Section 3 : l'exception obligatoire des
reproductions provisoires
Cette importante dérogation inédite en droit
d'auteur est destinée à autoriser les actes de reproduction
provisoires ou accessoires qui font essentiellement partie d'un processus
technique.
Les nécessités des copies techniques ne sont plus
à démontrer après les différentes évolutions
de l'exploitation des oeuvres en ligne.
L'exonération du droit d'auteur des actes de reproduction
constitutifs d'un procédé technique, doit permettre aux
intermédiaires techniques de transmettre en toute liberté les
information sur Internet.
De même, ces reproductions permettent au public d'avoir un
accès facile et plus rapide aux pages WEB.
C'est ce qui confirme la nécessité de l'exception.
Toutefois, l'exception obligatoire suscite quelques incertitudes
quant à ses contours.
La circulation des oeuvres sur les réseaux
numériques est une pratique qui suppose une fixation provisoire des
données.
Celles-ci se réalisent, soit en amont lors de
l'acheminement des informations sur Internet par les prestataires techniques,
soit en aval lors de l'exploitation des oeuvres par les utilisateurs.
Les reproductions temporaires constituent un domaine de la
recopie systématique fonctionnellement nécessaire.
Il s'agit en effet, des copies éphémères ou
volatiles qui sont indispensables en ce qu'elles sont absolument
nécessaires à la transmission des données.
Ainsi, Monsieur Fraser relève que
« le fonctionnement normal de l'Internet passe forcément
par des copies transitoires, faute de quoi l'accès serait plus lent,
voire impossible ».
Les différentes reproductions provisoires susceptibles
d'être soumises à l'exception obligatoire sont donc
justifiées tant sur le plan technique, qu'économique.
§1 : Les reproductions provisoires soumises à
l'exception obligatoire.
L'application stricte des lois sur la propriété
intellectuelle pourrait amener à considérer les reproductions
effectuées uniquement pour des raisons techniques comme
contrefaisantes.
Toutefois, cette conception serait la source
d'incohérences et de conflits juridiques.
C'est ce qui explique l'adoption de différentes formes de
copies techniques, comme de nouvelles exceptions au droit d'auteur.
Les actes de reproduction provisoires qui dérogent au
droit d'auteur sont définis par la directive.
Pour mieux les appréhender, il convient de
présenter les différents aspects techniques des reproductions
provisoires.
A. Définition de l'exception obligatoire.
Théoriquement, la définition extensive de la notion
de reproduction inclut dans le champ du droit exclusif de l'auteur les
fixations provisoires.
Pourtant, Monsieur André Lucas
considère que« Le bon sens répugne à
considérer qu'une même transmission puisse correspondre à
43 actes de reproduction, tous subordonnés à l'autorisation de
l'auteur transmise, sous prétexte que le processus technique s'est
traduit par 43 fixations qui ont duré seulement un instant de raison
».
Cela témoigne le fait que les copies provisoires
méritaient bien une exception qui puisse les affranchir du
système des droits d'auteur.
La directive prévoit ainsi, dans son article 51, l'unique
exception obligatoire pour reproduction provisoire.
1. L'article 51 de la directive sur le droit
d'auteur.
La directive intègre clairement dans cet article des
hypothèses qui dérogent obligatoirement au droit d'auteur.
En effet, l'article 51 dispose que: « Les actes de
reproduction provisoires visés à l'art 2, qui sont transitoires
ou accessoires et constituent une partie intégrante et essentielle d'un
procédé technique et dont l'unique finalité est de
permettre :
a) une transmission dans un réseau entre tiers par
un intermédiaire ou
b) une utilisation licite d'une ou d'un objet
protégé, et qui n'ont pas de signification économique
indépendante sont exemptés du droit de reproduction prévu
à l'art 2 ».
L'exception obligatoire établie la distinction entre deux
hypothèses : celle où l'oeuvre est transmise dans un
réseau par un intermédiaire technique et celle où l'oeuvre
est simplement utilisée de manière licite .
