II
La cosmologie
moderne :
la découverte du
temps perdu
L'histoire de la cosmologie a été marquée
par le développement de deux images du monde qui, au delà de leur
aspect contradictoire, ont servi de fondement aux observations astronomiques.
En effet, depuis son origine grecque jusqu'au XIX ème
siècle, la cosmologie était régie par la conception de
l'immuabilité et de l'éternité de l'univers. Aristote
croyait que l'univers était un tout organisé, fini et
hiérarchisé, d'où le vocable même de
cosmos, qui signifie en grec la totalité de l'être en
tant que celui-ci est pris dans son unité organique. Cette
inférence philosophique, a en fait poussé Aristote à
établir dans son étude du Cosmos, un système astronomique,
guidé dans son ensemble par les critères d'ordre, de
finitude et d'hiérarchisation. C'est grâce
à ces principes qu'Aristote a construit le modèle
géocentrique, dont on lui reconnaît la paternité.
Ce modèle développé par Aristote a,
pendant près de deux millénaires, servi de base à toutes
les études scientifiques et astronomiques à travers l'Europe ;
même si l'on sait que Aristote a été soutenu en cela par
l'Eglise chrétienne qui, pour des raisons théologiques, voyait en
la cosmologie d'Aristote une thèse en faveur de la création
anthropocentrique. Toutefois le modèle d'Aristote va subir à
partir du XVI ème siècle un véritable coup de
revers qui, en s'aggravant de décennie en décennie, va finalement
s'ébranler avec la décentralisation de la Terre faite par
Copernic. Sans nous attarder outre mesure sur ce vaste mouvement de
révolution dirigé contre la cosmologie d'Aristote, nous
retiendrons que tous, à savoir Aristote et ceux qui viendront
après lui, croyaient à l'idée, que l'Univers est une
totalité structurée, et qu'il n'est pas soumis au devenir.
En effet, même Giordano Bruno, celui-là
même qui a été condamné par le Vatican à
mourir sur le bûcher pour avoir soutenu l'infinité de l'univers,
défendait l'idée que l'univers est immuable. Selon lui, le
devenir en tant que signe de l'imperfection, ne peut en aucune manière
être un caractère de l'univers, d'où affirmer
l'immuabilité de l'univers était pour lui une nouvelle
manière de reconnaître et de préserver la «
perfection infinie » de Dieu. Dans un extrait intitulé
« De la causa », ce martyr de la science écrivait
dans le Cinquième Dialogue, « L'univers est donc un
infini et immobile...Il ne se meut pas d'un mouvement local, parce que rien
n'existe hors lui vers quoi il puisse se porter, étant entendu qu'il est
tout. Il ne génère pas lui-même, parce qu'il n'y a aucune
autre chose qu'il puisse désirer ou rechercher, étant entendu
qu'il contient tous les êtres. Il n'est pas corruptible, puisque rien
n'existe hors lui en quoi il puisse se changer, étant entendu qu'il est
toute chose. Il ne peut diminuer ni
s'accroître étant entendu qu'il est infini.
[...] Il ne peut être altéré en aucune façon,
puisqu'il n'a rien d'extérieur par quoi il puisse pâtir et dont il
pourrait être affecté. »20.
On voit donc par là comment la cosmologie à ses
débuts, considérait l'univers. Pour la science classique, le
critère de l'homogénéité était une
caractéristique primordiale, car si l'univers devait souffrir du
devenir, cela voudrait dire que Dieu en créant l'univers n'avait pas
parfaitement maîtrisé son art. A ce propos, lorsqu'on lit une
partie de sa correspondance, on pourrait être amené à dire
que Newton aurait accepté l'idée d'un univers temporel et
évolutif, puisque c'est Newton lui-même qui écrivait, que
pour comprendre la permanence du système planétaire, il fallait
que de temps à autre Dieu, ou un autre agent, vînt le
réparer. C'est dire que Newton était conscient du fait que le
système planétaire était instable. Mais comme
l'instabilité lui paraissait inconciliable avec la sagesse du
créateur, ce dernier fit appel à Dieu pour maintenir la
stabilité du système.
A l'inverse de Newton, Leibniz trouvait inconcevable de penser
que Dieu revenait réparer son univers, car si tel est le cas, cela
signifiait aux yeux de Leibniz que Dieu aurait commis des erreurs dans la
création. Pour Leibniz donc, l'univers est le meilleur possible. A
partir de ce point de vue, il défend que l'univers est
déterministe et réversible dans le temps. Cette attitude est en
réalité due « ...à la tendance humaine à
croire à des vérités éternelles, aussi bien qu'au
réconfort que l'homme trouvait à penser que, malgré le
fait que les années s'envolaient et qu'il mourrait, l'univers, lui,
restait éternel et identique à lui-même. » 21
C'est cette conception qui va, jusqu'au XIX
ème siècle, soutenir l'étude de la cosmologie.
Pendant toute la période de la science classique, jamais on a
imaginé que l'univers pouvait être en expansion. On admettait
généralement que, ou bien l'univers existait depuis toujours dans
un état identique, ou bien qu'il a été créer
à un moment précis du passé, plus ou moins semblable
à celui que l'on observe aujourd'hui. Il faut attendre le début
du XX ème siècle, pour voir se développer les
germes de la rupture avec cette ancienne conception de l'univers. C'est en
effet avec la grande révolution technologique, entreprise dans le
domaine de l'astronomie avec la construction des grands télescopes, que
la science moderne va petit à petit se séparer d'avec l'image
statique de l'univers.
