SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE : le système de contrôle
endogine des finances locales Chapitre I : le contrôle politi que des
finances locales Chapitre II : le contrôle administratif interne des
finances locales
DEUXIEME PARTIE : le système de contrôle
exogine des finances locales Chapitre I : la diversification du
contrôle administratif externe des finances locales Chapitre II : le
contrôle juridictionnel des finances locales
SIGLES ET ABREVIATIONS
ARMP : Autorité de régulation des
marchés publics CCL : code des collectivités locales CL :
collectivité locale CMP code des marchés publics COCC :
code des obligations civiles et commerciales MP : marché
public DCMP : Direction centrale des marchés publics DGCPT :
Direction générale de la comptabilité publi que et du
trésor IGE : Inspection générale d'Etat IGF :
Inspection générale des finances
LE CONTROLE DES FINANCES LOCALES
Le choix d'une administration décentralisée,
destinée a favoriser l'expression des spécificités
locales, dans le respect du principe de l'indivisibilité du
territoire1, a été très tôt
opéré au Sénégal.
En effet, conscient de la nécessité d'une prise
en charge des problèmes socio-économiques au plan local, pour
favoriser un développement harmonieux et durable sur l'ensemble du
territoire, les autorités politiques ont poursuivi la politique de
décentralisation enclenchée avant l'accession du pays a la
souveraineté internationale2. Le processus a
été lent, marqué par une prudence du pouvoir politique,
mais il a abouti en 1996 a une réforme ambitieuse définissant un
nouveau cadre juridique3 et institutionnel d'administration des
collectivités locales.
Au plan institutionnel, la région est crée pour
servir de relais entre l'Etat et les collectivités locales
préexistantes dans la programmation du développement
économique social et culturel4.
Sur le plan fonctionnel, les compétences des
collectivités locales sont élargies et parallèlement cela
entraine un besoin supplémentaire de ressources
budgétaires5.
La réforme accroit la liberté d'action des
collectivités locales par la suppression du principe de la tutelle
administrative, financière et technique.
En matière budgétaire, les collectivités
locales jouissent de l'autonomie financière (même si elle est
restreinte)6 leur permettant de poursuivre, au coté de
l'Etat, les objectifs de développement économique social et
culturel.
1 Le préambule de la constitution du 22 janvier
2001 proclame le principe de l'intégrité du territoire et de
l'unité nationale considérés comme intangible.
2 Mouvement de communalisation des
agglomérations urbaines dès le XVIII siècle
3 Plusieurs lois et décrets ont
été adoptés. Entres autres on peut citer les lois 96-06 et
96-07 du 22 mars 1996 portant respectivement Code des collectivités
locales et transfert de compétences a ces dernières. Voir a ce
propos le recueil des textes de la décentralisation, République
du Sénégal, Ministère de l'intérieur,
édition novembre 2003
4 Exposé des motifs du CCL
5 Neuf domaines de compétences sont
transférés aux collectivités locales (loi 96-07 du 22 mars
1996 ).il s'agit : Domaine ; Environnement et gestion des ressources naturelles
;Santé, population et action sociale ; Jeunesse, sports et loisirs ;
Culture ; Education ; Planification ; Aménagement du territoire ;
Urbanisme et habitat
6 Les collectivités locales dépendent
encore beaucoup de l' Etat pour combler leurs ressources financières.
Elles sont tenues d'inscrire dans leurs budgets un certain nombre de
dépenses dites obligatoires ; ce qui limite leur liberté dans le
choix de leurs dépenses. En France le conseil constitutionnel a
considéré dans sa décision n°90- 274 du 29
ami 1990 que la possibilité d'inscription des dépenses
obligatoires ne devait pas conduire a une restriction de l'autonomie locale. En
outre elles ne sont pas des acteurs de la procédure fiscale locale.
Elles ne sont que bénéficiaires des impôts locaux
C'est ainsi qu'elles préparent, votent et exécutent
leur budget, tout comme elles déterminent, seules, l'opportunité
des dépenses qu'elles effectuent7.
Toutefois, cette autonomie financière ne peut s'exercer
que dans le respect des règles budgétaires et comptables dont est
garant le contrOle des finances locales.
La notion de "finance'' émane du vieux francais «
finer » qui a la m.me étymologie que le verbe « finir ».