Suivant cette hypothèse, Monsieur Pierre Sirinelli
en avait déduit qu'il s'agit des copies, non seulement
volatiles effectuées dans les ordinateurs de routage, mais
également des copies provisoires.
Dans le cas de l'opération de stockage
éphémère, le mécanisme est le suivant :
« l'utilisateur d'une base de données ou d'un serveur
distant, peut demander à l'exploitant du service de
téléchargement d'une copie numérisée. Celle-ci est
ensuite transmise , via un réseau numérique, aux fins de copie et
/ ou de visionnage sur son micro-ordinateur et, pourquoi pas, à
l'avenir, sur tout autre appareil de réception ».
La copie temporaire des informations par l'ordinateur personnel
de l'utilisateur, permet à travers cette opération de ne pas se
connecter au réseau à chaque consultation.
L'article 51 concerne de multiples reproductions techniques
temporaires.
Certaines sont réalisées en amont non pas par les
exploitants de sites, mais par les opérateurs de réseaux
(fournisseurs d'accès), au cours du processus d'acheminement des oeuvres
vers les terminaux des usagers.
De même, l'art 51 a prévu un certain nombre de
conditions à satisfaire par les actes de reproduction provisoires.
Ils doivent être « transitoires ou accessoires
», constituer « une partie intégrante et
essentielle d'un procédé technique », et ne pas
avoir de « signification économique indépendante
».
La notion de partie intégrante et essentielle d'un
procédé technique doit par conséquent avoir pour
finalité de permettre, soit une transmission dans un réseau entre
tiers par un intermédiaire, soit une utilisation licite.
Les actes de reproduction provisoires qui n'ont pas de valeur
économique propre et ne risquent donc pas de porter atteinte aux
intérêts économiques du titulaire des droits sont les
suivants :
- les copies éphémères liées au seul
transport du contenu numérique,
- la copie « cache » ou « tampon »
effectuée par les fournisseurs afin de stocker l'information sur un
centre plus proche, ce qui permet d'accélérer l'accès aux
données et la fluidité du réseau,
- le « butinage » qui est une sorte de survol, qui
permet de se déplacer de sites en sites à la recherche
d'informations.
C'est ce que précise le considérant
33 de la directive sur le droit d'auteur.
Aux termes de celui-ci, la présente exception couvre
« les actes qui permettent le survol « browsing », ainsi
que les actes de pré lecture dans un support rapide « caching
», y compris ceux qui permettent le bon fonctionnement efficace des
systèmes de transmission, sous réserve que l'intermédiaire
ne modifie pas l'information et n'entrave pas l'utilisation licite de la
technologie, largement reconnue et utilisée par l'industrie, dans le but
d'obtenir des données sur l'utilisation de l'information
».
Cette protection accordée aux actes de fixation
transitoire avait déjà été consacré dans le
domaine électronique.
Les hypothèses développées ci-dessus
trouvent leur source d'inspiration dans l'art 72 du projet du
traité OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété
Intellectuelle) sur le droit d'auteur.
Celle-ci réservait la faculté pour les Etats de
limiter le droit de reproduction « lorsqu'une reproduction
temporaire vise uniquement à rendre l'oeuvre perceptible ou lorsque la
reproduction a un caractère éphémère ou accessoire,
à condition que cette reproduction ait
lieu au cours d'une utilisation de l'oeuvre qui est
autorisée par l'auteur ou admise par la loi ».
Pour Monsieur André Lucas, une telle
formulation, qui n'était pas limitée à l'environnement
numérique, pouvait être considérée comme dangereuse.
C'est la raison pour laquelle l'admission devrait être
tolérée uniquement pour les reproductions temporaires visant
à rendre l'oeuvre perceptible.
Il convient ainsi d'analyser les différents aspects
techniques de la reproduction provisoire pouvant bénéficier de
l'exception.
|