Avec l'utilisation des télescopes à grande
portée, l'homme va étendre sa connaissance de l'univers à
des limites inimaginables. On apprend à ce moment que l'univers est
illimité et a
20 G. Brunon cité par Prigogine et Stengers
in Entre le temps et l'éternité, Flammarion, 1992, p
36
21 S. Hawking, Une brève histoire du temps
: du big bang aux trous noirs, Flammarion, 1989, p 23
un espace infini qui aurait donné à Giordano
Bruno, s'il était là pour l'observer, des vertiges.
Désormais nous savons que notre monde est en expansion continue, et
qu'il est habité par diverses formes d'êtres. La naissance de la
nouvelle image d'un univers dynamique, dont les différentes formes sont
en perpétuelle évolution. C'est de là que nous pouvons
comprendre ce propos de Hubert Reeves lorsqu'il affirme : « Il y a du
changement dans notre monde. Non seulement les formes animales changent, non
seulement les étoiles évoluent, changent de couleurs, vivent et
meurent, mais les propriétés globales du cosmos,
température, densités, états de la matière, se
modifient profondément au cours des ères. »22
Par cette révolution astronomique inédite, c'est
tout l'édifice de la science classique qui subit un énorme coup
de revers comme le disait Héraclite, « Tout change, tout coule
». Darwin de même que Boltzmann, avaient donc raison sur leurs
détracteurs : le temps est producteur de nouveauté, et de ce fait
il est irréversible. L'univers n'est pas strictement ordonné, il
abrite du désordre, somme toutes, il est fondamentalement complexe.
Dès lors, il est possible d'affirmer en guise de consolation à
Einstein qu'il se pourrait que Dieu eût joué au dé,
seulement il n'a probablement retenu que les coups gagnants. Désormais,
il est nécessaire pour comprendre l'univers, de le considérer
dans sa totalité qui, oscille entre des notions variées et
contradictoires que sont : ordre et désordre, hasard
et nécessité, organisation et complexité,
existence et devenir, lesquelles vont de paire.
Dans cette deuxième partie que nous avons
divisée en trois sections, nous allons dans un premier moment voir
comment s'est établie la conception historique de l'univers, et quelles
implications philosophique, ou scientifiques, cette conception a-t-elle
engendrées ? Dans la seconde section nous allons montrer, comment par
cette nouvelle vision de l'univers, la science, et plus particulièrement
la physique, va interpréter la pensée du temps, qui se trouve
désormais liée à la notion
d'irréversibilité. Enfin, nous essayons, dans une
troisième section, d'expliquer comment à partir des deux
premières sections, à savoir l'idée de l'histoire de
l'univers et celle de l'irréversibilité temporelle, nous pouvons
comprendre la notion d'évolution.
22 H.Reeves, Malicorne, Seuil, 1990, p 46
II-1 / La conception historique de l'univers
La question de l'origine de l'univers a depuis la naissance de
la civilisation, gagné une place importante dans les spéculations
aussi bien philosophiques que scientifiques. A partir des VII ème et VI
ème siècles déjà avant J.C, les grecs, soucieux de
cette question des origines se demandaient d'où venait le monde ? Pour
Thalès, l'univers vient de l'Eau. D'autres
après lui diront que l'univers vient du
Nombre, comme par exemple Pythagore, ou encore que
l'univers vient du Feu si nous en croyons
Héraclite. A partir de ces considérations, vont naître
différentes doctrines philosophiques, classées sous formes de
testaments appelés péri phuséos, ce qui veut dire
en grec des traités sur la nature ; d'où la naissance
des tous premiers systèmes physiques. Au fil des âges, vont
naître d'autres systèmes cosmologiques de plus en plus complexes,
comme par exemple les modèles de Platon, Aristote
Ptolémée, Copernic, Kepler jusqu'à Newton.
Tous ces systèmes, malgré leur
particularité, ont tous un point de ralliement, qui se situe dans
l'affirmation unanime qu'ils font de l'éternité de l'univers,
ainsi que de son caractère in changeant. En effet, de Platon à
Newton, on croyait que l'univers ou bien existait depuis toujours dans un
état inchangé, ou bien qu'il a été
créé à un moment précis du passé, plus ou
moins semblable à celui observé aujourd'hui. C'est ce que Hubert
Reeves montre très bien lorsqu'il affirme : « L'idée
d'une histoire de l'univers est étrangère à l'homme de
science des siècles derniers. Pour lui, immuables, les lois de la nature
régissent le comportement de la matière dans un présent
éternel. Les changements - naissance, vie, mort - visibles au niveau de
nos vies quotidiennes s'expliquent dans les termes d'une multitude de
réactions atomiques simples, toujours les mêmes. La matière
n'a pas d'histoire ».23 L'univers n'a donc ni commencement
ni fin non plus ; il est donné de toute éternité. C'est
cette idée qui a dominé la science jusqu'au
19ème siècle.
