à une nouvelle
étoile. Cette réaction thermique se produit lorsque la
température du coeur de l'étoile, atteint le cap décisif
des dix mille degrés absolus. Comme nous l'avons noté dans les
pages précédentes, les étoiles connaissent à
l'instar des êtres vivants, une évolution qui les mène
irréductiblement de la naissance à la mort qui, dans le cas des
étoiles, advient soit par suite de désintégration, soit
par perte d'énergie suivant les catégories. Les étoiles,
celles qui sont nommées de première génération,
c'est-à-dire celles qui sont nées à partir du nuage de gaz
initial, sont composées de près de 76% d'hydrogène et de
24% d'hélium. C'est à partir de ces deux gaz, qui, initialement
étaient les seuls existants, que va démarrer toute l'alchimie
49 C. Allègre, Introduction à une
histoire naturelle, Fayard, 2004, pp 60-61
stellaire des métaux. Cette production d'atomes dans le
four ambiant des étoiles, va de la création de l'atome
d'hélium à l'apparition de l'atome de fer, et de tous les
éléments chimiques qui composent la table de Mendeleïev.
Lorsqu'une étoile apparaît au sein d'un nuage de
gaz, celle-ci se sépare du nuage pour entreprendre en solitaire sa vie
stellaire, qui se déroule suivant différentes séquences.
En effet initialement composées d'hydrogène et d'hélium,
les étoiles regroupent leur gaz suivant des couches
séparées en fonction de leur composition. Les atomes
d'hydrogène, parce qu'étant plus légers que les atomes
d'hélium, se concentrent vers le centre de l'étoile et chassent
les atomes d'hélium, qui se contentent d'occuper les couches
périphériques de l'étoile. De ce fait, l'étoile
commencera par brûler sa réserve d'hydrogène en liant les
atomes d'hydrogène en atomes d'hélium. Une fois que les atomes
d'hydrogène seront tous transformés en atomes d'hélium,
l'étoile se rétrécit en condensant sa masse
d'hélium vers le centre. Elle entame ainsi une nouvelle phase de fusion
nucléaire. Cette nouvelle phase consiste chez les étoiles
à lier les atomes d'hélium en une nouvelle catégorie
d'atomes, nommée Carbonne. L'univers vient donc, avec la production du
carbone, d'accoucher d'un nouvel enfant. Par ce nouvel élément,
la nature vient de grimper une nouvelle marche de l'échelle qui
mène vers la complexité.
Dés lors, l'étoile achève ainsi la
séquence principale de son évolution. Ce stade atteint,
l'étoile verra sa température baisser pour pouvoir maintenir en
équilibre, sa partie interne extrêmement chaude et sa
périphérie qui reste moins chaude. Pour mieux comprendre ce
changement de séquences, notons ces lignes de Armand Delsemme lorsqu'il
écrit : « Les couches extérieures compriment le coeur
qui s'effondre sur lui-même jusqu'à atteindre 60 millions de
degrés. Cette température est celle de l'ignition de
l'hélium : 3 noyaux d'hélium s'assemblent en un seul noyau de
carbone, avec dégagement d'une grande énergie. L'étoile
quitte alors la séquence principale : elle réajuste son
équilibre intérieur en enflant son extérieur et en
diminuant sa température superficielle : elle est passée sur la
branche des géantes rouges. »50
Toutefois, il faut souligner que l'évolution des
étoiles, varie en fonction de la masse de leur contenu. Plus une
étoile est massive, plus elle a de la matière à
brûler, et plus vite elle brûlera cette dernière. Les
étoiles massives ont une durée de vie très courte, parce
qu'elles évoluent vers la complexité à un rythme plus
rapide que celui des autres étoiles. Quant aux étoiles les
50 Armand Delsemme. Les origines cosmiques de la
vie, Flammarion, 1994, p 75
moins massives, elles mènent une vie de parcimonie.
Elles dépensent lentement leur énergie, ce qui fait qu'elles
vivent plus longtemps que les étoiles massives.
Essayons de voir de manière abrégée,
comment les différentes sortes d'étoiles mènent leur
évolution. L'évolution et le destin des étoiles, sont
strictement liés à leurs masses de départ. C'est suivant
leurs masses, que les astronomes et astrophysiciens étudient
l'évolution des étoiles ainsi que le destin qui leur est
réservé. Nous allons essayer de faire une petite étude
comparative des différentes sortes d'étoiles. Pour ce, nous
allons considérer cinq catégories d'étoiles, dont la
mesure des masses sera définie en fonction de la masse de notre Soleil.
A cet effet nous étudierons les catégories, de trente masses
solaires, dix masses solaires, trois masses solaires, une masse solaire,
c'est-à-dire égale à notre soleil, et enfin les
étoiles dont, la masse constitue le tiers de notre soleil.
Pour la première catégorie, concernant les
étoiles à trente masses solaires, il faut noter que leur
luminosité correspond à peu près à dix mille fois
la luminosité du Soleil. Ces étoiles comme nous l'avons dit
tantôt, brûlent en un temps record leur réservoir
d'hydrogène et d'hélium. Elles traversent la séquence
principale de leur évolution en six mille années, ce qui ne
représente presque rien dans la vie d'une étoile. Après
avoir vécu leur séquence principale, ces étoiles devenues
géantes rouges, prennent seulement mille ans pour brûler tout leur
réservoir de carbone, transformant celui-ci en oxygène. De
l'oxygène, la matière de ces étoiles passera en peu de
temps au silicium, matière qu'elles finiront par brûler en la
transformant en atomes de fer. Arrivées au stade du fer, ces
étoiles n'auront plus d'énergie suffisante pour assurer la fusion
du fer. Ne pouvant plus évoluer vers d'autres atomes, ces étoiles
explosent leur matière en supernovae, et éjectent en forme de
nuage près de 24 masses solaires, dans l'espace. Le noyau de ces
étoiles, marqué par une zone à très grande
densité, se transformera en un trou noir dont la masse peut atteindre
six masses solaires.
Quant à la deuxième catégorie qui
comporte les étoiles de près de dix masses solaires, elle
détermine les étoiles dont la luminosité environne mille
fois la luminosité du Soleil. Ces étoiles moins massives que
celles de la première catégorie, vivent pendant un million
d'années la première séquence de leur existence. Une fois
géantes rouges, elles y resteront pendant trois mille ans,
période pendant laquelle elles brûlent patiemment leur
réserve de carbone en oxygène. Puis de l'oxygène, elles
produiront progressivement du silicium. Arrivées à ce stade
qu'elles ne peuvent plus franchir, ces étoiles, ne pouvant plus
entretenir la fusion nucléaire de leur coeur, renoncent à
l'existence et explosent en supernovae. De ce fait,
de telles étoiles propulsent dans l'espace
interstellaire un volume de gaz de 8,5 fois la masse de notre Soleil. Du
résidu de leur noyau, découle une étoile à neutrons
très dense qui peut atteindre 1,5 fois la masse du soleil. Avant de
continuer, signalons qu'on définit par supernova, l'explosion
finale d'une étoile massive, par laquelle l'étoile accroît
sa brillance des centaines de millions de fois. La lumière produite par
une supernova reste visible de jour ou de nuit pendant plusieurs semaines. On
dit même qu'elle est quasi égale à la brillance de toute
une galaxie.
L'observation des supernovae est un phénomène
rare dans l'univers. L'histoire de l'astronomie retient en
général trois supernovae, qui sont en fait les plus
célèbres parmi celles qui sont connues. La première a
été observée par un astronome de la cour impériale
de chine en 1054. Celui-ci après l'avoir observé, a
annoncé, d'abord à l'empereur puis à tout l'empire, la
venue au monde d'une nouvelle étoile. Cette prétendue nouvelle
étoile, sera baptisée par les chinois, « étoile
hôte » parce qu'elle était sensé apporter
l'abondance dans les récoltes et la stabilité dans l'empire.
Quant à la seconde supernova généralement retenue, elle a
été découverte par Tycho Brahe en 1573. Comme l'astronome
chinois, Tycho Brahe croyait lui aussi avoir assisté à la
naissance d'une étoile nouvelle, d'où le nom qu'il lui a
donné : « Stella nova » qui signifie en latin
étoile nouvelle. L'observation de la Stella nova a
permis à Tycho Brahe et à tous les scientifiques de cette
époque, de remettre en cause l'immuabilité des cieux, telle que
celle-ci a été pensée par Aristote. Enfin, la
troisième supernova qui va être considérée, est
celle qui a été observée en 1987 plus
précisément le 28 mai. Observée par le satellite COBE de
la NASA, elle a été baptisée Supernova 1987 A
Rings. De nos jours le télescope géant Hubble nous montre,
par les très belles images qu'il nous offre, que ce
phénomène d'explosion stellaire est une des
caractéristiques de notre univers.
