2) Une nouvelle modalité de soins psychiatriques
critiquable
La première crainte suscitée par le projet de
réforme des soins psychiatriques est le tournant sécuritaire que
ces derniers sont susceptibles de prendre. Certains psychiatres et associations
voient les soins sous contrainte en ambulatoire comme un nouvel outil de
contrôle social des malades mentaux.
Cette peur est justifiée puisque le projet de loi est
apparu dans un contexte où les malades psychiatriques semblent
être stigmatisés et vus comme dangereux du fait de récents
faits divers17. Nora Berra le dit elle-même dans son discours
à l'Assemblée Nationale le 18 mars 2011 : « ce texte et les
dispositions qu'il comprend poursuivent [...] un objectif de
sécurité ». Cet objectif de sécurité vise-t-il
à protéger le patient ou uniquement la société ? La
Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme s'est prononcée
et elle aussi fait état d'une crainte selon laquelle la réforme
renforce au-delà de l'indispensable la contrainte pesant sur les
malades.
17 Notamment, le « drame de Pau » survenu en
décembre 2004 à l'hôpital psychiatrique de Pau où
une aidesoignante et une infirmière ont été tuées
par un patient.
Mais au regard de l'échec de certains traitements et du
nombre croissant de suicides, et pour espérer assurer un suivi plus
efficace des patients, une réforme est nécessaire. Le projet de
loi discuté actuellement est bien fait en ce sens que les soins
ambulatoires « forcés » constituent un outil
thérapeutique efficace pour accompagner des patients en rupture de
soins.
En revanche, son application pose des difficultés.
Le projet n'est pas abouti sur la question de la mise en
oeuvre et la gestion de la contrainte en dehors d'un hôpital. En effet,
comment forcer une personne à prendre ses médicaments et à
se soigner alors qu'elle est « en liberté » ? Il semble
impossible d'assurer une surveillance permanente des patients soignés
sans leur consentement en ambulatoire. Pourraient leur être
imposées la venue régulière de soignants à leur
domicile et l'obligation de se présenter à des consultations
très fréquentes, mais cela ne garantirait pas le respect,
à la lettre, du traitement qui leur serait imposé. Le projet de
loi présente des lacunes à ce niveau puisqu'il ne se prononce pas
sur ces modalités pratiques.
En outre, une telle contrainte serait susceptible
d'altérer le lien de confiance nécessaire entre le psychiatre et
son patient, puisque ce dernier se sentirait épié en permanence.
De plus, il n'est pas certain que cette modalité de soins soit
véritablement efficace puisqu'ici ne serait imposée que la prise
de médicaments et non la thérapie par la parole, indispensable en
psychiatrie.
Or il est évident que la contrainte n'est acceptable que
si elle a pour but de soigner le malade incapable de prendre soin de
lui-même.
Si la contrainte ne produit pas l'effet attendu, pour quelles
raisons appliquer un texte susceptible d'avoir une efficacité
thérapeutique moindre et allant à l'encontre des droits du malade
?
Même si la protection du patient soigné sous
contrainte est avant tout assurée grâce à la stricte
délimitation du champ de l'internement par la mise en oeuvre de
règles procédurales encadrées et l'existence d'une
nécessité thérapeutique, il convient de renforcer ses
droits et sa protection en lui apportant des garanties spécifiques.
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