Démocratie et pouvoirs coutumiers dans les chefferies du Haut-Uélé en RDC( Télécharger le fichier original )par Félix-Amand et Dieudonné FUFULAFU ZANIWE et BUAGUO MOSABI Université de l'Uélé - 2012 |
2.3. La non-participation des femmes à la gestion de la chose publiqueLes femmes vivent encore sous l'emprise des coutumes dans les chefferies du Haut-Uélé. Elles sont exclues du pouvoir politique. Elles n'exercent ni les fonctions de chef de chefferie, ni les fonctions de chef de groupement et presque pas les fonctions de chef du village. Leur présence est aussi rare dans l'administration des chefferies. Dans les rapports annuels de huit chefferies du Haut-Uélé que nous avions consulté, à savoir : Chefferies : Ndey, Ndolomo, Mboli, Wando, Logo-lolia, Bafwangada, Timoniko et Balika-Toriko), seulement une femme occupe le poste de commis classeur dans la chefferie Ndolomo et deux autres dans la chefferie Bafwangada au service de genre et famille. Le constat général est que la participation des femmes à la gestion de la chose publique est rare dans les chefferies du Haut-Uélé. 2.4. La bonne gouvernanceLa bonne gouvernance semble être un mot nouveau dans les chefferies. Cette notion intervient d'habitude lorsqu'il faut analyser les politiques publiques. Elle fait allusion à l'ensemble de procédures institutionnelles des rapports du pouvoir et des modes de gestion publics ou privés formels aussi bien qu'informels qui régissent l'action politique. Il est le processus de coordination d'acteurs publics et privés, de groupes sociaux d'institutions destinés à atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des environnements fragmentés, incertain18(*). Parler de la bonne gouvernance dans les chefferies serait absurde dans la mesure où les chefs de l'exécutif décident seuls, ne sont pas élus et ne rendent pas compte (accountability)à la population. S'il arrive qu'ils dirigent et administrent mal les chefferies, d'une part la population ne peut rien contre eux mais plutôt va subir cette mauvaise gestion et contestera impuissamment ceux-ci. 2.5. Le respect de droits de l'hommeIl est inconcevable actuellement de parler de la démocratie sans faire allusion aux droits de l'homme. En son article premier, la constitution stipule que « La République Démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc » Puisque c'est dans un régime démocratique que les droits des citoyens et les prérogatives qui leur sont reconnus sont pris réellement en compte. En ce qui concerne les droits de l'homme, il a été constaté à charge des chefferies au sein des communautés locales de graves violations des droits de l'Homme : des contraventions exorbitantes, emprisonnements, les jugements des affaires pénales, travaux forcés, tortures et tueries etc. Pour ce dernier cas, en 2002 un Greffier du tribunal coutumier de Ekula, une localité se trouvant dans la chefferie Ndey territoire de Rungu, est poursuivi par le tribunal des Grandes instances du Haut-Uélé pour avoir ordonné aux policiers de fouetter un prévenu jusqu'à lui donner la mort19(*) Et pourtant à l'article 16, la constitution affirme que « la personne humaine est sacrée. L'Etat a l'obligation de la respecter et de la protéger. Toute personne a droit à la vie, à l'intégrité physique.....Nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Nul ne peut être astreint à un travail forcé ou obligatoire». Et le texte de Déclaration Universelle des droits de l'homme auquel la R D C a souscrit affirme à son article 5 que « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Mais, il faudrait savoir que le non-respect des droits de l'homme par les chefferies date depuis la période précoloniale. A ce propos les colonisateurs avaient reconnu qu'avant l'occupation européenne, le châtiment du coupable était beaucoup plus cruel que de nos jours. Des mutilations physiques très cruelles étaient la punition du vol et de l'adultère20(*). A cela s'ajoute le fait que les chefferies sont gérées comme des royaumes dans lesquels le pouvoir du chef est absolu et sans opposition. On ne s'oppose pas au pouvoir coutumier, dit-on. L'emprise des chefferies sur les populations serait consistante. Quelques exemples contenus dans le tableau ci-dessous peuvent les prouver. Tableau N° 2 : Quelques cas d'irrégularités dans certaines chefferies du Haut-Uélé
Source : Tableau établi sur base des données recueillies dans les rapports annuels des chefferies ci-haut. Dans le tableau ci-dessus, on peut constater beaucoup d'irrégularités dans certaines chefferies. Les affaires pénales ne devraient pas par exemple être jugées dans les chefferies, ni les condamnations de plus de 30 jours. Les recettes judiciaires très élevées montrent également combien la population est rationnée. En plus, les chefferies échappent parfois au contrôle des autorités du pouvoir moderne. Parfois les rapports annuels ne sont pas envoyés au chef-lieu du territoire comme ce fut le cas en 2009, où aucune entité n'avait transmis le rapport selon l'Administrateur de territoire de Rungu21(*). On peut aussi observer parfois le fait que les secrétaires administratifs et les receveurs comptables affectés par les chefs hiérarchiques sont toujours, à défaut d'être chassés au profit des hommes de confiance des chefs, en conflit perpétuel avec ces chefs de chefferies. * 18 G. HERMET et alii, Dictionnaire de science politique et des institutions politiques,7ème éd., Paris, Armand colin, 2010, p.131. * 19 Rapport annuel 2004 de la Chefferie NDEY p 4. * 20 R.P. VANDENBULCKE « comment traiter les chefs indigènes ? » in Semaine de missiologie, XIII,1935, p. 151 * 21Information suivie lors du Communiqué de l'Administrateur de Territoire de Rungu passé à la Radio Nava, le 27 novembre 2010 à 7H55 aux Secrétaires administratifs, receveurs comptables et aux officiers de l'Etat civil des chefferies. |
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