CHAPITRE II : L'ANALYSE DU REGIME POLITIQUE DE LA
CONSTITUTION DU 18 FEVRIER 2006
Le droit constitutionnel moderne est dominé par un
mythe, celui de fonder la société politique et son pouvoir sur la
volonté du groupe lui-même. Il s'agit en fait de faire de chacun
un gouvernement gouverné par luimême28.
Néanmoins, l'intérêt du principe de
séparation des pouvoirs n'est pas seulement dans le fait qu'elle est une
technique constitutionnelle d'éviter le despotisme par la protection
accrue des droits des individus, par le fait qu'il constitue un moyen de
sauvegarde de l'indépendance ou de l'autorité du pouvoir
judiciaire, socle de l'Etat de droit, mais aussi il présente
l'intérêt pédagogique, en nous offrant les critères
de classification des régimes politiques par déclinaison de
différentes modalités d'agencement des pouvoirs.
Il est en effet important de ne pas perdre de vue que «
les institutions ne se limitent pas aux prescriptions
constitutionnelles et aux pratiques politiques formalisées. Elles
incluent aussi les pratiques et les procédures établies de
manière informelle ainsi que les conditions structurelles et culturelles
de la société29 ».
28 DJOLI ESENG'EKELI, J., Droit
Constitutionnel, Tome 1, Principes structuraux, EUA,
2010, p. 239.
29 Peter Kriesi Cité par DJOLI ESENG'EKELI,
J., Droit Constitutionnel, Tome 1,
Principes structuraux, EUA, 2010, p. 236.
L'avantage en est que cette approche est dynamique, elle ne
préjuge pas, mais découle du fonctionnement réel des
institutions, et dans cette perspective, le pouvoir est moins une donnée
invariable qu'une relation mouvante, étant donné que le pouvoir
est un rapport de force dont l'un peut retirer davantage que l'autre, mais
également l'un n'est jamais totalement démuni devant
l'autre30.
De ce fait, il convient de noter que la séparation des
pouvoirs dont question ne doit pas être comprise comme fait
mécanique.
Ainsi, le système politique doit se comprendre dans sa
totalité. La Constitution nous en donne les clés... le
constitutionnaliste et le politologue sont conciliés.
Le vif de cette analyse portera sur
l'organisation de pouvoir public (Section 1) et le
fonctionnement du pouvoir (Section 2) selon l'esprit de la constitution de la
RDC du 18 février 2006 telle que modifiée et
complétée par la loi n° 11-002 du 20 janvier 2011
afin de nous permettre de situer le régime politique de la RDC,
l'essentiel de notre travail.
Section 1 : L'Organisation du Pouvoir public
En dépit des caractères de la Constitution de
Transition qui avait articulé en son article 80les institutions
exceptionnelles de la République Démocratique
30 DJOLI ESNG'EKELI, J., Op
cit, EUA, 2010, p. 236.
du Congo (le Président avec ses quatre
vice-présidents, le Parlement bicaméral et les cours et
tribunaux) pour garantir la paix et l'intégrité territoriale, la
Constitution du 18 février 2006 est venue remettre les choses en ordre,
avec son esprit stabilisateur en vue de mettre fin a la crise chronique de
légitimité, satisfaire les uns et les autres, donner les chances
au pays de se reconstruire, a mis en place un régime politique
intermédiaire.
Les pouvoirs sont exercés par les institutions
énumérées par l'article 68, ainsi qu'il suit :
· Le Président de la République ;
· Le Parlement ;
· Le Gouvernement et
· Les Cours et tribunaux.
Nous étudierons les trois premières institutions
en deux paragraphes distincts, vu leur importance en rapport avec notre
thème.
§1. Le Pouvoir Exécutif
Il est a noter que la Constitution du 18 février 2006
fait état d'un Exécutif bicéphale dans son article 68
ci-haut que nous aborderons sous ce paragraphe.
a. Le Président de la République
de l'unité nationale. Il veille au respect de la
Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier
des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de
l'Etat. Il est le garant de l'indépendance nationale, de
l'intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et
du respect des traités et accords internationaux31. Le
Président de la République est élu au suffrage universel
direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois32.
Il nomme le Premier ministre au sein de la majorité
parlementaire après consultation de celleci. Il met fin à ses
fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du
Gouvernement. Si une telle majorité n'existe pas, le Président de
la République confie une mission d'information à une
personnalité en vue d'identifier une coalition. La mission d'information
est de trente jours renouvelable une seule fois. Le Président de la
République nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à
leurs fonctions sur proposition du Premier ministre33.
Le Président de la République convoque et
préside le Conseil des ministres. En cas d'empêchement, il
délègue ce pouvoir au Premier ministre.
31 Article 69 de la Constitution du 18 février
2006.
32 Article 70 Idem.
33 Article 78 Idem.
Le Président de la République promulgue les lois
dans les conditions prévues par la présente Constitution. Il
statue par voie d'ordonnance. Les ordonnances du Président de la
République autres que celles prévues aux articles 78
alinéa premier, 80, 84 et 143 sont contresignées par le Premier
ministre34.
Le Président de la République investit par
ordonnance les Gouverneurs et les Vice-gouverneurs de province élus,
dans un délai de quinze jours conformément à l'article
19835.
Sans préjudice des autres dispositions de la
Constitution, le Président de la République nomme, relève
de leurs fonctions et, le cas échéant, révoque, sur
proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des
ministres36:
1. les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires;
2. les officiers généraux et supérieurs
des forces armées et de la police nationale, le Conseil supérieur
de la défense entendu;
3. le chef d'état major général, les
chefs d'état-
major et les commandants des grandes unités des
forces armées, le Conseil supérieur de la
défense
entendu;
4. les hauts fonctionnaires de l'administration publique;
34 Article 79 idem.
35 Article 80 Idem.
36 Article 81 Idem.
5. les responsables des services et établissements
publics;
6. les mandataires de l'Etat dans les entreprises et
organismes publics, excepté les commissaires aux comptes. Les
ordonnances du Président de la République intervenues en la
matière sont contresignées par le Premier Ministre.
Le Président de la République nomme,
relève de leurs fonctions et, le cas échéant,
révoque, par ordonnance, les magistrats du siège et du parquet
sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature. Les ordonnances
dont question à l'alinéa précédent sont
contresignées par le Premier Ministre37.
Le Président de la République est le commandant
suprême des Forces armées. Il préside le Conseil
supérieur de la défense38.
Le Président de la République confère les
grades dans les ordres nationaux et les décorations, conformément
à la loi.
Lorsque des circonstances graves menacent, d'une
manière immédiate, l'indépendance ou
l'intégrité du territoire national ou qu'elles provoquent
l'interruption du fonctionnement régulier des institutions, le
Président de la République
proclame l'état d'urgence ou l'état de
siège, après concertation avec le Premier ministre et les
Présidents des deux Chambres, conformément aux articles 144 et
145 de la présente Constitution. Il en informe la nation par un message.
Les modalités d'application de l'état d'urgence et de
l'état de siège sont déterminées par la loi. Le
Président de la République déclare la guerre par
ordonnance délibérée en Conseil des ministres après
avis du Conseil supérieur de la défense et autorisation de
l'Assemblée nationale et du Sénat, conformément à
l'article 143 de la présente Constitution.
Le Président de la République exerce le droit de
grâce. Il peut remettre, commuer ou réduire les peines. Le
Président de la République accrédite les ambassadeurs et
les envoyés extraordinaires auprès des Etats étrangers et
des organisations internationales. Les ambassadeurs et les envoyés
extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de
lui. Les émoluments et la liste civile du Président de la
République sont fixés par la loi de finances.
|