Pour revenir à nos étoiles, nous allons
continuer et étudier ici le cas des étoiles dont la masse fait
trois masses solaires. En effet, ces étoiles brillent cent fois plus que
notre Soleil. Elles terminent leur séquence principale, trois millions
d'années après leur formation, d'où elles deviennent des
géantes rouges. Ces étoiles, moins massives que celles des deux
premières catégories, trouvent de moins en moins de
l'énergie pour brûler leurs réserves de carbone en
oxygène. Cette impuissance physique, fait qu'une fois que ces
étoiles terminent après dix millions d'années, de
transformer leurs atomes de carbone en oxygène, elles éclatent
leurs gaz et forment des nébuleuses planétaires dont les masses
peuvent atteindre le seuil des 2,2 masses solaires. Leurs noyaux, très
petits à cause de la faiblesse de l'activité nucléaire qui
a précédé l'explosion, se transforment en des naines
blanches. Une naine blanche est par
définition, une petite étoile très
brillante née de l'explosion d'une géante rouge. Initialement
brillante, la naine blanche, perd petit à petit son énergie et
finit par devenir une naine noire non observable, parce qu'elle n'émet
pas de lumière.
La quatrième catégorie d'étoiles,
représente celles dont les masses égalent la masse de notre
soleil. Ces étoiles ont évidemment la même brillance que le
Soleil. Elles peuvent vivre dix milliards d'années avant d'atteindre la
séquence principale, stade à partir duquel elles deviennent des
géantes rouges. En effet, comme il en sera pour notre soleil, ces
étoiles vivent dans leur phase de géante rouge trois millions
d'années. N'ayant pas la capacité de lier leurs atomes
d'oxygène en atomes de silicium, ces étoiles vont, à leur
stade de géantes rouges, éclater en des vents stellaires dont les
masses ne représenteront que le tiers de leurs masses initiales. De
leurs noyaux vont naître des étoiles naines blanches très
petites.
Pour finir avec cette classification, nous allons prendre le
cas des étoiles faibles, dont la masse fait le tiers de notre masse
solaire. Ces étoiles comme on le sait, ont une très faible
brillance, à peine visible à l'oeil nu. Comme c'est
déjà affirmé, ces étoiles ont une très
longue longévité, qui suivant les cas, peut atteindre 800
milliards d'années avant d'atteindre la séquence principale. En
effet, parce qu'elles ont une très faible masse, ces étoiles
libèrent leur gaz sous forme de vents stellaires après avoir
vécu 80 millions d'années comme géantes rouges. Leurs
résidus finiront comme celui de notre soleil en naines blanches.
Après avoir montré le processus par lequel les
étoiles et les galaxies se sont formées à partir du nuage
de gaz primitif, nous allons à présent nous intéresser
à la formation des planètes, plus précisément
à celle de notre système solaire. La formation des
planètes est une phase importante dans la complexité de
l'univers. L'alchimie stellaire, par laquelle les étoiles produisent les
atomes lourds, va enrichir l'univers de plusieurs éléments lui
permettant de monter avec sûreté vers les plus hautes marches de
la complexité. En effet, ce sont les éléments chimiques et
les atomes lourds, qui vont servir d'ensemencement à la formation des
planètes et à l'émergence de la vie. Cependant, ce ne sont
pas toutes les étoiles qui participent à la complexification de
l'univers.
Comme nous l'avons noté, les étoiles de faibles
masses ne jouent pas un grand rôle dans ce processus. Ces
dernières, parce qu'elles ont une longue durée de vie,
dépensent très lentement leur matière, d'où elles
atteignent rarement les stades où se forment les atomes lourds comme le
carbone, l'oxygène etc. Ne pouvant compter sur le travail des
étoiles faibles, l'univers mise
tous ses espoirs sur les étoiles massives. Ces
dernières sauront, grâce à leur
prodigalitéexcessive, relever le défi de la
complexité. En effet « Ce sont les étoiles de masse
importante qui jouent le rôle essentiel dans l'ensemencement en atomes
lourds du milieu interstellaire. C'est notamment parce que toutes ces
étoiles sont de grande luminosité. De ce fait,
elles développent des vents stellaires considérables,
grâce à la pression engendrée par leur intense radiation
sur les couches extérieures de l'étoile. Mais c'est aussi parce
qu'elles atteignent extraordinairement vite le stade explosif qui termine
leur existence. »51
Les planètes, à l'image des étoiles, se
forment à partir des résidus de nuage issus des supernovae. En
effet, lorsque les étoiles massives se transforment en supernovae, il se
forme au sein du nuage de gaz éjecté, différentes zones
dont les températures sont très hétérogènes.
Ces fluctuations de densités vont par l'effet de la gravité,
attirer la matière située aux alentours, et augmenter ainsi leurs
masses qui deviennent de plus en plus grandes. C'est ce phénomène
identique qui a entraîné, dans les milieux à très
hautes températures, le déclenchement des réactions
nucléaires, responsables en fait de la naissance des étoiles.
Dans le cas des planètes, le processus devient plus compliqué.
Car pour les planètes, il faut d'abord que le gaz issu des supernovae se
condense en particules solides et c'est à partir maintenant de ces
particules solides, que va se faire la formation des planètes.
Dans la vie courante, le passage de l'état gazeux
à l'état solide s'opère toujours par
l'intermédiaire de l'état liquide. Dans l'espace interstellaire,
il n'en n'est pas de même. Dans cet espace, lorsque avec l'expansion de
l'univers, le nuage de gaz se refroidit, sa pression devient très
faible. Avec le mouvement d'extension, ce même nuage se disperse et se
dilue dans l'espace. Dès lors, ses particules de gaz refroidies se
transforment par leur condensation en particules solides. Nous voyons que dans
l'espace interstellaire, le gaz cosmique donne naissance par sa condensation,
à des poussières solides. Ce sont ces poussières solides
qui, par leurs agglomérations permettront la formation des
planètes. Ceci dit, il se pose la question de savoir, comment à
partir d'un nuage de gaz interstellaire, notre système solaire, a t-il
pu voir le jour ?
Comme cela apparaît d'évidence, le soleil
constitue avec les autres planètes un seul et unique système.
L'existence du soleil n'est pas séparée de la formation des
autres planètes qui l'entourent. Le soleil partage avec tout l'ensemble
du système solaire, la même histoire qui les a vu naître. Le
soleil ainsi que les dix planètes qui tournent autour de lui, forment
une seule et
51 A. Delsemme, Les origines cosmiques de la vie,
Flammarion, 1994, p 93
même famille dont l'ancêtre est sans aucun doute,
une grosse étoile massive qui a explosé, il y de cela cinq
milliards d'années, en supernova. Déjà au XVIII ème
siècle, Kant et, après lui, Pierre Simon Laplace avaient
pensé que le soleil, pour pouvoir attirer tout le cortège de
planètes lié à lui, doit avoir existé au même
moment que ces planètes ; d'où ils devaient avoir la même
histoire. Cette idée, qui n'est resté pendant longtemps qu'une
simple hypothèse scientifiques, a été pour la
première fois démontrée comme fait réel par Clair
Patterson en 1950.
C'est Patterson qui en effet, a montré que, les
météorites, les sédiments marins et terrestres, les
basaltes issues des profondeurs de la Terre, avaient tous la même
ancienneté. A partir de ses études faite, par le biais de la
radioactivité, Patterson affirme que tous ces objets ont existé
il y a de cela 4 milliard 550 millions d'années, date qui correspond en
fait à la période de formation de notre système
solaire.
Le Soleil est donc une étoile de la seconde
génération. Il est différent des étoiles de la
première génération qui sont initialement composée,
d'hydrogène et d'hélium. Le soleil comporte en son sein la quasi
totalité des atomes lourds qui composent le tableau de
Mendeleïev. La présence de tous ces atomes lourds dans la
matière du soleil, ne peut s'expliquer que par son origine
résiduelle des supernovae. En effet, la famille des astronomes et
astrophysiciens affirme, que c'est à la suite des explosions en grand
nombre des premières étoiles massives de l'univers, que s'est
formé dans l'espace un immense nuage interstellaire. Ce nuage,
appelé aussi nuage protosolaire constitue en fait le lieu
où va d'abord émerger le soleil, et après lui les
planètes du système solaire, conformément à l'ordre
que nous connaissons aujourd'hui
Composé initialement de particules gazeuses, le nuage
interstellaire va, sous l'effet de la gravité, concentrer une
quantité énorme de matière vers son centre. Cette
concentration de volume de gaz au centre du nuage, va accélérer
le mouvement des atomes compris à l'intérieur de celui-ci. Ces
derniers vont par leurs multiples collisions, se mettre à
réchauffer le centre du nuage. Ce réchauffement augmentera au fur
et à mesure que les particules se mettront à s'entrechoquer entre
elles. De ce mouvement de bouillonnement interne, il va naître au coeur
du nuage, une fusion nucléaire à la suite de laquelle le centre
du nuage protosolaire s'allumera en donnant naissance à une
étoile appelée Soleil.
Dans les premiers millions d'années qui suivirent la
formation du Soleil, le nuage interstellaire, composé d'un
mélange de gaz et de grains de poussière, continuera à se
contracter en direction du centre où la naissance du jeune soleil a
engendré de très hautes températures. Ces hautes
températures, entraîneront la sédimentation des grains de
poussières en particules appelés
planètésimales. Ces
planètésimales vont par leur nature solide, se
séparer par la suite du reste du gaz interstellaire. Les matières
gazeuses se mettront à converger vers le centre, en permettant ainsi au
nouveau Soleil d'agrandir sa masse. Ce mouvement de convergence, durera pendant
tout le temps que le soleil prendra pour atteindre son seuil de
stabilité. Lorsque la nouvelle étoile a atteint sa
stabilité, elle a propulsé sous forme de vent la matière
située autour d'elle. Ce phénomène de propulsion de
matière en forme de vent, est défini par les astronomes sous le
concept de Vent T Tauri. Le choix de ce concept relève du fait,
que ce phénomène a été découvert pour la
première fois, à travers l'observation de l'étoile
T située dans la constellation du Taureau.
En effet, ce vent T Tauri, propulsera le reste du
nuage nébulaire hors du Soleil nouvellement formé. Ce nuage
composé essentiellement d'hydrogène et d'hélium, se
refroidit lentement, en favorisant l'accumulation des
planètésimales qui s'amplifient de plus en plus. L'accumulation
des planètésimales, qui gravitent autour des orbites circulaires
autour du soleil, se fait par suite des collisions. Ces collisions vont durer
pendant quelques centaines de milliers d'années, en formant
progressivement des corps de plus en plus massifs, dont certains pouvaient
atteindre la taille de la lune.
Il est important de noter au passage, que la formation des
planètes est beaucoup plus lente que celle des étoiles. Dans la
formation des planètes, les planètésimales, qui se
trouvent être des objets solides et rocheux, prennent du temps non
seulement pour s'unir en gravillons ; mais encore lorsqu'ils
s'agglomèrent en de gros gravillons, ces planètésimales
deviennent de plus en plus rares, séparés entre eux par de vastes
espaces. Du fait de cet espacement entre gravillons, les unions arrivaient
rarement, pire encore, les rencontres pouvaient entraîner dans certains
cas, des fragmentations.
Les rencontres, ainsi que l'amplification des
planètésimales, n'étaient pas forcément
fructueuses. Chaque rencontre comporte une incertitude, dont la
probabilité était l'union ou la fragmentation. Mais au fur et
à mesure que les planètésimales devenaient massifs et
denses, ils attiraient par leur gravité une matière de plus en
plus grande ; ce qui fait que leur taille devenait de plus en plus
énormes. Les planètes se sont donc formées plusieurs
milliers
d'années après la formation de l'étoile
Soleil. En effet, nous dit Claude Allègre, « Les
planètes ne sont pas nées par effondrement gravitationnel d'un
nuage de poussières. Elles se sont construites doucement, lentement,
pendant des dizaines de millions d'années, par adjonctions successives
d'objets cosmiques un peu particuliers que l'on appelle
planètésimales. »52. C'est par ce lent
phénomène de construction, que tout notre système solaire
s'est formé et s'est étendu, allant de l'astre soleil à ce
qui est nommé aujourd'hui la ceinture de Kuiper. La ceinture de
Kuiper est située à la quasi extrémité de notre
système solaire. Elle se trouve en fait à l'extérieure de
l'orbite occupée par la planète Pluton. Cette ceinture, du nom de
celui qui la découverte Gérald Pieter Kuiper, astronome
américain d'origine néerlandaise, est le lieu de résidence
de près de cent trente astéroïdes et comètes
neigeuses.
Par ailleurs, les tailles et masses des planètes
varient pour chacune suivant la distance qui sépare la planète du
Soleil. Plus la planète est proche du soleil, plus chaude sera sa
matière, d'où il en résulte que ses particules
contiendront moins de matières volatiles. Car avec l'effet de la
chaleur, les particules de matières libèrent les gaz qu'elles
avaient absorbés, ce qui fait que la planète s'appauvrit et perd
ainsi une grande partie de sa masse. Par contre, si la distance qui
sépare la planète du Soleil devient considérable, sa
matière devient très froide. Par ce fait, la planète
devient capable de conserver au sein d'elle même, la quasi
totalité des gaz absorbés par ses particules. L'emprisonnement
des gaz à l'intérieur de la matière givrée ou
glacée, augmente parallèlement la masse de la planète ce
qui par conséquent, permet à la planète d'avoir une
densité de plus en plus élevée. C'est ce
phénomène qui explique, la distribution inégale des masses
observées entre les différentes planètes de notre
système solaire.
En regardant notre système solaire, nous remarquons
qu'il est composé de deux catégories de planètes, que les
astronomes nomment habituellement par les concepts de planètes
internes et planètes externes. Les planètes
internes et les planètes externes sont en fait séparées
par une large étendue composée d'astéroïdes,
communément nommée la ceinture des
astéroïdes.
En regardant à travers les photos astronomiques prises
sur notre système solaire, nous pouvons distinguer deux types de
planètes. D'un côté, celui qui est plus proche du soleil,
nous avons les planètes Mercure, Vénus, Terre, et Mars.
Formées de matières rocheuses, ces planètes sont les moins
massives de notre système solaire. Situées entre la position du
soleil et
52 C. Allègre, Introduction à une
histoire naturelle, Fayard, 2004, p 160
l'espace de la ceinture des astéroïdes, ces
planètes sont celles qui sont nommées planètes
internes.
Dans la seconde catégorie de planètes, nous
rencontrons les planètes Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, Pluton et
Sedna la dixième planète dont on a observé l'existence en
2001. Située, si l'on s'éloigne du soleil, après la
ceinture des astéroïdes, cette catégorie est dans l'ensemble
constituée de planètes géantes, et gazeuses pour
l'essentiel. L'explication de la forme spécifique de ces planètes
est due au fait que, l'environnement glacé de ces planètes
alourdit leur matière. Ces conditions climatiques leur permettent
d'avoir une grande force d'attraction sur les particules solides qui les
entourent. Ces planètes, parce qu'elles captivent dans leur
matière presque tous les gaz volatiles rejetés par les
planètes internes, ont des masses énormes comparées aux
masses de planètes internes.
Arrêtons-nous un instant et essayons d'expliquer le
phénomène apparemment étrange, qui est observé dans
notre système solaire. Comme nous pouvons le constater, la
planète Jupiter est la planète la plus grosse de notre
système solaire. Ce phénomène étrange a
été pendant très longtemps un constat que les astronomes
eux-mêmes n'arrivaient à expliquer. De nos jours, ce
phénomène étonnant trouve une explication
satisfaisante.
La grande agglomération de matière à
travers la planète Jupiter, est en fait due à deux choses. La
première explication c'est que, le nuage nébulaire, en
s'éloignant du disque d'accrétion du soleil devient de plus en
plus froid. Cette baisse de température va en fait favoriser
l'attraction des planètésimales, qui en se condensant, formeront
en très peu de temps une grande masse, dont le noyau peut faire environ
dix fois la masse de la Terre. Cette grande masse, va permettre à la
planète d'avoir une très forte densité, qui favorisera
l'attraction de beaucoup de corps environnants tels que les
astéroïdes, les comètes et les
planètésimales.
