2. La Halde et les associations
Tout au long du 20e siècle
différentes instances ont été créées afin de
promouvoir la prévention d'éventuelles discriminations. C'est
ainsi que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour
l'égalité (Halde) a vu le jour en 2004. C'est une autorité
administrative indépendante compétente pour se saisir de toutes
les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par
un engagement international auquel la France est partie aux termes de la loi du
30 décembre 2004. La Haute autorité est habilitée à
mener diverses auditions et enquêtes.
Elle peut transmettre des dossiers au procureur de la
République. Elle possède une mission d'information et de
promotion de l'égalité, peut recommander toute modification
législative ou réglementaire et remet chaque année un
rapport au Premier ministre et au Président de la République qui
est rendu public sur l'exécution de ses missions. Sa création
devait surtout permettre un instrument de lutte contre la discrimination
à l'embauche que le seul recours juridictionnel ne suffit pas à
garantir compte tenu de la liberté constitutionnelle pour l'employeur de
choisir ses collaborateurs3.
Le collège de la Haute Autorité qui
réunit des hautes personnalités comme des conseillers d'Etat ou
la présidente de Ni Putes Ni Soumises travaille sur l'émission
des rapports, la réalisation d'enquêtes et l'assistance aux
victimes de discriminations.
Cette autorité peut être saisie de plusieurs
manières. La saisine de la Haute Autorité est décrite
à l'article 4 de la loi du 30 décembre 2004 qui énonce que
« toute personne qui s'estime victime de discrimination peut saisir la
Haute Autorité, dans des conditions précisées par
décret en Conseil d'Etat ». La Haute Autorité peut aussi se
saisir d'office des cas de discrimination directe ou indirecte dont elle a
connaissance, sous réserve que la victime, lorsqu'elle est
identifiée, ait été avertie et qu'elle ne s'y soit pas
opposée. Les victimes de discrimination peuvent également saisir
la Haute Autorité par l'intermédiaire d'un député,
d'un sénateur ou d'un représentant français au Parlement
européen.
Toute association régulièrement
déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se
proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d'assister les
victimes de discrimination, peut saisir la Haute Autorité conjointement
avec toute personne qui s'estime victime de discrimination et avec son accord.
C'est notamment le cas de SOS Racisme par exemple.
3 Keller, M. Droit social 4e édition
Il faut donc comprendre qu'à travers le processus de
renforcement des libertés fondamentales le législateur a
cherché à faire gagner du temps dans la procédure. Ainsi
les plaintes sont-elles susceptibles d'arriver plus souvent devant les
instances dans les délais requis. La principale condition pour se faire
représenter reste donc l'accord express de la victime
supposée.
La Halde a été saisie de 7788
réclamations en 2008 contre 1410 en 2005. Elle a traité 7369
dossiers en 2007 contre 363 en 2005. L'origine ethnique est la première
cause décrite dans les saisines et la plupart des discriminations
présumées ont lieu dans le cadre de l'emploi, de l'embauche ou de
la carrière.
Le tableau suivant retrace les proportions d'une cause et d'un
lieu de discrimination par rapport aux réclamations adressées
à la Halde sur trois ans.
Discriminations
|
2005
|
2006
|
2007
|
Origine ethnique
(en %)
|
47,24
|
42,87
|
50
|
Dans l'emploi et la carrière
|
38,3
|
35,04
|
27
|
Certains articles de la Loi pour l'égalité des
chances du 31 mars 2006 ont considérablement renforcé le pouvoir
de cette autorité administrative indépendante. Dans le cas d'une
affaire de discrimination la Halde peut en effet faire, dans un cadre bien
défini, des perquisitions sans l'accord du responsable des lieux. Or
avant cette loi pour l'égalité des chances, elle ne pouvait faire
de perquisitions qu'avec l'accord du responsable des lieux. Les agents de la
Halde, habilités par le procureur de la République, pourront
désormais dresser des procès-verbaux pour des faits de
discriminations qui auront été prouvés par la
méthode du testing légalisé par l'article 225-3-1 du Code
pénal.
Toutefois et malgré ses nombreuses compétences
le pouvoir de la Halde se trouve limité à la saisine du procureur
de la République. C'est ce dernier qui décide ou non
d'éventuelles poursuites. Certaines affaires jugées comme «
discriminatoires » par la Halde ont été classées sans
suite par le procureur et n'ont donc jamais été jugées. En
2006 par exemple plusieurs plaintes contre des entreprises mentionnant des
critères d'âge dans des offres d'emploi n'ont jamais
été poursuivies. En cas de poursuite décidée par le
procureur de la République sur dénonciation de la Halde, celle-ci
ne peut que faire valoir ses observations devant le tribunal. Cette limitation
de pouvoir à saisir la justice devant le constat d'une infraction est du
ressort de tout citoyen. La Halde ne dispose en effet d'aucun autre pouvoir de
contrainte. Pour ces motifs, sa raison d'être est parfois
contestée. Par ailleurs, la Halde n'a aucun moyen judiciaire de faire
obstacle à une enquête de police judiciaire ni à une
plainte déposée par une victime.
Comme sanction, une transaction homologuée par le
procureur de la république peut être proposée à
l'auteur de faits de discrimination. Cette transaction est une amende de 3000
euros pour une personne physique et de 15000 euros pour une personne morale.
Elle peut parfois comporter d'autres mesures comme un affichage de la
décision dans les lieux publics pendant une durée
n'excédant pas deux mois, la publication d'un communiqué dans le
journal officiel et dans divers journaux, la publication de la décision
au sein de l'entreprise de l'auteur des faits, etc. Ces mesures sont aux frais
de l'auteur des faits et ne doivent pas dépasser le montant de l'amende.
Une autre sanction fondamentale est le délit d'entrave. L'auteur de la
discrimination supposée est obligé de laisser enquêter les
agents de la Halde dans son établissement sous peine d'un an
d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.
Depuis le 1er mai 2011 la Halde a été
dissoute et ses missions ont été transférées au
défenseur des droits mis en place par la réforme
constitutionnelle de 2008. Toutefois, un collège spécifique a
été créé pour prendre en charge la lutte contre les
discriminations et la promotion de l'égalité. Un adjoint du
défenseur des droits est désigné à cette fin. Le
défenseur des droits est institué pour lutter contre une dilution
des responsabilités qui est par elle-même préjudiciable aux
droits des personnes.
Ainsi, les attributions du défenseur des droits
s'étendent non seulement à celles qui étaient
exercées par le médiateur de la République mais aussi
à celles du défenseur des enfants et de la Commission nationale
de déontologie de la sécurité.
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