Au début du XX ème siècle, et cela avec
le développement de la technologie du matériel d'observation,
nous assistons, dans le domaine de la cosmologie, à une
révolution qui va bouleverser la conception que nous avions de l'univers
dans tous ses aspects. En effet, c'est grâce à deux
découvertes faites dans le domaine de l'astronomie, que nous allons,
pour la première fois, nous faire à l'idée de
l'évolution de l'univers : il s'agit de l'observation faite par Edwin
Hubble de l'éloignement des galaxies, et de la découverte par
Penzias et Wilson
23 H. Reeves, Patience dans l'azur, Seuil,
1988, p 17
du rayonnement fossile qui baigne tout l'univers. Les travaux
de Hubble ont eu un impact si important dans l'histoire de la cosmologie
moderne, qu'il n'est plus possible, sous aucun prétexte passer sous
silence son nom. D'abord occupé par la littérature et la
poésie, Hubble va au cours de sa vie renoncer à la
carrière littéraire qui lui est ouverte, pour s'intéresser
à l'étude de l'astronomie. Dès 1923 déjà,
Hubble, en se servant du télescope nouvellement installé sur le
mont Wilson, dans le désert de l'Arizona aux Etats-Unis, va
observer, à travers la tâche nébuleuse observée dans
la constellation d'Andromède, l'existence d'une multitude
d'étoiles.
Il prouve par cette observation, la réalité des
univers îles longtemps annoncés par Emmanuel Kant. Hubble
montre ainsi, que l'univers s'étend au-delà de notre galaxie.
L'univers est désormais extra galactique, d'où notre galaxie est
perdue dans l'immensité de l'univers ; tout comme notre système
solaire s'était déjà perdu dans l'immensité de la
voie lactée. En plus de la découverte qu'il a faite à
propos de la galaxie d'Andromède, Hubble a contribué de
façon remarquable à développer la connaissance que l'homme
avait de l'univers. Même s'il est reconnu comme étant un
observateur infatigable de l'univers, Hubble est, il faut le noter, un grand
interprète et un grand génie pour l'élaboration des
théories scientifiques. En effet, grâce au spectroscope, appareil
servant à étudier et à décomposer les spectres de
la lumière, et à la théorie de l'effet Doppler,
Hubble va élaborer une théorie scientifique sur le mouvement et
le comportement des galaxies dans l'espace.
Avant de continuer, essayons, auparavant d'expliquer ce que
signifie l'Effet Doppler. Ce concept scientifique, traduit une
théorie connue sous le nom du physicien Autrichien Johann Christian
Doppler. Selon ce dernier, tout comme le son, la lumière subit une
disporpotionalité de radiation qui pourrait se résumer ainsi :
« Quant un objet lumineux s'éloigne de nous, sa
lumière devient plus grave, elle est
décalée vers le rouge et perd de l'énergie, tandis que
sil'objet lumineux vient vers nous, sa lumière devient plus
aiguë, elle est décalée vers le bleu et
acquiert de l'énergie. Le changement de couleur est
d'autant plus grand que la vitesse d'éloignement ou d'approche augmente.
» 24
En effet, c'est à partir de ces deux méthodes
d'observation que Hubble va entreprendre l'étude de l'univers.
S'appliquant à observer l'univers, l'astronome américain
découvre que sur quarante et une galaxie observées, trente et six
avaient leurs lumières décalées vers le rouge, tandis que
cinq seulement avaient leurs lumières plus ou moins bleues, ce qui
traduit suivant la théorie de l'effet Doppler, leur rapprochement dans
le sens de l'observateur. A
24 Trinh Xuan Thuan, La mélodie
secrète, Gallimard, 1991, p 59
partir donc de ces deux constatations, Hubble conclut que le
mouvement des galaxies ne se fait pas de manière
désordonnée. Car si tel était le cas dit-il, on se
trouverait dans une situation où la moitié des galaxies en
moyenne aurait dû s'approcher de la voie lactée et l'autre
moitié s'en éloigner. Mais étant donné que ceci est
loin de ce qui est observé dans la réalité, Hubble affirme
qu'à des distances lointaines toutes les galaxies s'éloignent
à grande vitesse les unes des autres.
Il montrera plus tard, que les cinq galaxies que l'on voit se
rapprocher de la nôtre, appartiennent au même amas galactique que
la « voie lactée », amas que les astronomes nomment
amas local ou encore « amas de la vierge ». Muni de
la vitesse d'éloignement des galaxies, qu'il a obtenue en
étudiant les changements de couleurs de leurs lumières, ainsi que
des distances qui séparent celles-ci de nous, Hubble affirme sous la
forme d'une loi universelle que la vitesse de fuite des galaxies est
proportionnelle à leur distance. Cette loi dite « loi de Hubble
» postule l'idée suivante : « Une galaxie deux fois
plus distante s'éloignait deux fois plus vite, tandis qu'une galaxie dix
fois plus distante fuyait dix fois plus vite. D'autre part le mouvement de
fuite des galaxies était le même dans toutes les directions.