La seconde cause d'explication de la très grande masse
de Jupiter, c'est que la matière volatile, qui s'est
échappée des planètes internes où par l'effet de
chaleur elle a été libérée, va, en
s'éloignant de l'intérieur du système solaire avec le
mouvement d'expansion du nuage, s'accrocher sur les objets givrés
situés à la surface de Jupiter. La masse et la densité de
Jupiter devenant de plus en plus croissantes, vont dès lors permettre
à cette planète de pouvoir attirer l'essentiel des objets
situés autour d'elle. Il en résulte l'explication de la forte
couche de gaz observée dans l'atmosphère de Jupiter.
En attirant sur sa surface l'essentiel de la matière
située dans l'actuelle ceinture des astéroïdes, la
planète Jupiter a fini par déstabiliser la formation de ce qui
aurait pu être la « onzième planète » de notre
système solaire. L'essentiel de la matière qui aurait dû
participer à la formation d'une onzième planète,
étant absorbé par l'effet de gravité de la planète
Jupiter, il en résulte que le restant des débris tournera, dans
le sens de l'orbite de la ceinture des astéroïdes, autour du soleil
à l'image de toutes les autres planètes. Par sa masse et sa
densité énormes, la planète Jupiter perturbe, lors de son
mouvement de révolution autour du soleil, tous les objets situés
dans la ceinture des astéroïdes. C'est ce mouvement perturbateur
qui, en fait, justifie les mouvements désordonnés suivant
lesquels se comportent les comètes situées dans cette zone. Au
delà de la ceinture des astéroïdes, le mouvement de la
planète Jupiter, influence toutes les trajectoires des autres
planètes.
En effet avec sa vitesse de mouvement de 61 Km/s, la
planète Jupiter infléchit le mouvement des comètes et
astéroïdes qui se trouvent à son alentour. Ces
comètes et astéroïdes, lorsqu'il arrive qu'ils se
détachent de la ceinture des astéroïdes, se projettent dans
tous les sens de l'univers ; ce qui parfois même, les mène
à se perdre hors de notre système solaire. Il faut noter q'une
grande partie de ces corps célestes, lorsqu'ils finissent de traverser
notre système solaire, ne se perd pas néanmoins dans l'espace
interstellaire. Car plusieurs d'entre eux, seront capturés dans une
sphère énorme située à l'extrémité du
système solaire. Cette sphère, située à plus de
50.000 Unités astronomiques (UA) de la position du soleil, va former
dans ces lieux froids de l'espace, ce qui est reconnu être le «
nuage de Oort », du nom de l'astronome néerlandais Jan Oort
qui en a établi l'existence.
Une autre conséquence causée par le mouvement de
la planète Jupiter, c'est qu'en infléchissant l'orbite de la
ceinture des astéroïdes, plusieurs comètes vont se
détacher de leur résidence, se bombarder lors de leur mouvement
d'évasion tous les corps qu'ils rencontrent sur leur trajectoire
(planètes et satellites planétaires...). Les traces de ces
bombardements cométaires sont encore visibles sur les surfaces de la
lune, Mercure, Vénus, Mars et ses satellites. Même les satellites
de Jupiter ainsi que celles de Saturne, montrent encore des signes de ces
bombardements cométaires. Ce sont ces bombardements, qui ont en fait
créé les formes de cratères observées sur la
surface de la Lune et sur les satellites de Mars. Même notre
planète, la Terre, a elle aussi été victime de ces
bombardements, seulement sur la surface de la Terre, le mouvement
géologique de notre sol a fini par effacer toutes les traces de ces
bombardements.
La dernière conséquence à noter, est
celle que le mouvement de Jupiter a occasionnée sur notre
planète. En effet d'après les astronomes, la planète
Jupiter a aussi perturbé l'excentricité des orbites de
planètes internes, entraînant sur celles-ci des collisions
orbitales. Certains sont allés jusqu'à dire même, que se
sont ces collisions qui ont entraîné des tamponnements entre la
Terre et Mercure. Ils affirment que, c'est la fracture causée sur la
Terre par ce choc violent, qui a finalement donné naissance à
l'actuelle lune, satellite de la Terre. Après avoir longuement
discuté sur la formation des planètes, nous revenons sur notre
planète, pour essayer de voir comment la vie y est apparue. L'apparition
de la vie a été l'un des mystères qui ont, pendant des
siècles, habité les esprits des scientifiques. En effet, à
cause du fait qu'il n'existait aucune trace fossile relative au premier
milliard de l'évolution de la Terre, l'origine de la biosphère
est restée un événement sur lequel on n'avait aucune
connaissance certaine. La biosphère est en fait, l'ensemble des
régions du globe terrestre abritant la vie. La biosphère est
constituée des océans, de l'atmosphère et de la mince
pellicule de terre qui recouvre et contient les matières organiques,
appelée le terreau. Comme nous l'avons noté, l'intervalle
géologique qui correspond au premier milliard d'années de la
Terre, a été perdu pour les géologues.
Il en résulte que toute évidence, à
propos des mécanismes qui ont conduit à l'existence de l'eau des
océans, de l'atmosphère et des différents composés
de la matière organique, a été complètement
oblitérée.
Dans les années 1894, un géologue suédois
du nom de Hogbom avait développé l'hypothèse selon
laquelle l'eau, l'air ainsi que les composés organiques, étaient
originairement dégagés des profondeurs de la Terre par l'effet du
volcanisme. Cette hypothèse, même s'il est vrai qu'elle est
cohérente et vraisemblable, elle ne semble pas pour autant très
plausible. Car, sachant que les gaz dégagés lors des explosions
volcaniques ne comportent aucune trace d'oxygène, d'où vient donc
le volume d'oxygène qui de nos jours compose notre air ?
Après Hogbom, d'autres scientifiques vont tenter de
répondre à cette question de l'origine de l'atmosphère.
Selon ces derniers, l'atmosphère date de l'ère primaire,
c'est-à-dire de la période géologique qui suivit la
formation de la Terre. Ces derniers affirment en effet, qu'à l'image des
planètes géantes, la Terre a, au cours de sa formation,
capturé une partie des matières volatiles contenus dans le nuage
protosolaire. Cette hypothèse, elle non plus ne semble pas très
plausible car, comme nous l'avons noté sur les pages
précédentes, la masse de notre planète est très
faible pour pouvoir retenir cette supposée atmosphère primaire.
La seule
hypothèse qui semble être la plus fiable, est
celle qui consiste à dire que notre atmosphère serait apparue
plusieurs années après la formation de la Terre. Tout au
début de son histoire, la Terre était à l'image des
planètes Mercure et Vénus dépourvue
d'atmosphère.
De nos jours, l'hypothèse acceptée et qui semble
être vérifiée, par l'analyse chimique des traces d'eaux,
recueillies lors du passage de la comète d'Halley, est celle qui
consiste à dire que l'eau des océans, l'atmosphère et
l'essentiel des matières organiques, proviennent des comètes. En
effet, des études faites en laboratoire, des pluies produites par le
passage de la comète d'Halley, montrent des mesures qui, même si
elles ne sont pas précises, restent néanmoins analogues à
celles qui sont observés dans l'eau des océans. Cette origine
cométaire des eaux océaniques, de l'atmosphère etc. est
d'autant plus probable, qu'elle seule, est en mesure de justifier les
bombardements des comètes survenus sur notre Terre, et dont les reliques
expliquent les multiples cratères observés sur la surface
lunaire. Mieux encore, cette hypothèse du bombardement cométaire
peut aussi expliquer, l'effet de destruction de la quasitotalité des
indices fossiles, qui auraient permis aux géologues de pouvoir se
renseigner sur ce qui s'est passé lors du tout premier milliard
d'année de notre évolution terrestre. C'est le bombardement des
comètes, qui, en fait, a labouré en profondeur toute la surface
de notre planète. « Ainsi, nous avons maintenant compris que
c'est un bombardement de comètes, c'est-à-dire de
planètésimales glacées de 5 à 500 kilomètres
de diamètre provenant des zones des planètes géantes et
dont les orbites ont été perturbées par la croissance de
ces dernières, qui pendant un milliard d'années nous a
apporté l'eau des océans, les gaz de l'atmosphère et les
composés du carbone qui étaient nécessaires à
l'éclosion de la vie. »53. Mais si cette
hypothèse est avérée, pourquoi la lune n'a pas au
même titre que la Terre une atmosphère, s'il est vrai que toutes
les deux ont subi au même titre cet effet des bombardements ?
