Paragraphe 2 : La valorisation des engagements
communautaires
La réalisation d'une intégration régionale
supranationale passe obligatoirement par la valorisation des engagements
communautaires. Cette valorisation de l'expression de la
volonté de l'organisation nécessite un nouveau mode
d'adoption des décisions (A) qui devra
rompre avec la logique interétatique qui a prévalu
jusque-là dans la pratique de l'organisation. Dans le même temps,
afin de mieux réaliser cette rupture, des sanctions pourraient
être
adoptées en cas de manquement aux engagements
communautaires (B).
A. L'adoption des décisions
Durant l'application du traité de 1975, le mode de
prise de décision au niveau de la conférence des chefs d'Etats et
de gouvernement et du conseil des ministres était l'unanimité ou
le consensus. Il s'agit encore là de la manifestation des vues
inter-étatistes jusque-là prédominantes. Afin de mieux
rompre avec cette vision de l'intégration régionale, le
traité révisé de 1993 envisage un mode majoritaire qui
constitue en soi un progrès remarquable. En effet, les articles 9 et 12,
relatifs à la conférence des chefs d'Etats et de gouvernement et
au
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conseil des ministres, disposent que les décisions sont
adoptées « selon les matières, à l'unanimité,
par consensus ou à la majorité des deux tiers des Etats membres
".
B. Les sanctions au manquement des engagements
communautaires
La nécessité de la définition d'un
mécanisme de sanction en cas de manquement aux engagements
communautaires résulte de l'obligation à laquelle se sont
astreints les Etats en adhérant à la CEDEAO. Cette nouvelle
obligation définie dans le traité révisé est plus
stricte que le simple engagement minimal exprimé à travers
l'article 3 du traité de 1975 qui disposait : « les Etats membres
ne ménagent aucun effort pour planifier et orienter leurs politiques en
vue de réunir les conditions favorables à la réalisation
des objectifs de la communauté, en particulier, chaque Etat membre prend
toutes les mesures requises afin d'assurer l'adoption des textes
législatifs nécessaires à l'application du présent
traité ". Il s'agit désormais, aux termes de l'article 5 du
traité révisé, de « créer les conditions
favorables à l'intégration ". Afin de mieux assurer le respect de
cet « engagement général ", deux innovations majeures ont
été adoptées dans la pratique de l'organisation. La
première innovation est relative à la modalité
d'entrée en vigueur des actes communautaires. Les conditions
d'entrée en vigueur des normes communautaires échappent
désormais aux Etats. Au terme de l'article 9 paragraphe 6 du
traité révisé, les décisions prises par la
conférence des chefs d'Etats et de gouvernement ainsi que les
règlements adoptés par le conseil des ministres de la CEDEAO sont
« exécutoires de plein droit soixante jours après la date de
leur publication dans le Journal Officiel de la communauté ".
La seconde innovation porte sur l'adoption des sanctions
applicables en cas de non respect des obligations communautaires. L'adoption
d'un mécanisme de sanction dans une organisation de coopération
qui s'est toujours illustrée par des traits inter-gouvernementaux rend
compte de la nouvelle dimension supranationale adoptée par la CEDEAO. Au
demeurant, il faut dire que le but poursuivi à travers ce
mécanisme de sanctions n'a rien d'afflictif. Au contraire, ces sanctions
sont censées mener l'Etat sanctionné à revenir à de
meilleures dispositions et à rester dans la dynamique communautaire.
C'est pourquoi, il est important d'instituer un caractère graduel et
maîtrisé desdites sanctions. L'article 77 du traité
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révisé offre un cadre assez complet des
sanctions applicables en cas de non respect des obligations de la
communauté. La gamme de ces sanctions peut aller de la suspension aux
activités de la communauté, en passant par la suspension de
décaissement pour les projets ou le rejet de toute candidature à
certains postes. Mais il peut aussi aller de la suspension des concours dont
l'Etat membre bénéficiait, en passant par le retrait des mesures
positives qui lui étaient consenties. Ces sanctions peuvent être
appliquées en cas de tout manquement aux « obligations de la
communauté 48». D'une manière
générale ces manquements peuvent consister en un
absentéisme aux sessions d'un organe ou une irrégularité
dans le versement des cotisations, une lenteur dans la ratification des
instrumentaux internationaux, ou encore, la pratique même des Etats
membres c'est-à-dire leur comportement (coup d'Etat, violations massives
des droits de l'homme, etc.) ayant porté atteinte à l'oeuvre
d'intégration.
Toutefois, il est évident que l'amélioration du
droit communautaire à travers la densification institutionnelle et la
valorisation des engagements communautaires, ne suffit pas pour donner un
nouvel élan au processus d'intégration régionale. La
perfection du droit communautaire doit s'accompagner d'une bonne volonté
des Etats à créer un environnement politico-économique
propice à l'intégration régionale.
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