» 25
C'est à partir de ces observations, ainsi que des
différentes déductions scientifiques qui s'en suivront, que
l'idée de l'expansion de l'univers va se poser comme une
hypothèse scientifique, plus que probable. Cette idée sera
à la base de la cosmologie, pendant tout le développement du
nouveau paradigme de la physique moderne. Toutefois, malgré la rigueur
scientifique et la crédibilité des données de
l'expérience, les physiciens ont de très bonne heure
rejeté l'idée de l'expansion de l'univers comme un fait
scientifique, car celui-ci était a priori contradictoire avec
les convictions philosophiques d'autrefois.
Cependant, cette idée encore douteuse, sera consolider
par les travaux mathématiques de Einstein, Friedman et Lemaître,
mais aussi et surtout par la prédiction faite par Gamow du rayonnement
fossile. Considérant l'hypothèse de l'expansion de l'univers
Gamow postulait, qu'en remontant l'échelle du temps cosmique,
l'état de l'univers serait comprimé dans un espace infiniment
petit et infiniment chaud. Gamow montre aussi, que la distribution dans
l'espace des différentes formes de corps tels que, les galaxies, les
étoiles et les planètes, ne peut être expliquée que
par l'hypothèse qui consiste à dire que, dans un passé
assez lointain, l'univers avait procédé à une explosion
fulgurante. L'explosion avait dû être très forte et
très
25 Thinh Xuan Thuan, La mélodie
secrète, Gallimard, 1991, p 71
puissante, pour pouvoir propulser à des distances et
des vitesses aussi intenses, la matière de l'univers. A partir de ces
suggestions hypothétiques, Gamow affirmera que la lumière
dégagée par cette explosion primordiale doit encore exister dans
l'univers, mais si celle-ci est invisible, c'est tout simplement parce qu'elle
s'est tellement refroidie, qu'elle a fini par perdre toute son énergie
initiale.
L'existence de cette lueur fossile a été
prédite parallèlement par trois scientifiques, reconnus sous le
trio Apher, Bethe et Gamow. Prédite dans les années 1940, ce
rayonnement fossile restera prés de vingt ans, sans que nous puissions
en faire la moindre expérience scientifique. En 1965, deux physiciens
américains Arno Penzias et Robert Wilson vont créer le
déclic. Travaillant pour la société des Bell
Téléphone Laboratories de New Jersey aux USA, ces deux
physiciens constatent, lors d'une mission pendant laquelle ils devaient tester
un détecteur ultra sensible d'ondes centimétriques (comme les
ondes radio), que leur appareil captait beaucoup plus de bruit qu'il ne le
devait. Ils cherchèrent à savoir en vain, d'où pouvait
provenir ce bruit étrange qu'ils entendaient. Ces derniers se mirent
à changer à plusieurs reprises la direction de leur appareil
espérant échapper au bruit ; mais ils continuaient toujours de
recevoir les résonances de ce bruit. A force de l'étudier, ils
finirent par comprendre que ce bruit apparemment anormal, était
uniformément répandu à travers toute l'atmosphère.
D'où ils en déduisent que l'origine de ce bruit doit se trouver
au-delà de notre système solaire voire même de notre
galaxie. Car disaient-ils, si cela n'était pas le cas, ce bruit aurait
varié du fait que le mouvement de la Terre, en orientant le
détecteur dans différentes positions aurait occasionné une
variation des résonances.
Quelques années plus tard, deux autres physiciens
américains de l'université de Princeton cette fois-ci vont, en
suivant les prédictions de Georges Gamow s'investir dans la recherche de
cette lueur fossile qui, disent-t-il doit s'être transformée
à cause de l'expansion de l'univers, en ondes centimétriques.
Lorsque Bob Dicke et Jim Peebles s'apprêtèrent à recherche
ce rayonnement fossile, Penzias et Wilson, saisis de cette rumeur, comprirent
aussitôt que la présence de cette lueur était la cause du
léger bruit anormal que captait leur détecteur. Ils affirment
publiquement avoir trouvé cette lueur fossile prédite par Gamow,
ce qui leur a valu le prix Nobel de physique, qu'ils reçurent
en 1978.
Partant des deux plus grandes découvertes de
l'astronomie moderne à savoir : l'expansion de l'univers d'une part et
le rayonnement fossile de l'autre, la cosmologie moderne va élaborer une
théorie scientifique, connue sous le nom de théorie de Big Bang.
C'est le
physicien Russe Alexandre Friedman, qui a été le
premier à poser à titre d'hypothèse plausible de l'univers
observé, cette idée du Big bang. Friedman postulait en effet que
l'univers à ses débuts, devait avoir été
très chaud, très dense et intensément rayonnant à
l'image de tout corps chauffé. Selon la théorie du Big bang,
l'univers est issu d'une grande explosion à partir de laquelle toute la
matière s'est répartie dans tous les sens.
Donc, tout ce qui est observé dans l'univers visible,
partant de l'existence des galaxies à la formation des planètes,
jusqu'à l'apparition même de l'homme sur Terre, a commencé
à exister et à évoluer à partir de ce grand boom.