En fait, c'est à cause de sa gravité trop
faible, que la lune n'a pas pu retenir l'eau des comètes qui se sont
écrasées sur elle, et moins encore les gaz volatiles
portés et dégagés par ces dites comètes. En effet,
ce phénomène du bombardement cométaire, plus
fréquent sur la surface terrestre du fait de sa gravité
supérieure à celle de la Lune, connaîtra une suite
différente de celle advenue sur la Lune. Sur Terre, la gravité
plus dense à l'échelle terrestre qu'à l'échelle
lunaire, va réussir à retenir une partie de l'eau
libérée, de même qu'une faible quantité des
matières volatiles dégagées par les comètes. En
plus de l'eau et du gaz éjecté sur la Terre, les bombardements
cométaires ont aussi apporté à la surface de la Terre,
d'infimes
53 A.Delsemme Les origines cosmiques de la vie,
Flammarion, 1994, p 169
poussières microscopiques. Observables à l'oeil
nu, ces poussières voyagent sous la forme d'un nuage en traversant tout
notre espace atmosphérique.
Lors du passage de la comète d'Halley, ce
phénomène a été observé. Ce nuage de
poussière est généralement représenté sur
les photos de la comète d'Halley, sous la forme d'une queue qui suit la
trajectoire de la comète. Ces poussières forment un nuage opaque
qui traverse l'atmosphère en finissant sa course à la surface de
la Terre. En effet, ce nuage de poussières transporte, sans pour autant
la détruire, toute la chimie composée dans l'espace
interstellaire. Composées de matières organiques pré
biotiques, ces poussières vont s'enfoncer en parties dans l'eau des
océans primitifs. Avec l'interaction de l'eau encore très chaude
dans les océans nouvellement formées, ces molécules
organiques vont permettre l'apparition et la multiplication des microbes et des
bactéries : c'est l'apparition de la vie sur Terre.
Au début de son apparition, il n'existait que les
formes de vie unicellulaires. Petit à petit, et cela en se diversifiant,
la vie va grimper les échelles de la complexité en faisant
naître petit à petit, de nouvelles formes de vie qui en fait
correspondent à la vie pluricellulaire. Cette nouvelle forme de vie va
connaître une explosion démographique extraordinaire, d'où
avec la diversité, apparaissent les toutes premières
espèces. En effet, c'est après que les microbes et les
bactéries sont apparus vers trois milliards et demi d'années, que
les premières formes d'espèces pluricellulaires vont
apparaître. Armand Delsemme écrit à ce propos, «
C'est il y a 700 millions d'années que les organismes pluricellulaires
allaient apparaître, conduisant à une accélération
de la diversification des espèces et de leur adaptation à des
conditions nouvelles. Ainsi les trilobites et les algues vertes allaient
apparaître il y a environ 600 millions d'années, suivis de
près par les premiers poissons. Il y a 300 millions d'années, les
premières plantes et les premiers arthropodes allaient bientôt
sortir de la mer, annonçant les fougères arborescentes et les
amphibiens, puis les conifères et les reptiles. » 54
Cette citation de Delsemme traduit en fait, de manière
très condensée, comment avec l'apparition des premiers organismes
pluricellulaires, la vie va progressivement se complexifier et donner naissance
à des formes de vie de plus en plus variées. En effet, une fois
que la vie commence à se diversifier en développant des formes
qui deviennent de plus en plus nombreuses, il va advenir au sein de la
biosphère l'apparition des premiers organismes vivants favorisant
à la fois la reproduction, qui elle-même va conditionner
l'évolution. La reproduction est en fait un processus de copie, qui
permet à un être vivant de fabriquer un
54 A. Delsemme, Les origines cosmiques de la
vie, Flammarion, 1994, p 174
autre qui lui est identique. Ce processus est basé sur
la transmission d'information. Quant à l'évolution, elle
s'effectue par une modification extraordinairement lente, de l'information
transmise pour la reproduction. Toutefois, il faut dire que l'évolution
des formes vivantes se fait suivant deux principes que sont : l'erreur dans la
reproduction, qui est à la base de l'apparition des mutations, et la
survivance de l'individu le plus apte.
L'erreur dans la reproduction se fait souvent lors de la
transmission du code génétique. En effet, il arrive pendant la
transmission du code génétique, qu'un message soit reproduit deux
fois, ce qui au fait constitue une erreur dans l'écriture du code. Si
cette erreur n'est pas éliminée avant que le message ne soit
transmis, elle peut créer par cumulations successives, une modification
génétique qui se manifestera par une différence
accusée dans les formes physiques. C'est cette différence de
formes qui, si elle est transmise de génération en
génération, va entraîner à long terme l'apparition
d'une nouvelle espèce, qui devient de ce fait autonome et totalement
spécifique par rapport à son ancêtre
généalogique.
Le second élément qui participe à
l'évolution, est celui de la survivance de l'individu le plus apte. La
notion de survivance de l'individu le plus apte, est un phénomène
qui se fait par la possession de certaines caractéristiques qui peuvent,
dans le cadre de la compétition, donner un avantage à l'individu
qui les développe. Pour se faire, il suffit que, dans une population
donnée d'espèce vivante, la caractéristique avantageuse
aussi insignifiante qu'elle puisse être, soit multipliée par le
processus de la reproduction. Au fur et à mesure que cette population
donnée se multiplie et continue de consolider cet avantage physique, il
en résultera après quelques générations, que cette
dite population va petit à petit dominer sa niche écologique,
entraînant par ce fait la disparition progressive, ou mieux encore la
réduction en nombre, de toutes les autres espèces qui dès
lors deviennent inaptes aux conditions naturelles.
Initialement apparue dans les océans, la vie va
progressivement s'étendre hors des eaux et commencer à occuper
les espaces continentaux. Ce changement de niche apparemment simple, n'est pas
dans la réalité aussi facile qu'on serait amené à
le croire. La question qui se pose est de se demander, comment à partir
de leurs milieux marins, les premiers êtres vivants vont-ils peupler les
continents encore inhabités ?
Comme nous l'avons noté, les premières formes de
vie étaient constituées essentiellement de microbes,
bactéries et par la suite d'algues. En effet, ce sont ces
dernières et plus particulièrement les algues bleues, qui vont
frayer une nouvelle voie à l'évolution de la vie.
Concentrées aux bords des rochers sur la plage, les
algues vont, par leur activité de photosynthèse, libérer
une très forte quantité d'oxygène en absorbant le gaz
carbonique encore dominant dans l'atmosphère. De ce fait, les algues se
mettent à augmenter la teneur en oxygène de l'atmosphère
en diminuant parallèlement celle du gaz carbonique.
Par ce travail intense des algues marines, notre
atmosphère va progressivement se transformer passant de l'état
réducteur, qui correspond à celui dominé essentiellement
par le dioxyde de carbone, à l'état oxydant
caractérisé par la prédominance de l'oxygène.
Devenus de plus en plus nombreux dans l'atmosphère, les atomes
d'oxygène vont eux aussi entrer dans le jeu. Ces derniers vont par la
liaison atomique, se regrouper trois par trois pour donner naissance à
des atomes d'ozone noté O3. Ces atomes d'ozone vont par leur
nature, se séparer du reste de l'atmosphère, s'élever
au-dessus de celle-ci et forme la fameuse couche d'ozone dont la destruction,
fait aujourd'hui l'objet des débats politiques et écologiques.
L'importance de cette couche d'ozone, est qu'elle va permettre de
réduire l'énorme chute des rayons cosmiques, dont on sait que la
pénétration dans les organismes vivants est une des causes
pouvant entraîner des modifications génétiques. Il est
visible que la couche d'ozone participe elle aussi, à l'évolution
de la vie sur Terre.
D'autres scientifiques évoquent aussi
l'hypothèse des pluies torrentielles, dans l'explication de l'oxydation
de notre atmosphère. Selon ces derniers, notre planète a connu
une période, où des pluies acides se sont déversées
sur elle. Ils affirment en effet, que c'est avec l'interaction de ces pluies
acides que les molécules de dioxydes de carbone, se sont liées
aux molécules d'acide, pour former les premiers rochers
sédimentaires de carbonates, plus connus sous le nom de calcaire.