Celui- ci signifiait au moyen age la fin d'une transaction contractuelle
généralement concrétisée par le paiement d'un prix.
Elle n'était toutefois pas synonyme de "monnaie'' car cette
dernière n'était que l'un des moyen offert pour payer la
transaction8.
Aujourd'hui cette notion a un caractère
polysémique qui dépend de son nombre ou des acteurs qu'elle
concerne.
On distingue alors la finance des finances publiques et ces
dernières des finances privées
La finance désigne « l'ensemble des
professions ayant pour objet l'argent et ses moyens représentatifs,
notamment les valeurs mobilières. On parle ainsi de « monde des
finances » pour désigner les milieux bancaires, les compagnies
d'assurance et surtout la bourse ».
A l'opposée, les finances publiques renvoient aux
deniers des organismes généralement publics qui ne sont pas (ou
totalement pas) soumis a la logique du marché9.
Les finances publiques se distinguent également des
finances privées. Celles-ci sont relatives aux deniers des personnes
privées tels que les particuliers et les entreprises privées.
Elles poursuivent un but d'intéret privé contrairement aux
finances publiques. Les personnes privées couvrent leurs dépenses
sur la base de leur revenu a la différence des personnes publiques dont
les ressources sont essentiellement d'origine fiscale et domaniale
Les finances publiques ont été longtemps
définies selon le critère organique. Elles concernaient alors les
finances des personnes morales de droit public (Etat, collectivités
locales, établissements publics)
Au demeurant, elles étaient réduites aux seules
finances de l'Etat. C'est pourquoi Gaston J EZ E les définissait comme
« l'étude des moyens par lesquels l'Etat se procure les
ressources nécessaires ! la couverture des dépenses publiques
». Une telle définition a pu valoir dans un contexte
marqué par la centralisation du pouvoir en France.
Cependant, avec le décret du 31 mai 1862, les personnes
publiques gestionnaires des finances publiques se diversifient. En effet
celui-ci dispose : « les derniers publics sont les derniers de l'Etat,
des départements, des communes et des établissements publics
».10
7 Article 3 du CCL
8 Michel LASCOMBE, Xavier VAND ENDRI ESSCH E, les
finances publiques, 5ème éd, p 1
9 Ibid.
Pour la doctrine, les derniers publics recouvrent aussi bien ceux
des organismes publics « les fonds et valeurs appartenant aux
organismes publics» et les deniers privés
règlementés.
Le décret de 1962 marque l'adoption de la conception
matérielle, qui met l'accent sur les règles et opérations
relatives aux deniers publics comme critères des finances
publiques."
Par ailleurs, il élargit le champ de ces dernières
en y incluant les deniers des collectivités locales. De ce fait il
marque la consécration réglementaire des finances locales.
Les finances locales sont singulièrement difficiles a
définir. Elles sont rattachées aux collectivités locales,
personnes morales de droit public bénéficiant de l'autonomie
financière. De ce fait, elles constituent une des composantes des
finances publiques. Ainsi dans une approche déductive, les finances
locales peuvent etre définies comme l'ensemble des règles et
opérations relatives aux deniers des collectivités locales. Les
finances locales ont connues une évolution massive liée aux
transferts de compétences. En effet, ceux-ci mettent a la charge de
l' Etat l'obligation d'octroyer aux collectivités
locales des ressources financières additionnelles qui puissent
assurer leur plein exercice. Cette évolution traduit la vision politique
du chef de
l' Etat en 1996 qui voulait davantage responsabiliser les
collectivités locales. En contrepartie
l' Etat veille a la bonne gestion de ces ressources en exercant
un contrOle.
Le concept de ''contrOle'' fait partie des termes dont le
contenu demeure encore imprécis. En effet, rares sont les auteurs qui se
sont évertués a lui donner un sens exact. 1l est employé
dans une acception large en fonction de l'orientation choisie. C'est dans ce
sens qu'on oppose le contrOle hiérarchique au contrOle de tutelle. Le
premier désigne l'exercice du pouvoir hiérarchique du
supérieur sur le subordonné. Le second renvoie au contrOle de l'
Etat sur les collectivités décentralisées. On parle
également de contrOle administratif, politique ou juridictionnel. Dans
ces cas, le contrOle est défini en fonction de l'organe qui l'exerce. 1l
est alors exercé soit par un organe administratif, soit par un organe
politique ou par un organe juridictionnel.