C'est à partir de ces hypothèses et implications scientifiques,
que va naître dans le domaine de la science l'idée de l'histoire
de l'univers. C'est ainsi que Hubert Reeves écrit à ce propos,
« L'image d'une matière historique s'impose maintenant de toute
part. Comme les vivants, les étoiles naissent vivent et meurent,
même si leurs durées se chiffrent en millions ou en milliards
d'années. Les galaxies ont une jeunesse, un âge mûr, une
vieillesse. L'histoire du cosmos, c'est l'histoire de la matière qui
s'éveille. L'univers naît dans le plus grand dénuement.
N'existe au départ qu'un ensemble de particules simples et sans
structure. Comme les boules sur le tapis vert d'un billard, elles se contentent
d'errer et de s'entrechoquer. Puis par étapes successives, ces
particules se combinent et s'associent. Les architectures s'élaborent.
La matière devient complexe et performante, c'està-dire capable
d'activités spécifiques. »26
Comme tout modèle scientifique, le big bang n'est
qu'une théorie physique en ce sens que celle-ci est définie,
comme un modèle d'univers et un ensemble de règles mettant en
relation des quantités issues du modèle et des observations. A
partir de l'hypothèse du Big Bang, la physique moderne va toutefois
établir trois modèles cosmologiques différents, qui
traduisent chacun une image de l'expansion de l'univers.
Le premier modèle, proposé par le physicien et
mathématicien russe Alexandre Friedman, postule que notre univers
s'étend à une vitesse suffisamment lente, que l'attraction
gravitationnelle s'exerçant entre les différentes galaxies,
finira par ralentir l'expansion qui éventuellement s'arrêtera. Si
nous en croyons Friedman, nous devons s'attendre au scénario suivant
lequel nous verrons les galaxies se rapprocher progressivement les unes des
autres, conduisant ainsi l'univers à se contracter avec elles. Selon ce
modèle donc, l'évolution qui a commencé au point
zéro appelé big bang, va s'accroître jusqu'à
atteindre son maximum. Une fois ce maximum atteint, l'univers connaîtra
une phase retour qui lui fera suivre le chemin
26 H. Reeves, Patience dans l'azur, Seuil,
1988, pp 18-19
inverse, en se rétrécissant jusqu'à
rejoindre le point initial d'où il est parti. Dans un tel modèle,
« L'univers n'est pas infini dans l'espace, mais l'espace n'a pas pour
autant de frontières. La gravité est si forte que l'espace est
refermé sur lui-même, le rendant plutôt semblable à
la surface de la Terre. »27
Quant au second modèle cosmologique, il postule
qu'après l'avènement du big bang, l'univers s'est étendu
à une vitesse d'expansion si rapide, que l'attraction gravitationnelle
ne pourra jamais l'arrêter, bien qu'elle la ralentisse plus ou moins.
Selon ce modèle donc, l'évolution qui a commencé au temps
zéro, sera suivie de l'expansion et de la séparation progressive
de toutes les galaxies les unes des autres suivant une vitesse
régulière. Dans ce modèle, l'espace est infini,
c'est-à-dire courbé à l'image d'une selle.
Enfin, nous en venons au troisième et dernier
modèle cosmologique. Selon ce modèle, l'univers s'étend
à une vitesse assez suffisante pour pouvoir empêcher le
scénario contraire du grand retour. Dans ce modèle, l'expansion,
représentée par l'éloignement des galaxies, commence
à l'instant zéro du big bang et croît indéfiniment.
Toutefois, il faut dire qu'à travers ce modèle, la vitesse
d'expansion des galaxies s'affaiblit de plus en plus sans jamais s'annuler pour
autant. L'espace représenté par ce modèle est un espace
plat.
De nos jours, la conception de l'histoire de l'univers, est
devenue une vérité à laquelle nul ne peut douter, tant les
observations astronomiques nous la révèlent par des
théories de plus en plus manifestes et précises. Ces
dernières nous montrent en effet que, issu de l'explosion initiale,
l'univers évolue en se complexifiant, ce qui explique la
hiérarchie et la variation de structures que l'on observe au sein de ce
dernier. Toutefois, il ne faut pas croire que le pari soit gagné
à cette étape de la recherche. Car malgré ce triomphe de
la cosmologie, l'hypothèse du big bang laisse néanmoins certaines
questions sans réponses. L'expansion va-t-elle se poursuivre
indéfiniment ? L'univers arrêtera-t-il son expansion pour
s'effondrer un jour sur lui même ? Qu'est-ce qui existait avant le big
bang ? A quel moment précis l'univers a-t-il commencé son envol
vers le devenir ? Voici des questions qui nos jours, ne cessent d'intriguer la
communauté scientifique.
Conscient du fait qu'aucune expérience possible n'est
aujourd'hui en mesure de répondre de façon claire à ces
interrogations d'ordre énigmatique, Claude Allègre soutient qu'il
faut rattacher à notre appréhension du destin de l'univers, une
marge considérable d'incertitude. Il
27 S.W. Hawking, Une brève histoire du
temps, Du big bang aux trous noirs, Flammarion, 1989, p 67
écrit : « Certes, il s'est sans aucun doute
produit une grande expansion il y a dix à douze milliards
d'années, et cette expansion est à l'origine de
l'éloignement des galaxies. Mais la nature de cette expansion est pour
l'instant du domaine de la spéculation ou, au mieux, du scénario.
Tout comme l'est le futur de l'univers. Qu'il soit actuellement en expansion
est une réalité physique qui ne semble guère contestable.