Qu'importe l'origine de ce phénomène, il faut
dire que c'est avec l'amélioration des conditions atmosphériques,
que la vie commença à se développer et à
s'épanouir sous des formes variées. Cet épanouissement va
conduire certaines bactéries à produire et à
développer, la reproduction sexuée. Cette nouvelle forme de
reproduction, aura un intérêt et une importance capitale dans la
stimulation de la diversité des espèces. Dans ses débuts,
la reproduction sexuée n'était pas ce qu'elle est de nos jours.
Jadis dans la reproduction sexuée, les cellules somatiques,
c'est-à-dire les cellules ordinaires non sexuelles, contenaient un
nombre pair de chromosomes qui sont presque identiques deux à deux. Pour
se reproduire sexuellement, une cellule partageait sa double série de
chromosomes en deux séries simples, processus appelé en biologie
la méiose. Par ce processus, on aboutissait à la
production de
deux cellules sexuelles contenant chacune la moitié des
chromosomes initiaux. Ces cellules hybrides doivent pour se reproduire, se
combiner à d'autres cellules sexuelles. Même si ce
phénomène semble à première vue inutile et
compliqué, il faut toutefois reconnaître ceci : « La
méiose atteint pourtant un double but : d'abord, les enfants
héritent de toutes les propriétés communes à
l'espèce, qui ont assuré sa survie jusqu'à présent
; ensuite, ils héritent du mélange des variations qui proviennent
des différences entre les deux parents, conduisant à une plus
grande diversité des enfants et une lus grande variabilité de
l'espèce. Cette dernière propriété est favorable
à la lutte pour la vie, surtout dans un environnement qui change, par
exemple à cause de la première glaciation, puis de l'apparition
de l'oxygène dans l'atmosphère. »55
Avec ce phénomène de reproduction sexuée,
on assiste parallèlement à une croissance en masse de la
variété. Les nouvelles espèces, de plus en plus
nombreuses, commencent à se complexifier et vont améliorer ainsi
leur taille. Cet accroissement des tailles et poids les mènera, à
développer de nouvelles caractéristiques, capables de les
maintenir sous l'eau tout en préparant leur probable sortie hors des
océans. C'est à cette période, que les mollusques
commencent à se couvrir d'une coquille en calcaire, que l'ancêtre
de l'espèce des poissons va développer des branchies lui
permettant de respirer l'air, mais c'est aussi à cette époque que
cette espèce va aussi développer une prémisse
d'ossification. Une fois que l'oxygène est devenue assez consistant dans
l'atmosphère, on assiste à une remontée en masse de
certaines espèces, qui pendant longtemps animaient la vie dans les
océans.
Les premières espèces capables de s'adapter hors
de l'eau, quittèrent les océans et commencèrent à
peupler les continents jusque-là vierges. Cette phase ne va pas durer
longtemps. La raison de cette extinction s'explique par le fait qu'en ce
moment, les plaques continentales, qui étaient à cette
époque très proches les unes des autres, avaient subi de
violentes collisions. Ces dernières, par leurs chocs,
entraînèrent le réchauffement de la matière,
emprisonnée dans les profondeurs de la Terre, c'est cette matière
qui s'est projetée sur la Terre sous forme de gigantesques volcans. Les
gaz dégagés par l'effet de ces volcans, vont recharger
l'atmosphère d'une quantité énorme de dioxyde de carbone.
Ces nouvelles conditions fatales pour la vie, vont entraîner la
disparition extinctive de plusieurs espèces que nous retracent les
reliques fossiles.
55 A.Delsemme, Les origines cosmiques de la vie,
Flammarion, 1994, p 235
Le phénomène des extinctions, a
été un fait très récurrent dans l'évolution
des espèces. En effet, l'histoire de la vie a été
rythmée par une succession d'extinctions, dont nous allons ici noter les
plus importantes. À la fin de la période géologique dite
du Cambrien, il y a 515 millions d'années, est advenue la
première grande extinction. Cette extinction d'origine volcanique, a vu
disparaître l'espèce des trilobites et des premiers poissons sans
mâchoires. Après cette extinction, suivra celle de la
période de l'Ordovicien. Cette extinction, aussi d'origine volcanique, a
elle aussi diminué plusieurs espèces de crustacés et de
mollusques. Elle est advenue il y a de cela 439 millions d'années.
Soixante millions d'années plus tard, une autre
extinction va bouleverser l'histoire et l'évolution de la vie : il
s'agit de l'extinction du Dévonien. Survenue il y a 367
millions d'année, elle a détruit la faune, jadis dominée
par les insectes, les amphibiens, les poissons à mâchoires etc.
Cette époque a aussi été celle du développement des
premières plantes terrestres. Cette extinction a été
suivie de celle du Carbonifère qui, elle même a duré
jusqu'à la période du Permien laquelle remonte à 245
millions d'années. Puis il y a celle du Crétacé,
qui a éliminé plusieurs espèces de dinosaures et
mammifères. Cette extinction date de 65 millions d'années dans le
passé. La dernière des extinctions est celle qui est advenue
à la fin du quaternaire il y a 50 millions d'années. Cette
dernière extinction est restée celle qui a mis fin au
règne des dinosaures lesquels, depuis lors ont disparus de la surface de
la Terre. Parmi toutes ces extinctions, deux seulement n'ont pas
été d'origine volcanique. Celle advenue dans la période du
Permien et celle du quaternaire. Ces deux extinctions ont été
causées par glaciation. Ceci montre que l'histoire de la vie s'est faite
par des va et vient rythmés par des évolutions et destructions.
L'un des multiples phénomènes qui ont favorisé
l'évolution et l'épanouissement de la vie sur Terre, a
été la variation des glaciations.
En effet, avec la variation des périodes de glaciation,
le niveau de la mer connaîtra alternativement des périodes de
montée et de baisse des eaux. Avec les périodes de baisse du
niveau de la mer, les algues situées aux bords des plages
commencèrent à se complexifier et former les premières
plantes qui, en ce moment n'avaient développé ni racine ni tige.
Ces plantes vont se mettre à évoluer et former petit à
petit la flore qui, en se développant de son côté, va
permettre, progressivement par le jeu des variations, l'apparition des
conifères et des premières fougères géantes.
L'expansion fleurissante de la flore, va entraîner l'oxydation de
l'atmosphère terrestre qui devient de plus en plus favorable à
l'épanouissement de la vie
animale. Les êtres vivants commencent à sortir des
eaux pour habiter la Terre continentale, oüles conditions de
vie sont de plus en plus améliorées ; c'est le cas des scorpions,
des insectes
etc. L'accroissement des forêts va très vite
entraîner un épanouissement étonnant de la faune qui, par
le processus de la reproduction, va commencer à conquérir les
continents par la production d'une multitude de populations variées.
Parmi toute cette multitude d'espèces animales, il y
aura tout de même une, qui restera la plus remarquable : il s'agit de
l'espèce des dinosaures. Cette espèce va très rapidement
s'imposer dans la compétition, et dominer tout le règne animal.
