Démocratie et pouvoirs coutumiers dans les chefferies du Haut-Uélé en RDC( Télécharger le fichier original )par Félix-Amand et Dieudonné FUFULAFU ZANIWE et BUAGUO MOSABI Université de l'Uélé - 2012 |
2. La démocratie et les chefferiesBraibant dit : « la démocratie est à l'oeuvre à chaque fois que sont réellement amoindries ou abolies les asymétries de puissance sociales qui empêchent le grand nombre de prendre part à la définition de son destin et à la totalité du « demos » (peuple) d'exercer effectivement son « cratos » (pouvoir) »14(*). Le vent de la démocratie, baptisé de « perestroïka (restructuration) et glasnost (transparence dans la gestion) », qui a soufflé en Europe de l'Est et qui a fini par atteindre la République du Zaïre le 24 avril 1990 a mis fin au régime de parti unique du Zaïre. Cependant, les effets de la démocratie ne se font pas voir dans les chefferies. Les pratiques enracinées dans les chefferies et les pouvoirs héréditaires selon les normes des coutumes ne sont pas démocratiques. Aujourd'hui, la démocratisation est une opportunité d'égalisation des chances d'accès aux biens ou des positions au sein d'une société donnée15(*). Mais dans les chefferies un certain nombre de faits, qui vont à l'encontre de la démocratie, peuvent être répertoriés. Epinglons quelques-uns. 2.1. Monopolisation du pouvoir politiqueEn ce moment où il est question de la démocratie en RD Congo, deux pouvoirs sont en dichotomie. Il s'agit du pouvoir moderne détenu par les chefs élus et /ou nommés et du pouvoir traditionnel détenu par les chefs coutumiers des chefferies, de groupements et de villages. Au lieu que les citoyens aient une chance égale pour accéder au pouvoir et à la gestion de la chose publique, dans les chefferies traditionnelles, les chefs coutumiers accèdent au pouvoir par hérédité, notamment dans les chefferies, groupements et villages. Ceci constitue certes des inégalités sociales entendues comme des différences de statut, de revenu ou de profession par lequel on fait apparaitre des avantages ou des handicaps liés à l'appartenance à tel ou tel groupe, à la position dans la stratification sociale16(*). Dans les chefferies, les membres de la famille régnante jouissent d'une manière tacite de certains privilèges que les autres citoyens n'ont pas. Mentionnons à titre d'exemples exemption des taxes, consommation des prémices de fruits de chasse, de vin de raphia, certaines faveurs devant les tribunaux coutumiers, etc. 2.2. Absence des organes délibérants dans les chefferiesIl se pose dans les chefferies le problème de l'implantation des organes délibérants à côté de l'exécutif des pouvoirs traditionnels. Le pouvoir coutumier a connu seulement la présence de l'assemblée délibérante à côté de l'exécutif des chefferies à partir de 1982 avec la loi N° 82/006 du 25 février 1982 portant organisation territoriale, politique et administrative Mais la présence de cette assemblée fut d'une durée éphémère jusqu'aux environs de 1987. C'est depuis plus de deux décennies que les chefs de chefferies dirigent seuls ces circonscriptions. Ils sont chefs de l'exécutif. Ils président le cas échéant les tribunaux coutumiers. Ils conçoivent et exécutent le budget. Ils émettent unilatéralement des décisions. Ils apprécient les faits selon leurs grés. La solution semblait être trouvée à ce problème avec la loi N°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation des entités territoriales décentralisées et leur rapport avec l'Etat et les provinces. Les principales innovations de cette loi à propos des chefferies sont le fait qu'elles sont dotées des organes tels que le Conseil et le Collège exécutif. Malheureusement, malgré ces innovations, toutes ces dispositions ne sont pas encore appliquées et le problème demeure toujours non résolu. Par ailleurs, selon Montesquieu : « tout homme qui a du pouvoir est amené à en abuser. Il faut par conséquent que le pouvoir arrête le pouvoir »17(*). La situation idéale est celle où les pouvoirs sont équilibrés. Chacun freine le pouvoir de l'autre pour l'empêcher d'en abuser par un système de poids et contre poids. Dans cette logique le problème de décentralisation des chefferies se poserait avec acuité. Faudrait-il confier le sort des chefferies aux chefs seuls, sans organes délibérants ? Faudrait-il continuer à priver la population de leur droit politique fondamental en l'excluant de l'électorat de l'exécutif et du conseil des chefferies ? Nous croyons que les réponses à ces questions sont négatives. * 14 BRAIBANT,P, La raison démocratique aujourd'hui, Coll Questions contemporaines, Paris, Harmattan,2003, p 7. * 15 FERREOL G. et alii, Dictionnaire de sociologie, Armand colin, Paris, 2002, p 45. * 16 FERREOL G. et alii, op cit, p 93. * 17 RAVAZ, B., Mémento des grandes oeuvres politiques, Paris, Hachette, 1999,pp 58-59. |
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