Mais le sera-t-il indéfiniment. ? » 28. Ce n'est ni
à travers la lecture des cartes, ni par l'imagination d'un esprit
surhumain, comme celui proposé par la fiction de Laplace, que nous
pouvons répondre à ces questions portant sur l'avenir de
l'univers.
Sans prétendre répondre de manière ferme
à ces interrogations, la cosmologie moderne souligne néanmoins
que les réponses à ces questions dépendent d'un certain
nombre d'hypothèses, que les astronomes et astrophysiciens ont
l'habitude de nommer par le concept de paramètres
cosmologiques. Sans prétendre apporter une réponse nette,
essayons de voir en quoi consistent ces paramètres
cosmologiques généralement regrouper au nombre de trois.
Le premier paramètre appelé paramètre
de Hubble, est lié à l'âge de l'univers. Ce
paramètre nous renseigne sur le rythme de réalisation des
évènements contenus dans l'univers. En effet, ce paramètre
détermine le temps que l'univers a pris dans son évolution pour
réaliser toutes les formes d'existence observées en son sein.
Dans cette logique de mesure d'âge, la cosmologie moderne
détermine l'âge de l'univers, dans une fourchette comprise entre
dix et vingt milliards d'années.
La question de l'âge de notre univers, est
abordée en cosmologie à travers trois méthodes
différentes. La première consiste à déterminer
l'âge de l'univers d'après le mouvement des galaxies. En effet,
tel que défini par Hubble, le mouvement des galaxies présume que
la vitesse d'expansion est proportionnelle à la distance à
laquelle se situe la galaxie. Il s'ensuit que, si une galaxie est deux fois
plus loin de nous qu'une autre galaxie, cela voudrait dire qu'elle
s'éloignera de nous deux fois plus vite que la seconde. En appliquant
cette méthode aux galaxies les plus lointaines de notre univers
observable, la cosmologie moderne détermine, par le calcul des vitesses
de ces galaxies, le point zéro correspondant à celui du
début de l'univers, à un moment situé entre quinze et
seize milliards d'années dans le passé.
La seconde méthode de calcul, s'appuie sur l'âge
des plus vieilles étoiles. Il s'agit à travers cette
méthode, de déterminer au sein des groupements d'étoiles,
la distribution de leurs
28 Claude Allègre, Introduction à une
histoire naturelle, Fayard, 2004, p 31
masses. Selon cette méthode, l'âge des plus
vieilles étoiles, est approximativement égal, à la
durée de vie de la plus grosse survivante. Comme pour la première
méthode, celle-ci donne un âge qui varie entre quatorze et seize
milliards d'années.
La troisième et dernière méthode,
concerne l'âge des plus vieux atomes. Cette méthode qui est la
plus technique de toutes les trois, procède par la détermination
des demi-vies des atomes. Par définition, la demi-vie d'un atome, est le
temps requis pour que dans une population innombrable d'atomes identiques, le
nombre de survivants diminue de moitié. Cette méthode postule que
l'atome d'hydrogène est le plus vieil atome, suivi de l'hélium
puis de l'atome de carbone etc. Comme les deux précédentes, cette
troisième méthode donne elle aussi un âge d'environ
quatorze milliards d'années. Ces trois méthodes scientifiques,
apportent la preuve une fois de plus de la théorie du big bang, vue
l'approximation des résultats observés. Sans perdre le fil
d'Ariane qui nous lie ici à la problématique du devenir de notre
univers, on voit que l'inexactitude des âges, manifestée par
l'étude du paramètre de Hubble, est due à notre ignorance
concernant la mesure exacte de la profondeur de l'univers.
Quant au deuxième paramètre
cosmologique, aussi appelé paramètre de
décélération, il postule que toutes les galaxies
subissent l'influence de l'attraction gravitationnelle de toute la masse
contenue dans l'univers, à savoir celle de la masse visible et celle de
la masse invisible. Selon ce paramètre donc, chaque galaxie est plus ou
moins freinée dans son mouvement d'éloignement : elle
décélère. On voit à travers ce paramètre que
le destin de l'univers reste incertain, du fait qu'on n'est pas encore en
mesure de déterminer avec exactitude la totalité de la masse de
l'univers. Cette ignorance est due au fait que d'une part, nos instruments
d'observations ne peuvent voir qu'à une certaine limite de
l'étendu de l'univers, et d'autre part, parce qu'il existe une
matière que nos méthodes d'observations ne sont pas en mesure de
voir. Cette matière étrange est appelée par les astronomes
sous le nom de matière noire. C'est dans cette catégorie
de matière que son placés les trous noirs,et tout ce qui est de
la même nature que ces derniers.