Au demeurant, aucun de ces types de contrOle, pris isolement,
ne suffit a cerner l'essentiel du contrOle des finances locales, dont le champ
ne saurait etre réduit a un type de contrOle, compte tenu de sa
diversité.
D'oii la nécessité de trouver une
définition large pouvant permettre de tenir compte de
la diversité des corps de contrOle. Dans ce sens, on peut retenir la
définition du Larousse selon laquelle le contrOle est une
vérification, un examen, une surveillance de certains actes ou de
10 Mouhamed Fall, cours de finances publiques, FSJP,
2006
11 Ibid.
certains faits. Satisfaisante en raison de sa
généralité, cette définition présente une
limite relative aux critères du contrOle .Pour palier a cette
insuffisance, on peut retenir le schéma de Fabre, Francis. J selon
lequel trois critères peuvent etre retenus en matière de contrOle
des finances publiques12.
Le premier repose sur la régularité : il s'agit
alors de vérifier la conformité d'un acte ou d'une gestion avec
les règles de droit applicables a cette gestion.
Le deuxième critère repose sur les principes
généraux d'une saine gestion qui transcendent la loi et le
règlement. Ceux-ci doivent inspirer les responsables des gestions
publiques et parapubliques dans l'interprétation des textes, afin de
permettre leur adaptation a l'évolution des besoins ou parer a l'absence
de textes.
Le dernier critère repose sur la qualité de
gestion : le contrOleur cherchera alors a apprécier, ~ la lumière
des informations et des connaissances dont il dispose, la rationalité
économique de la politique financière. Il s'efforcera, par
exemple, de vérifier si les prévisions budgétaires sont
compatibles avec les objectifs fixés.
Le système de contrOle des finances locales tel qu'il est
concu au Sénégal repose essentiellement sur la
légalité et la régularité budgétaire.
La légalité vise a assurer la conformité
des documents et des opérations budgétaires aux lois nationales.
Quanta la régularité elle repose aussi sur l'idée de
conformité mais de manière spécifique par rapport aux
règles applicables en la matière.
Au demeurant, certains organes de contrOle disposent de larges
pouvoirs leur permettant d'examiner la qualité de la gestion
financière : c'est le cas de l'I.G. E mais aussi de la Cour des
comptes.
Le contrOle s'applique aussi bien aux budgets qu'aux comptes.
Les budgets sont de deux sortes : il s'agit du budget primitif et budget
additionnel encore appelé autorisation spéciale. Le budget
primitif prévoit et autorise, pour une année financière,
l'ensemble des recettes et des dépenses de la collectivité locale
concernée. Il a un caractère obligatoire. Quant au budget
additionnel, il intervient, en cours d'année financière, pour
modifier les prévisions initiales. Il est facultatif. Le contrOle
relatif aux budgets concerne aussi bien les documents budgétaires que
les opérations de mise en ceuvre.
Tout comme les budgets, les comptes sont également au
nombre de deux : le comptes administratif et le compte de gestion.
12 Francis. J FABRE, le contrOle des finances
publiques, P.U.F, 1968, p9 et s
Le compte administratif est établi par l'ordonnateur. Il
donne sous forme synthétique l'état des prévisions et des
réalisations du budget de l'année
clOturée13.
Le compte gestion, établi par le comptable, retrace la
situation au début de la gestion établie sous la forme d'un plan
d'entrée, les opérations de débit et de crédit, la
situation a la fin de sa gestion.14
En somme, le contrOle des finances locales vise a assurer a
titre essentiel la légalité et la régularité dans
La conception et la mise en ceuvre des budgets des collectivités locales
même si même l'on note une expérimentation du contrOle de la
qualité de la gestion.
