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La gestion des conflits entre agriculteurs et éleveurs dans la commune de Navaka en République Centrafricaine

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par Alain Guy Ghislain GOTHARD
ESD Bangui -  2012
  

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Section II : L'élevage en Centrafrique

Le secteur de l'élevage en Centrafrique concerne principalement les bovins, et d'une moindre mesure aussi les ovins, les caprins, les porcins et les volailles. L'élevage des bovins n'est pas une activité de très longue date en Centrafrique. Les premiers éleveurs bouviers (Peuhls Mbororo) auraient pénétré sur le territoire dans les années 1920, en provenance du Cameroun voisin. Dans les années 1930, ils étendaient leurs parcours jusqu'à Bossembélé au Centre du Pays. En 1937, un effectif de 200 000 têtes a été compté16.

15 Financement par le FIDA, le PNUD et la FAO

16PICARD, J., MODIBO., W., C., MBAIKI, L., ARDITI., C., Etude socio-économique des éleveurs Peuls de Centrafrique.

A cette époque, la présence des éleveurs Peuhls Mbororo sur le territoire de l'Oubangui-Chari s'est heurtée aux grands problèmes d'ordre sanitaire (trypanosomiase, peste bovine), que le service d'élevage colonial tendait à maîtriser, notamment en circonscrivant les éleveurs dans des zones précises et en freinant leur progression vers l'Est. Dans les années 50, les principales implantations des éleveurs Mbororo étaient circonscrites sur les plateaux entre Bouar et Bocaranga d'un côté et dans la région de Bambari de l'autre. Ce n'est qu'à partir des années 70 et 80 que les éleveurs se sont étendus sur les autres parties du pays17. Seules les savanes inhabitées du grand Est du pays sont restées pendant longtemps à la marge de la progression des troupeaux, mais il semble que ces régions ont connu très récemment un afflux important d'éleveurs, fuyant les problèmes qu'ils rencontraient sur leurs anciennes installations.

I.1. Paupérisation importante des populations d'éleveurs

De même que leurs « frères » agriculteurs, les éleveurs centrafricains sont depuis un certain temps affectés par un processus de paupérisation, même si les facteurs qui y contribuent ne sont pas les mêmes. Cette paupérisation se traduit par une diminution importante des effectifs des troupeaux. Si le cheptel moyen par famille a été encore estimé à 125 en 1990, il a passé entre 36 et 50 en 200118.

Les raisons pour ce déstockage sont multiples. Une importante épidémie de peste bovine en 1983, qui coïncidait avec la grande sécheresse de 1984, est souvent citée comme point de départ d'un processus irréversible de déstockage19. La cochenille farineuse avait dévasté en son temps les champs de manioc, ce qui a fortement

17 BOUTRAIS., J., Des Peul en savanes humides. Développement pastoral dans l`Ouest Centrafricain

18

Marchés tropicaux 15 mars 2002, spécial Centrafrique

19

LE MASSON, BOUTRAIS, PICARD, ouvrages cités

augmenté les prix des produits vivriers. Les marchés de bétail externes étant fermés du fait de l'épidémie de peste bovine, les Mbororo ont dû liquider leur bétail à très bas prix pour faire face à leurs besoins alimentaires. Depuis lors, du fait des aléas économiques et sanitaires répétitifs, puis d'autres facteurs comme les besoins monétaires grandissants pour faire face à l'évolution du mode de vie, les rackets et rançons divers, le déstockage est devenu un processus irréversible pour une grande partie des éleveurs.

Ayant été transplantés d'un milieu sahélien aux savanes humides centrafricaines, les pathologies animales représentent une contrainte majeure pour les zébus Mbororo20. Les conditions alimentaires plus favorables sont en fait contrebalancées par un environnement sanitaire plus hostile. Les animaux y souffrent des pathologies (les trypanosomiases, la babésiose, la cow-driose, les helminthoses, la brucellose, etc.), auxquelles ils sont mal adaptées. Au départ, l'expansion des troupeaux s'est pour cela longtemps limitée aux zones libres des mouches tsé-tsé au niveau des plateaux du Nord-ouest. Ils n'ont pu progresser qu'avec l'arrivée des trypanocides. Cependant, la pression sanitaire continue à se traduire par des mauvaises performances zootechniques. Un suivi de 19 troupeaux en 199421 a relevé par exemple un taux global de mortalité de 10%, se traduisant par une mortalité élevée des veaux de 17% (27% lors d'une étude en 1986 !22) et une mortalité des adultes autour de 7,5%, un taux de fécondité de 52%, puis un taux d'avortement annuel de 4,4 % des vaches.

20

Zébu Mbororo acajou à longues cornes

21

BLANC, F., LE GALL, F., CUISANCE, C., cité dans BLANC, F., LEMASSON, A., REMAYEKO, A., LE GALL, F.,

LHOSTE, P., Les contraintes au développement de l'élevage bovin en savane humide : L'exemple des Peuhls Mbororos en République centrafricaine

22

TACHER, cité dans BLANC, F. et al., ouvrage cité ;

En dehors des pertes directes, les dépenses liées à la santé animale de ces troupeaux « élevés sous la seringue » pèsent lourd dans le budget de l'éleveur. Le coût annuel, rien que pour les traitements des trypanosomoses, a été évalué en 1994 pour l'ensemble du cheptel centrafricain à 1,6 milliards de FCFA, soit 1,9% de la valeur du cheptel national23.

L'impossibilité de vivre uniquement des produits de l'élevage se traduit par un cheptel en dessous des 30 têtes par famille, à partir duquel les prélèvements dans les troupeaux deviennent proportionnellement trop importants, pour que l'effectif puisse être maintenu. Cette situation pousse les éleveurs à diversifier leurs activités. Généralement, ils se rabattent sur l'agriculture. Dans le Centre et l'Ouest, les éleveurs au sens strict ne représentaient en 2002 que 28%, contre 35,5% en 199724. Une importante proportion des éleveurs d'antan se retrouve aujourd'hui sans animaux et vit parmi les autochtones dans les villages. D'autres deviennent des bergers salariés, convoyeurs de bétail, etc.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon