De la certification et de la traçabilité des ressources naturelles transfrontalières: cas du gaz méthane du lac Kivu( Télécharger le fichier original )par Serge NYAKADEKERE NKUNZI Université' de Goma - Licence en droit public interne et international 2010 |
1.2. Le régime juridique dérogatoire de la FrontièrePhénomène particulier en droit international, la frontière bénéficie d'un régime juridique largement dérogatoire au droit commun. Alors que le droit est absent de la formation de la frontière terrestre, elle va être juridiquement très protégée lorsque son établissement est reconnu. Son inviolabilité, son intangibilité, sa stabilité sont protégées par un caractère objectif qui fait des traités de frontières des accords hors norme de la sphère internationale. v La frontière est inviolable. Tel est le concept de base qui alimente toutes les relations internationales contemporaines dont le droit est le reflet. Elevée tacitement au rang d'un principe impératif des normes du jus cogens au moment de la guerre du Golfe et de l'invasion du Koweït par l'Irak, l'inviolabilité de la frontière jouit d'une reconnaissance unanime tout en restant un concept parfois flou. Dans sa forme la plus simple, l'inviolabilité vise à interdire le franchissement par un Etat recourant à l'emploi de la force de la frontière d'un autre Etat en vue de porter atteinte à sa souveraineté. L'inviolabilité est avant tout le corollaire d'une exigence substantielle en droit international : L'intégrité territoriale des Etats, elle-même corollaire de l'interdiction du recours à la force dans les relations internationales. L'inviolabilité des frontières représente l'application du non recours à la force pour le respect de l'intégrité territoriale, ce que traduit l'article 2 paragraphe 4 de la charte des Nations-Unies. v L'intangibilité de la frontière Elle représente la vocation à la stabilité de la frontière. Il s'agit de rendre impossible la remise en cause de frontières existantes, ce qui correspond également à l'immuabilité parfois invoquée. A la différence de l'inviolabilité, l'intangibilité est un principe protecteur limité dans la mesure où un accord entre Etats permet de modifier pacifiquement une frontière68(*). Si le traité protégeant la frontière laisse peu de place à des modifications de frontières lors de successions d'Etats, le régime juridique des traités de frontière parachève la carapace juridique qui fait de la frontière internationale un concept très protégé par le droit international. Dans ce sens on a pu considérer que les frontières sont d'une nature particulière en ce qu'elles conservent une existence séparée des traités qui les ont créées. Les conventions de codification et la jurisprudence confirment ce particularisme. La convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 indique, à son article 62 paragraphe 2 qu'un traité établissant une frontière constitue une exception à l'invocation de la clause de changement fondamental de circonstances « rebus sic stantibus » admise dans les traités ordinaires69(*). Quant à la convention de Vienne sur la succession d'Etats en matière de traités du 22 Août 1978, elle exclut, dans ses articles 11 et 12, la possibilité de remettre en cause les régimes frontaliers et autres régimes territoriaux. Les accords frontaliers dérogent, par conséquent, aux traités ordinaires et ont un caractère objectif qui se fonde sur le respect du principe général de l'intégrité territoriale des Etats. Par là même ils dérogent à l'effet relatif des traités à l'égard des tiers « res inter alios acta »70(*). La jurisprudence confirme ce caractère particulier. Selon la CIJ, quand un traité existe et qu'il fournit un titre incontestable, ce traité est suffisant pour la détermination de la frontière. On trouve une consécration éclatante de cette rigueur dans l'affaire du différend territorial entre le Tchad et la Libye puisque la Cour affirme : « une frontière établie par traité acquiert ainsi une permanence que le traité lui-même ne connaît pas nécessairement. Un traité peut cesser d'être en vigueur sans que la pérennité de la frontière en soit affectée71(*). Il existe donc une claire dissociation entre la détermination de la frontière et le sort des traités qui l'ont établie : la frontière survit même si le traité disparaît. Cette protection pourrait faire croire à la disparition des conflits frontaliers, le paysage étant figé, la réalité demeure différente. * 68 Philippe pondaven, Op.cit., p.40. * 69 François Schröter, Les systèmes de délimitation dans les fleuves internationaux, annuaire français de droit international, vol 38, 1992, pp.948-982. * 70 Idem ,p986. * 71 CIJ, Rec 1994, p.37. |
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