Au regard de ce qui précède, le contrOle des
finances locales est entendu au sens du contrOle qui s'exerce sur les deniers
des collectivités locales. Certes l'autonomie financière n'est
pas spécifique aux collectivités locales. Leurs
établissements publics et les services décentralisés de
l'Etat en sont également dotés ; ce qui leur soumet aussi au
contrOle de leurs deniers. Au demeurant le contrOle des finances locales
interpelle au premier plan les collectivités locales d'une part et
d'autres fait appelle généralement aux mêmes
procédures pour toutes ces collectivités dotées de
l'autonomie financières. D'ou le choix des collectivités locales
comme champ d'application du contrOle
Le contrOle des finances locales est marqué par la
diversité des acteurs ayant des compétences et des pouvoirs
différents, intervenant au moyen de procédés divers et
qui, parfois, entretiennent de relations a des fins de coordination de leur
mission de contrOle.
IL est donc fondamental d'identifier les organes
chargés de la surveillance des finances locales. Il est tout aussi
essentiel de voir quelles sont leurs compétences, les pouvoirs, les
moyens dont-ils disposent pour exercer de manière efficace ou non les
missions qui leur sont dévolues. En outre, le contrOle des finances
locales se heurte a un certain nombre de difficultés qu'il faudra
déceler afin de voir comment y remédier. En somme il s'agit
d'analyser les procédures de contrOles des finances locales et
éventuellement d'apprécier leur d'efficacité.
Par ailleurs, la limitation de l'autonomie financière
des collectivités, par le biais du contrOle de leurs finances,
revêt une importance particulière. En effet, cette surveillance
permet de préserver deux impératifs a savoir,
l'intérêt national et la protection des
administrés.15
13 Ibrahima MBAYE, cours de finances locales
14 Raymond MUZ ELLEC, finances locales, Dalloz
2ème éd, 1995, p 53
15 Louis TROTABAS, J-M COTTERET, finances publiques,
Dalloz, 3ème éd, 1969, p52 et s
Le premier prévaut sur l'ensemble du territoire
national et peut se heurter aux intérêts particuliers des
collectivités locales, d'oU la nécessité d'un organe
extérieur a celles-ci pour veiller a la sauvegarde des
intérêts nationaux. Ainsi, le contrOle finances des locales permet
d'assurer l'effectivité de la législation budgétaire et
comptable nationale sur tout le territoire. Le second impératif est
relatif a la protection des contribuables. En effet la gestion
financière des élus locaux peut a certains égards etre
préjudiciable aux habitants de leurs localités. 1l en est ainsi
lorsque les ressources budgétaires sont utilisées a des fins qui
ne cadrent pas avec l'autorisation initiale : propagande politique de la
majorité au pouvoir, utilsation des ressources a des fins
extérieures a la localité, détournements des deniers
publics locaux... Dans tous ces cas qui ne sont qu'indicatifs, le contrOle des
finances locales permet de protéger les administrés, dans la
mesure ou ils sont les premiers pourvoyeurs de ressources, surtout pour la
section fonctionnement, par le biais des impOts et des taxes.
Le contrOle des finances locales peut etre abordé sous
plusieurs angles :
Selon le moment oil il est exercé on parlera de
contrOle a priori, de contrOle concomitant et de contrOle a postériori.
Le premier intervient avant l'exécution, le deuxième en cours
d'exécution et le dernier après l'exécution du budget.
Selon la nature du contrOle : on aura alors le contrOle
administratif, politique ou juridictionnel.
Ces classifications présentes des insuffisances pour
mener une étude exempte de tout risque de confusion. En effet le
critère temporel n'est pas exclusif, certains organes interviennent ~ la
fois de manière concomitante et a postériori ou a priori et en
cours d'exécution ou tout au long de l'année financière.
Cela est valable pour le critère fondé sur la nature dans la
mesure ou certains organismes exercent des contrOles qui ne leur sont pas
spécifiques. C'est le cas de la Cour des comptes qui exerce, en plus du
contrOle juridictionnel des comptes, un contrOle administratif.
C'est pourquoi le contrOle sera abordé selon qu'il est
exercé au plan interne ou au plan externe. Le contrOle interne est
assuré par des organes propres a la collectivité locale et des
organes dont la compétence territoriale s'étend a la
collectivité locale concernée. Le contrOle externe, a
l'opposée, est assuré par des organes centraux, extérieurs
aux collectivités locales. Ces corps de contrOle forme un ensemble
dynamique dans l'exercice de leurs missions faisant naitre un véritable
système.
En conséquence nous verrons le système de contrOle
endogène (première partie) avant d'analyser le système de
contrOle exogène (deuxième partie)
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