Enfin, examinons le troisième paramètre
cosmologique. Ce dernier paramètre est lié à celui
dit de décélération. Toutefois, loin de décrire le
phénomène de ralentissement de l'univers, ce paramètre
s'attaque à ce qui pourrait être la cause même de ce
ralentissement. Il s'agit pour ce paramètre, de définir la masse
ou plus exactement la densité de l'univers, d'où le nom de
paramètre de densité par lequel il est
désigné. En effet, selon ce paramètre, si la
densité de l'univers est inférieure au nombre critique de trois
atomes d'hydrogène par mètre cube, alors
son expansion ne s'arrêtera pas. Mais si au contraire la
densité est supérieure à trois atomes d'hydrogène
par mètre cube, alors l'univers sera condamné dans le futur
à s'effondrer sur luimême. Le big bang, sera suivi par
son effet contraire de contraction appelé big crunch, ce qui
signifie la grande implosion. Sans être absolues, les
études disponibles de nos jours, ont plus tendance à soutenir
l'idée d'une expansion infinie, plutôt que celle d'une
éventuelle contraction dans le futur. Car des études
approximatives faites sur la densité de l'univers, ont tendance à
montrer que l'univers est léger, c'est-à-dire qu'il ne comporte
pas le nombre des trois atomes d'hydrogène par mètre cube,
d'où la conclusion que celui-ci ne risque pas de s'effondrer sur
lui-même.
Après avoir fini avec la problématique que
soulève le destin de notre univers, essayons d'examiner les arguments
soutenus contre la théorie du big bang. Dans cette étude
des controverses, commençons par examiner celle soulevée par
Albert Einstein. Einstein, est celui qui mit fin au caractère rigide de
l'espace tel que celui-ci a été défini par Newton. En
effet, Newton affirmait que l'espace et le temps sont des absolus. Ils sont
indépendants de la matière qu'ils comportent. Selon lui l'espace
et le temps ne sont nullement affectés par le comportement des corps qui
se trouvent en leur sein. Selon Newton, le mouvement que la lune fait autour de
la terre sur son orbite, est un mouvement qui se détermine par
l'équilibre maintenu par deux forces égales et opposées :
la force de gravitation par laquelle la Terre attire la Lune, et la force
centrifuge par laquelle le lune tente de s'éloigner de la Terre.
L'équilibre de ces deux mouvements contradictoires, justifie donc selon
lui le mouvement circulaire de rotation que la Lune exerce autour de la
Terre.
Einstein s'opposera gravement à cette idée.
Selon lui, le Temps, l'Espace et la Matière ne peuvent pas être
considérés séparément, ils forment tous ensemble un
seul et unique contenu. Einstein va reconsidérer l'exemple cité
ci-dessus et dire, que la lune suit son orbite circulaire autour de la Terre,
parce que c'est la seule trajectoire possible, dans un espace courbé par
la gravité de la Terre. Ainsi, la présence de la matière
courbe l'espace qui se situe à son environnement immédiat.
L'espace est élastique, il peut s'étirer, se déformer se
tordre ou même se contorsionner suivant la gravité. Ce qui
implique la formulation de la relativité générale,
publiée en 1916 par Einstein.
Cette nouvelle théorie n'a pas convaincu, pendant ses
premiers mois, la sensibilité des scientifiques. Il a fallu attendre
trois années après sa publication, pour voir se réaliser
expérimentalement une des prédictions de cette théorie. En
effet, c'est l'astronome royal et
professeur à l'Université de Cambridge, Arthur
Eddington qui va, lors de la célèbre éclipse solaire de
1919, observer que la masse du Soleil courbe, comme Einstein l'avait
pensé, la trajectoire de la lumière des étoiles
lointaines. En effet, celui-ci constate que les rayons de lumières en
passant au cours de leur trajectoire près du Soleil, sont
légèrement perturbés par la présence du Soleil,
d'où ces rayons se trouvent légèrement courbés vers
l'intérieur du corps entravant. Cette expérience va une fois de
plus rendre plus célèbre Albert Einstein, car sa théorie
de la relativité générale est devenue une
vérité scientifique approuvée par l'expérience.
Seulement, la relativité
générale débouche sur des implications très
intéressantes. Ces dernières consistent à dire, que si
l'espace de l'univers est en mouvement de par son élasticité,
alors l'univers est soit en expansion ou en contraction. Einstein refusera
d'accepter cette conclusion, parce qu'il trouve que celle-ci est non seulement
contraire à ses conceptions philosophiques, mais aussi et surtout parce
que cette conclusion ne correspondait pas à ce qui était
observé pas les études astronomiques. Cet attachement à la
tradition encore dominée par la croyance à l'univers statique, a
poussé Einstein à modifier sa théorie de la
relativité générale en y introduisant un concept nouveau
appelé, constante cosmologique. Par ce concept, Einstein va
conférer à l'espace-temps la propriété de se
dilater. Cependant cette tendance innée à s'étendre sera
selon Einstein, contre carrée par l'attraction de toute la
matière de l'univers ; de sorte que les tendances d'expansion et
d'attraction, lorsqu'elles s'annulent dans un équilibre parfait,
finissent par maintenir l'univers dans un état statique. Il est possible
de dire dés lors que la constante cosmologique, est une sorte
de nouvelle force d'anti-gravité. C'est pourquoi, lorsque
Einstein apprendra plus tard, la découverte par Hubble de l'expansion de
l'univers, il qualifiera son introduction de la constante cosmologique de
« plus grosse erreur de sa vie ».
