Paragraphe II : Les instruments régionaux africains
des droits humains.
Il convient de souligner ici que nous ne ferons état
que de deux instruments africains des droits humains à savoir la Charte
Africaine des Droits et du Bien Etre de l'Enfant de 1990 et le Protocole
à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples relatif aux
Doits des Femmes en Afrique (encore appelé Protocole de Maputo du 11
juillet 2003).
D'abord, la Charte Africaine des Droits et du Bien Etre de
l'Enfant de 1990 dispose en son article 1 paragraphe 1 que : « Les Etats
membres de l'Organisation de I' Unité Africaine, parties à la
présente Charte, reconnaissent les droits, libertés et devoirs
consacrés dans la présente Charte et s'engagent à prendre
toutes les mesures nécessaires, conformément à leurs
procédures constitutionnelles et aux dispositions de la présente
Charte, pour adopter toutes les mesures 1égislatives ou autres
nécessaires pour donner effet aux dispositions de la présente
Charte. » A la lecture de cet article on ne sent pas trop une
volonté de contraindre les Etats parties à respecter leurs
engagements vis-à-vis de ses dispositions relatives aux pratiques
traditionnelles nuisibles à l'instar du mariage précoce, qui a
des effets néfastes sur la société et sur les femmes et
les enfants en particulier. Car le mariage d'enfants a toujours comme
corollaires la violation des droits fondamentaux et primaires de ces derniers.
Il est donc important de préciser que cette Charte n'échappe pas
à la critique qui frappe presque tous les traités internationaux
à savoir l'absence de contrainte afin d'obliger les Etats parties
à respecter leurs engagements. Par ailleurs même si on nous
opposera l'application du principe de Droit International Public qui voudrait
qu'on n'oblige pas les Etats à exécuter leurs engagements
relatifs aux Conventions internationales contre leur gré ; mais force
est de reconnaitre que ce principe est une entrave à
l'efficacité
des traités universels et régionaux des droits
humains. Ainsi à travers l'article 1 paragraphe 1, de cette Charte on
retrouve des recommandations pertinentes mais qu'en est il si toutefois les
Etats parties ne les appliquent pas ou les violent ce qui est très
souvent le cas surtout en matière de respect des droits de la femme et
de l'enfant en l'occurrence la violation des dispositions régionales
relatives aux pratiques traditionnelles nuisibles dont le mariage
précoce. Nos gouvernements sont confrontés à une
application qui n'est pas conforme aux dispositions qui émanent des
instruments régionaux des droits humains soit parce
qu'ils n'ont pas la volontépolitique ou qu'ils n'ont pas les
moyens et la logistique nécessaires, soit c'est la forte
pression de la tradition et de la religion qui constitue un
obstacle à l'application des Conventions internationales. Au demeurant,
vue la gravité des conséquences du mariage précoce sur les
femmes, les enfants, l'économie, l'éducation et le
développement du Sénégal les instruments internationaux
des droits humains devraient jouer un rôle important en incitant nos
Etats à être forts pour l'application des mesures prises au niveau
international. Mais au paravent il faudra gagner le pari de la lutte contre ce
qui est convenu d'appeler les obstacles à l'application des normes
universelles dans l'ordre juridique national. Il est important de souligner que
l'application parfaite des normes internationales des doits humains pourra
être le déclencheur d'une lutte efficace afin de mettre un terme
à la pratique du mariage précoce si toutefois nous nous fions par
exemple à l'article 21, paragraphe 1 et 2 dispose que : « Les
mariages d'enfants et la promesse de jeunes filles et garçons en mariage
sont interdits et des mesures effectives, y compris des lois, sont prises pour
spécifier que l'âge minimal requis pour le mariage est de 18 ans
et pour rendre obligatoire 1'enregistrement de tous les mariages dans un
registre officiel.
Les Etats parties à la présente Charte prennent
toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et les pratiques
négatives, culturelles et sociales qui sont au détriment du
Bien-être, de la dignité, de la croissance et du
développement normal de 1'enfant, en particulier. » La lecture de
cet article nous permettra d'affirmer sans risque de se tromper que si on
parvient à faire respecter ces dispositions de droit international on
aura fait un pas important du point de vue juridique afin de mettre un
terme au phénomène de la pratique du mariage
précoce.
Enfin nous avons également le Protocole à la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples relatif aux Doits des
Femmes en Afrique (encore appelé Protocole de Maputo du 11 juillet
2003), qui dispose respectivement en ses articles 5- d et 6-b que : «...
Protéger les femmes qui courent le risque de subir les pratiques
néfastes ou toutes autres formes de violence, d'abus et
d'intolérance. » (art.5-d)
« ...L'âge minimum du mariage pour la fille est de
18 ans. » (art.6-b). En revanche, les dispositions de l'article 5-d n'ont
pas expressément nommé le terme générique de
mariage précoce mais partout où l'on parle de violence et de
pratiques traditionnelles nuisibles à l'égard des femmes et des
enfants on ne pourra pas faire abstraction de l'excision et du mariage
précoce. Par conséquent, les Etas signataires ou adhérents
au Protocole de Maputo sont tenus de lutter par la voie législative
contre ces pratiques nuisibles en particulier contre le mariage précoce.
L'article 6-b est plus précis même s'il n'emploie pas le terme
mariage précoce il a énoncé l'essentiel si non le plus
important c'est-à-dire le fait de fixer l'âge minimum requis pour
se marier à 18 ans pour la femme et par conséquent si on
parvenait à ce que toutes les filles se marient désormais
à partir de 18 ans les mariages précoces ne seront plus que de
mauvais souvenirs lointains. Et contrairement à d'autres traités
internationaux le Protocole de Maputo dans son préambule a
déclaré : «...Le Protocole exige des gouvernements africains
l'élimination de toutes formes de discrimination et de violence à
l'égard des femmes... » Du reste, pour nous le terme exige
a bien sa signification par rapport à d'autres termes comme :
reconnaissance, permet, assure, s'engage et respecte que l'on retrouve dans
d'autres traités à l'instar de la Charte Africaine des Droits et
du Bien Etre de l'Enfant de 1990. Le Protocole de Maputo a le mérite
d'exiger des Etats parties le respect de leurs engagements relatifs à ce
Protocole, qui déclare également : « En outre, il les
contraint à les intégrer à leurs décisions
politiques, à leur législation... » Le Protocole de Maputo
n'entent pas seulement exiger mais est allé même jusqu'à
contraindre les Etats parties au respect et à l'application de ses
dispositions surtout celles relatives au mariage d'enfants. Par ailleurs
même si ce Protocole n'est pas parvenu à mettre en place des
mécanismes
juridiques afin d'obliger les Etats parties à tenir
leurs engagements, il a eu le mérite d'utiliser les termes
exiger et contraindre ce
qui n'est pas toujours le cas dans les Conventions internationales. Il est
important de préciser que pour une lutte efficace contre les pratiques
traditionnelles nuisibles surtout aux femmes et aux enfants et plus
précisément contre le mariage précoce, ne faudrait-il pas
avoir le courage d'incorporer dans les Conventions internationales des
mécanismes sanctionnant économiquement les Etats parties
récalcitrants à l'application et au respect des normes
internationales relatives au mariage d'enfants ?
En effet, après l'analyse de la loi nationale et des
Conventions universelles et régionales, il serait opportun de voir les
incidences jurisprudentielles et doctrinales.
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