Section II : L'élevage en Centrafrique
Le secteur de l'élevage en Centrafrique concerne
principalement les bovins, et d'une moindre mesure aussi les ovins, les
caprins, les porcins et les volailles. L'élevage des bovins n'est pas
une activité de très longue date en Centrafrique. Les premiers
éleveurs bouviers (Peuhls Mbororo) auraient pénétré
sur le territoire dans les années 1920, en provenance du Cameroun
voisin. Dans les années 1930, ils étendaient leurs parcours
jusqu'à Bossembélé au Centre du Pays. En 1937, un effectif
de 200 000 têtes a été compté16.
15 Financement par le FIDA, le PNUD et la FAO
16PICARD, J., MODIBO., W., C., MBAIKI, L., ARDITI.,
C., Etude socio-économique des éleveurs Peuls de Centrafrique.
A cette époque, la présence des éleveurs
Peuhls Mbororo sur le territoire de l'Oubangui-Chari s'est heurtée aux
grands problèmes d'ordre sanitaire (trypanosomiase, peste bovine), que
le service d'élevage colonial tendait à maîtriser,
notamment en circonscrivant les éleveurs dans des zones précises
et en freinant leur progression vers l'Est. Dans les années 50, les
principales implantations des éleveurs Mbororo étaient
circonscrites sur les plateaux entre Bouar et Bocaranga d'un côté
et dans la région de Bambari de l'autre. Ce n'est qu'à partir des
années 70 et 80 que les éleveurs se sont étendus sur les
autres parties du pays17. Seules les savanes inhabitées du
grand Est du pays sont restées pendant longtemps à la marge de la
progression des troupeaux, mais il semble que ces régions ont connu
très récemment un afflux important d'éleveurs, fuyant les
problèmes qu'ils rencontraient sur leurs anciennes installations.
I.1. Paupérisation importante des populations
d'éleveurs
De même que leurs « frères »
agriculteurs, les éleveurs centrafricains sont depuis un certain temps
affectés par un processus de paupérisation, même si les
facteurs qui y contribuent ne sont pas les mêmes. Cette
paupérisation se traduit par une diminution importante des effectifs des
troupeaux. Si le cheptel moyen par famille a été encore
estimé à 125 en 1990, il a passé entre 36 et 50 en
200118.
Les raisons pour ce déstockage sont multiples. Une
importante épidémie de peste bovine en 1983, qui coïncidait
avec la grande sécheresse de 1984, est souvent citée comme point
de départ d'un processus irréversible de
déstockage19. La cochenille farineuse avait
dévasté en son temps les champs de manioc, ce qui a fortement
17 BOUTRAIS., J., Des Peul en savanes humides.
Développement pastoral dans l`Ouest Centrafricain
18
Marchés tropicaux 15 mars 2002, spécial
Centrafrique
19
LE MASSON, BOUTRAIS, PICARD, ouvrages cités
augmenté les prix des produits vivriers. Les
marchés de bétail externes étant fermés du fait de
l'épidémie de peste bovine, les Mbororo ont dû liquider
leur bétail à très bas prix pour faire face à leurs
besoins alimentaires. Depuis lors, du fait des aléas économiques
et sanitaires répétitifs, puis d'autres facteurs comme les
besoins monétaires grandissants pour faire face à
l'évolution du mode de vie, les rackets et rançons divers, le
déstockage est devenu un processus irréversible pour une grande
partie des éleveurs.
Ayant été transplantés d'un milieu
sahélien aux savanes humides centrafricaines, les pathologies animales
représentent une contrainte majeure pour les zébus
Mbororo20. Les conditions alimentaires plus favorables sont en fait
contrebalancées par un environnement sanitaire plus hostile. Les animaux
y souffrent des pathologies (les trypanosomiases, la babésiose, la
cow-driose, les helminthoses, la brucellose, etc.), auxquelles ils sont mal
adaptées. Au départ, l'expansion des troupeaux s'est pour cela
longtemps limitée aux zones libres des mouches tsé-tsé au
niveau des plateaux du Nord-ouest. Ils n'ont pu progresser qu'avec
l'arrivée des trypanocides. Cependant, la pression sanitaire continue
à se traduire par des mauvaises performances zootechniques. Un suivi de
19 troupeaux en 199421 a relevé par exemple un taux global de
mortalité de 10%, se traduisant par une mortalité
élevée des veaux de 17% (27% lors d'une étude en 1986
!22) et une mortalité des adultes autour de 7,5%, un taux de
fécondité de 52%, puis un taux d'avortement annuel de 4,4 % des
vaches.
20
Zébu Mbororo acajou à longues cornes
21
BLANC, F., LE GALL, F., CUISANCE, C., cité dans BLANC,
F., LEMASSON, A., REMAYEKO, A., LE GALL, F.,
LHOSTE, P., Les contraintes au développement de
l'élevage bovin en savane humide : L'exemple des Peuhls Mbororos en
République centrafricaine
22
TACHER, cité dans BLANC, F. et al., ouvrage cité
;
En dehors des pertes directes, les dépenses
liées à la santé animale de ces troupeaux «
élevés sous la seringue » pèsent lourd dans le budget
de l'éleveur. Le coût annuel, rien que pour les traitements des
trypanosomoses, a été évalué en 1994 pour
l'ensemble du cheptel centrafricain à 1,6 milliards de FCFA, soit 1,9%
de la valeur du cheptel national23.
L'impossibilité de vivre uniquement des produits de
l'élevage se traduit par un cheptel en dessous des 30 têtes par
famille, à partir duquel les prélèvements dans les
troupeaux deviennent proportionnellement trop importants, pour que l'effectif
puisse être maintenu. Cette situation pousse les éleveurs à
diversifier leurs activités. Généralement, ils se
rabattent sur l'agriculture. Dans le Centre et l'Ouest, les éleveurs au
sens strict ne représentaient en 2002 que 28%, contre 35,5% en
199724. Une importante proportion des éleveurs d'antan se
retrouve aujourd'hui sans animaux et vit parmi les autochtones dans les
villages. D'autres deviennent des bergers salariés, convoyeurs de
bétail, etc.
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