Parallèlement à la théorie du Big bang,
d'autres modèles scientifiques d'univers se sont formés et
développés. Ces derniers n'ont pas eu les mêmes
succès que la théorie du big bang, mais en tant qu'ils sont des
hypothèses sur l'univers, ils méritent néanmoins
d'être étudier. Parmi ces modèles, nous allons ici retenir
le modèle dit d'état stationnaire, parce qu'il est non
seulement le plus célèbre mais aussi le concurrent le plus
sérieux de la théorie du big bang.
Soutenu vers les années 1948 par Herman Bondi, Thomas
Gold et Fred Hoyle, le modèle de l'état stationnaire
s'est posé comme une théorie rivale du big bang.
Basée sur la notion de principe cosmologique, un des postulats
de la relativité, la théorie de l'état
stationnaire
postule que l'univers doit être homogène et
isotrope, c'est-à-dire identique à lui-même en tout lieu et
dans toutes les directions.
Inspiré de l'hypothèse Einsteinienne de la
constante cosmologique, la théorie de l'état stationnaire
ira beaucoup plus loin que Einstein, et va, à la suite de ce
dernier, formuler ce qui est communément reconnu comme étant le
principe cosmologique parfait. Selon ce principe, l'univers est immuable aussi
bien dans l'espace que dans le temps. Ce modèle conclut que l'univers
est de tout temps semblable à lui- même : il est stationnaire.
Ainsi donc, la théorie de l'état stationnaire rejette
les notions d'évolution et de changement dont nous savons, qu'elles sont
au fondement même de la théorie du big bang. En complément
nous dit l'astrophysicien anglais Stephen.W Hawking, la théorie de
l'état stationnaire suggère que « tandis que
les galaxies s'éloignent de plus en plus les unes des autres, de
nouvelles galaxies se forment dans les interstices à partir d'une «
création continue » de matière. L'univers
aurait donc toujours à peu près la même
allure à tous les moments du temps et sa densitéserait
en gros constante. »29
Ce modèle de l'état stationnaire va
cependant s'opposer aux données de l'expérience. D'abord par son
principe de la création continue, ce modèle supposait
que les galaxies sont de nos jours plus nombreuses qu'elles ne l'ont
été dans le passé ; ce qui vraisemblablement n'est pas
vrai si nous nous référons à ce que nous montrent les
observations. En effet l'astronome Martin Ryle et ses collaborateurs, ont
montré par l'observation des radio sources, que le nombre de galaxies a
dû être plus grand dans le passé, qu'il ne l'est
actuellement ; observation qui de ce fait contredit le modèle de
l'état stationnaire.
La deuxième incohérence dont fait preuve cette
théorie de l'état stationnaire, est liée à
l'homogénéité prétendue que cette théorie
postule. Contrairement à ce qui prétendait l'état
stationnaire, à savoir que l'univers est de tout temps semblable
à lui-même, Penzias et Wilson prouvent en 1965 que l'univers
était très dense et très chaud dans ses premiers moments.
La preuve nous disent Penzias et Wilson, c'est que le rayonnement fossile qui
baigne l'univers dans toutes ces directions, est une relique de la chaleur
infernale qui a accompagné l'avènement du big bang. Cette chaleur
dont la température est aujourd'hui de trois degrés
absolus, a décru par l'effet de l'expansion de l'univers, qui
impose irréductiblement la dilution et le refroidissement. Cette
découverte astronomique a donc fini par sonner le glas de
29 S.W. Hawking. Commencement du temps et fin de
la physique, Flammarion, 1992, p 106
la théorie de l'état stationnaire. Le
big bang s'impose désormais comme la théorie
scientifique la plus probable de l'univers.
En effet, malgré la résistance qu'elle a connue
chez certains astronomes et astrophysiciens, la théorie du big bang est
devenue le nouveau langage commun, la nouvelle représentation du monde ;
en un mot la mélodie la plus récente de l'histoire de la musique
de l'univers. En moins d'un demi-siècle, la théorie du big bang
est devenue le paradigme de la cosmologie moderne, c'est-à-dire la
théorie à partir de laquelle sont conçus et
planifiés les projets et les observations astronomiques. Cette
théorie du big bang doit son charme sans aucun doute, à la
capacité qu'elle a de prédire et de rendre cohérentes,
toutes les découvertes et observations scientifiques. Parmi les
prédictions et les faits que la théorie du big bang permet
d'expliquer on peut citer : la permanence du rayonnement fossile, l'abondance
de l'hélium dans l'univers, la quasi correspondance entre les
âges, des plus vieilles étoiles et des plus vieux atomes, la fuite
des galaxies etc. à ce propos nous pouvons affirmer : « Avec le
big bang, l'univers prend une dimension historique. On peut parler maintenant
d'une histoire de l'univers, avec un commencement et une fin, un passé,
un présent et un futur. L'univers Newtonien statique, immuable et
dépourvu d'histoire est relégué au rang des univers
moribonds »30
De même que la conception historique de l'univers a mis
fin à l'univers statique et éternel de la mécanique
classique, de même la théorie du big bang a aussi mis fin à
l'image réversible du temps, soutenue par la dynamique newtonienne.
Désormais on sait qu'à tous les égards, la nature comporte
une flèche du temps unidirectionnel. Le temps est
irréversible. La distinction entre passé, présent et futur
n'est pas seulement un constat psychologique comme le croyait Saint Augustin,
elle est un phénomène profondément réel.
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