Cependant, on distingue dans cette espèce, deux catégories de
dinosaures. La première catégorie est composée de grands
quadrupèdes herbivores. Ces derniers, très peu variés dans
leur genre, peuvent atteindre l'étonnante mesure des trente
mètres de long. Quant à la seconde catégorie, elle
comprend un très grand nombre de sous-espèces bipèdes,
dont la plus part ont entre cinq et six mètres de long. Dans cette
catégorie très variée, il y en a de toutes les tailles, y
compris de petites espèces dont certaines d'entre elles peuvent
atteindre à l'âge adulte la taille d'un poulet. C'est en fait de
cette famille de dinosaures très petits, qu'est apparu l'espèce
des oiseaux. Ces espèces très petites, ne pouvant s'imposer sur
la surface des continents, face à des prédateurs très
voraces et très puissants, vont développer une de leurs
caractéristiques par modification. C'est ainsi que ces espèces
vont développer sur leurs corps, des plumes au lieu des poils comme il
en était des autres espèces de dinosaures. L'explication de la
possibilité de cette modification, est essentiellement due à la
configuration de la nature de l'ossification des dinosaures. En effet souligne
Armand Delsemme, « Contrairement aux os des mammifères qui sont
denses, les os des dinosaures sont minces et poreux. Ces os légers leur
ont d'une part permis d'atteindre de très grandes tailles, puis ont
conduit à plusieurs familles de dinosaures volants, de transformer leurs
écailles en plumes pour créer les premiers oiseaux, notamment
l'archéoptéryx. »56
Par ailleurs, parallèlement à l'existence des
dinosaures, on peut aussi noter celle de leurs cousins proches que constitue
l'espèce des mammifères. En effet « Il y a 250 millions
d'années, le Thécodonte, ancêtre des dinosaures, avait un
cousin, reptile à quatre pattes qui allait devenir l'ancêtre des
mammifères. Ses descendants étaient devenus, il y a 200 millions
d'années de petits animaux fouineurs qui commençaient à
ressembler très fort aux petits mammifères rongeurs
d'aujourd'hui. Ils devaient sans doute se protéger dans des terriers et
ne s'aventurer au dehors que la nuit tombée, car ils constituaient des
proies de choix pour les redoutables dinosaures carnassiers. Leur reproduction
commençait d'abord par une
56 A. Delsemme, Les origines cosmiques de la
vie, Flammarion, 1994, p 244
incubation dans une poche ventrale à la
manière des marsupiaux, puis très vite ils devenaient de vrais
vivipares. »57. Cependant, l'espèce des dinosaures,
va dominer et occuper la quasitotalité de la niche écologique
située à la surface des continents. Ce fulgurant
développement des dinosaures va, vers la fin de la période du
Crétacé, subir une extinction en masse laquelle entraînera
fatalement la disparition de tous les animaux dont le poids environne le
minimum des vingt kilogrammes ou plus. Cette précision est même
révélée par l'étude des résidus fossiles,
étude selon laquelle toutes les espèces victimes de cette
extinction la plus meurtrière, avaient des tailles et des poids
considérables. A cette époque, disparaîtront les grandes
familles de dinosaures telles que : les Tyrannosaures, les
Diplodocus, les Tricératops, les
Stégosaures et les Camptosaures.
La disparition de ces espèces et autres animaux moyens,
va libérer l'espace de la niche écologique continentale. Il en
résultera un profit pour les autres petits mammifères. Ces
derniers, n'étant plus sous la menace de prédateurs dangereux,
vont à leur tour connaître un épanouissement et une
explosion démographique très rapide. Les mammifères vont
remplacer les dinosaures et dominer le règne animal, composé
d'oiseaux, de reptiles etc. A cette même période, les poissons,
les crustacés et les mollusques animaient la vie dans les océans,
où les algues, plus répandues que toutes les autres
espèces, dominaient la niche écologique marine.
Toutefois, même s'il est avéré que c'est
par une très grande extinction, que la majeure partie de la faune
continentale et une partie de la faune des eaux peu profondes, ont
été détruites, la cause de cette extinction est
restée pendant longtemps un sujet de doute pour les scientifiques. Parmi
les différentes thèses soulevées, nous allons
considérer deux des plus vraisemblables.
D'abord, il y a l'hypothèse soutenue par le physicien
Luis Alvarez et son fils géologue, Walter Alvarez. En effet, c'est
Walter Alvarez qui, en étudiant les couches géologiques
séparant l'ère secondaire de l'ère tertiaire,
découvrit dans ces couches une teneur anormale en iridium. L'iridium est
en fait un métal de la même famille que le platine. Comme les
autres métaux de sa famille, l'iridium est très rare dans notre
planète. Par contre, ce métal est très abondant dans les
météorites. A partir de ce constat, Walter Alvarez et Luis
Alvarez vont rapprocher les données de leur résultat à la
grande extinction survenue à la fin du secondaire. Ils affirment
à cet effet, qu'un bolide cosmique a dû percuter la Terre il y a
65 millions d'années, projetant dans le ciel un énorme nuage de
poussières. Ce nuage, disent-ils, a constitué un écran
pour les rayons de Soleil, plongeant ainsi notre planète dans une
nuit
57 A. Delsemme, Les origines cosmiques de la
vie, Flammarion, 1994, pp 244-245.
glacée. Ce fait selon eux aurait duré quelques
dizaines d'années, ce qui a conduit à la disparition de toutes
les espèces n'ayant pas su s'adapter à ces conditions
climatiques.
Quant à la seconde hypothèse soutenue par le
tectonicien Jason Morgan et son collaborateur paléomagnéticien
Vincent Courtillot, elle explique l'extinction en faisant
référence aux éruptions volcaniques de la
péninsules indienne. Pour eux, ce sont les éruptions des grands
volcans situés dans la trappe du Dekkan, qui seraient
responsables de la modification climatique survenue à cette
époque. De ces deux hypothèses, on ne peut déterminer
celle qui est vraie et celle qui l'est le moins ; car toutes les deux
s'appuient sur des données dont on peut vérifier la
réalité scientifique. Sans chercher à être absolu,
on ne peut qu'accepter ces deux propositions comme manifestant une
réalité scientifique. C'est ainsi que Claude Allègre,
cherchant à faire la synthèse de ces deux hypothèses
scientifiquement vraies écrit : « La disparition brutale de
milliers d'espèces à la fin du Crétacé, il y a
soixante-cinq millions d'années, est un fait désormais
établi ; cette extinction résulte d'une modification des
conditions climatiques et a éliminé les espèces les moins
adaptées à ces conditions extrêmes ; celles qui ont
survécu étaient au contraire celles qui étaient «
anormales » , peu adaptées aux conditions normales, comme ces
espèces de plancton boréal égarées dans la zone
équatoriale : alors que l'étude évolutive montre qu'elles
étaient en train de disparaître lentement, elles s'emparent du
milieu dès la crise du Crétacé. »58.
Passer en revue l'idée darwinienne selon laquelle, l'adaptation aux
conditions créés par une catastrophe, assure la survie en donnant
ainsi un indice d'évolution de l'espèce considérée,
est une entreprise légitime.
Pour revenir à notre chronologie de départ, il
faut dire qu'avec la disparition des dinosaures, les mammifères vont
conquérir l'espace terrestre et se multiplier en très grand
nombre. On assiste par cette multiplication des espèces à
l'apparition de plusieurs nouvelles espèces. En effet, issue de la
famille du Thécodonte, la lignée des mammifères a
pris son autonomie avec la famille des Thérapsides, une
espèce de reptiles apparue il 230 millions d'années. Les
thérapsides étaient de petits carnivores très
actifs. Ces derniers dit-on, contrairement à la famille des
lézards et des crocodiles, ont amélioré la technique de
leur démarche en resserrant leurs membres sous leurs corps. Cette
modification semble-t-il, leur a donné un avantage considérable
dans la compétition avec les autres carnivores. Car non seulement avec
leur vitesse supérieure à celle des autres, ils parvenaient
facilement à attraper leur prébende, mais
58 Claude Allègre, Introduction à
une histoire naturelle, Fayard 2004, p 309
aussi il était plus facile pour eux d'échapper
aux reptiles géants susceptibles de menacer leur vie. Comme il a
été de l'évolution des dinosaures, l'évolution des
mammifères a aussi donné naissance à une
variété étonnante de tailles et de comportement. Ces
tailles varient des êtres très minuscules comme les musaraignes,
petits mammifères insectivores au museau pointu, aux énormes
mammifères tels que les éléphants d'Afrique, les mammouths
ou même les baleines.
Parmi la grande famille de mammifères, les rongeurs ont
été les plus nombreux. C'est dans ce très vaste zoo de
diversification et de compétition, que l'ordre des primates est apparu
environ 75 millions d'années, en pleine période du
Crétacé. Cette espèce originairement très petite de
taille, était composée selon les biologistes de trois grandes
familles. Selon ces derniers, ce sont ces trois familles qui ont
vraisemblablement donné naissance aux espèces des Tarsiers, des
lémuriens et des singes.
Le Tarsier est un insectivore nocturne vivant dans les arbres.
Ce petit animal ressemble au regard, à un petit singe de 10 à 15
cm de long. Caractérisé par sa très longue queue, le
tarsier a, à l'image des autres familles de primates, des yeux
énormes. La deuxième famille de primates, est celle qui a vu
naître le lémurien. Cet animal qui existe encore à
Madagascar de même que dans les îles Comores, possède une
figure qui ressemble à celle du renard et un corps de singe. Il mesure
entre 15 et 60 cm. Comme le tarsier, le lémurien a lui aussi de gros
yeux. Toutefois cet animal des forêts, contrairement au tarsier, mange un
peu de tout : fruits, bourgeons, feuilles, insectes, oeufs d'oiseaux ou
même des petits d'oiseaux. Quant à la troisième famille de
primates, elle est caractérisée par la catégorie des
singes. Cette famille s'est diversifiée en plusieurs espèces qui
semblent avoir toutes pour ancêtre commun, une vieille espèce de
mammifère appelée «l'ancêtre du proconsul africain
».
Ce singe semble embrasser l'origine commune de tous les singes
primitifs tels que, les petits singes à longue queue d'Amérique
centrale, le macaque et le babouin d'Afrique. Il est aussi l'ancêtre des
singes sans queue desquels on peut compter le chimpanzé, le gorille et
l'orangoutang qui est le plus proche cousin de l'homme. C'est en fait, à
cette lignée de singes sans queue, qu'appartient l'ancêtre de
l'actuelle espèce humaine que les paléontologues appellent
Australopithèque.
Apparu il y a environ quatre millions d'années,
l'australopithèque avait un crâne d'environ 500 cm3 de
volume. Il était essentiellement végétarien et se
nourrissait de fruits.
L'australopithèque va, après quelques milliers
d'années, donner naissance à l'homo habilis. Son
apparition date d'environ deux millions d'années. Plus grand que son
ancêtre, homo habilis avait une boîte crânienne
d'à peu près 700 cm3 de volume. En plus du fait qu'il
était carnivore, homo habilis avait appris à marcher debout sur
ses deux pieds, ce qui lui a permis de libérer ses membres
supérieurs. Une fois libérées, ses mains vont lui servir
à développer la cueillette et à pratiquer la chasse. Cet
animal de plus en plus conquérant, vivait en groupe, sans pour autant
développer la méthode du langage parlé, qui semble
être apparue avec son descendant direct qu'est l'Homo
érectus.
En effet, c'est l'homo érectus qui va
succéder à l'homo habilis. Cet être va
perfectionner sa démarche, et devenir par amélioration un homme
de conquête. Homo érectus représentera une
étape importante dans l'évolution de l'homme. C'est avec lui que
plusieurs découvertes seront faites à savoir, la production et le
développement du langage, la découverte du feu, l'organisation en
sociétés primitives etc. Apparu il y a environ 1,5 million
d'années, l'homo érectus va, par les faits de la
compétition, se lancer dans une vaste conquête de l'espace
à la recherche de fruits et de gibier. C'est dans le cadre de ce vaste
mouvement de lutte pour l'existence que, « Homo érectus
découvre le feu et conquiert l'Afrique, l'Europe, l'Indonésie, la
Chine. Ces migrations sont attestées par les crânes
désormais nombreux que l'on a pu trouver sur tous ces continents et qui
traduisent déjà une certaine variabilité dans le type
homo. » 59
Enfin, le type homo érectus va donner
naissance à l'homo sapiens. C'est avec ce type d'homo, que va
advenir véritablement l'éveil de l'intelligence. L'homo
sapiens n'a pas connu, de modifications morphologiques majeures.
Généralement défini à partir de l'homme du
Neandertal apparu il y a 600 milles ans, l'homo sapiens a, depuis lors
jusqu'à nos jours, conservé presque les mêmes
caractéristiques. Avec son crâne d'environ 2000 cm3, on
peut affirmer que « C'est cet homo sapiens qui est l'ancêtre de
tous les hommes, quelques soient leur race, leur couleur de peau, leur
variété. La biologie moléculaire à établi
sans ambiguïté cette généalogie unique en faisant
justice de toutes les théories fantaisistes (et dangereuses) sur
l'origine multiple des hommes modernes suivant leur race. »60.
En définitive, on peut donc dire que l'homme est historiquement
situé dans l'évolution animale, même si ce serait commettre
une très grave erreur, de ne le considérer que comme un simple
animal. Ce qui caractérise l'homme, c'est la faculté de penser,
critère de différenciation par rapport aux
59 Claude Allègre, Introduction à
une histoire naturelle, Fayard, 2004, p 336
60 Idem Pp 336-337
autres êtres vivants. L'univers a, grâce à
sa complexité, monté les marches de l'évolution qui, l'ont
conduit par la traversée de différents passages à
l'émergence de l'homme. Ainsi retracée, l'évolution de
l'univers peut-elle être considérée comme un
phénomène né du hasard et de la pure coïncidence ?
L'apparition de l'homme ne serait-elle pas une conséquence
nécessaire de l'évolution de l'univers ? Ces questions aux
attraits plutôt religieux ont pourtant été débattues
en des termes scientifiques.
La communauté scientifique a été
partagée face à cette question. Pour certains, l'apparition de la
vie, et au delà de celle-ci, l'émergence de l'intelligence et de
la conscience, sont liées à un simple fait du hasard, un accident
de parcours dans la longue marche de l'univers. A côté de ce camp,
s'érige un autre qui lui, tente de briser le joug écrasant du
hasard, et essaye de rendre l'homme à sa place privilégiée
dans le cosmos. Pour ces derniers, l'homme n'a pas émergé par
hasard dans un univers indifférent. Ils affirment au contraire, que tous
les deux sont en étroite symbiose : si l'univers disent-ils, est tel
qu'il est, c'est parce que l'homme est là pour l'observer et se poser
des questions. « L'existence de l'être humain est inscrite dans
les propriétés de chaque atome, étoile et galaxie de
l'univers et dans chaque loi physique qui régit le cosmos. Que des
propriétés et des lois de l'univers se modifient un tant soit peu
et nous ne serons plus là pour en parler. Le visage de l'univers et
notre existence sont donc inextricablement liés. L'univers se trouve
avoir, très exactement, les propriétés requises pour
engendrer un être capable de conscience et d'intelligence.
»61. Cette manière de penser est une façon
pour ces scientifiques, de faire ressurgir la question du déterminisme
dans la problématique de l'apparition de l'homme.
L'homme est apparu dans l'univers, parce que tout y a
été fait tel qu'il ne pouvait pas ne pas exister. Cette
hypothèse est ce que l'on appelle en terme scientifique le «
principe anthropique ». Défendu dans les années 1974
par l'astrophysicien Brandon Carter, ce principe cherche à redonner
à l'homme la place privilégiée où Copernic l'avait
chassé.
Il ne s'agit pas selon Brandon Carter de revenir sur la
position géographique de l'homme dans l'univers, mais plutôt de
voir comment cet être spécifique occupe une place centrale dans le
dessein de l'univers. Ce principe aussi appelé par Hubert Reeves
« principe de complexité », prétend que
l'univers possède, depuis les temps les plus reculés accessibles
à notre exploration, les propriétés requises pour amener
la matière à gravir les échelons de la gravité.
61 Trinh Xuan Thuan, La mélodie
secrète, Gallimard, 1991, pp 277-278
Une telle argumentation est toutefois plus
réductionniste que scientifique. Prise dans on ensemble, elle voudrait
insinuer que l'évolution a, avec l'home, atteint son summum :
d'oüaucune autre espèce ne peut succéder à
celle de l'espèce humaine. Néanmoins, il nous est
permis de nous demander si une autre espèce pourrait un
jour advenir après l'homme ? Vers quelle autre forme de vie
l'espèce humaine peut-elle nous ouvrir ? Toutes ces questions ne
semblent pas très scientifiques, mais elles ne restent pas tout de
même insensées.
Aujourd'hui on voit qu'avec les travaux entrepris dans le
domaine de la génétique, il est possible de stimuler des
modifications, et conditionner ainsi de nouvelles brèches à
l'évolution. Par ailleurs avec la dégradation de notre
environnement, l'homme ne s'expose-til pas à sa propre destruction ? Car
s'il est avéré que la couche d'ozone est cet écran qui
nous protège des rayons cosmiques, et sachant que ces rayons cosmiques
peuvent engendrer dans l'accélération des modifications
génétiques, ne serait-il pas plus noble pour toute
l'humanité de se donner corps et âme dans le combat pour
l'écologie et protéger ce joyau que l'univers nous a offert et
qui se trouve être la Terre ? Ces implications sont de nos jours les
véritables questions, que la science doit désormais se poser, et
qui dans la mesure des débats doivent consolider les discussions sur les
enjeux de la bioéthique.
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