5. Moyens de lutte
Devant l'importance socio-économique et
médicale des trypanosomoses animales, l'enjeu de la lutte contre ces
maladies est considérable. Les moyens de lutte s'articulent sur trois
éléments qui découlent de l'épizootiologie des
trypanosomoses, il s'agit des parasites, des hôtes mammifères et
des vecteurs. La chimiothérapie et la chimioprophylaxie, la lutte
antivectorielle et enfin l'élevage du bétail
trypanotolérant sont les composantes de la lutte contre ces
parasitoses.
5-1. Chimiothérapie et
chimioprophylaxie
5-1-1. Chimiothérapie
Ce traitement vise à détruire les
trypanosomes chez l'animal malade et de ce fait à réduire le
risque de propagation de la maladie à l'échelle du troupeau. Le
dépistage précoce de ces maladies se révèle alors
d'une importance fondamentale. Cette méthode repose sur l'emploi des
médicaments trypanocides. En médecine vétérinaire,
cinq familles chimiques différentes de médicaments trypanocides
sont utilisées de façon plus ou moins intensive (Itard,
2000). Ce sont la Suramine, la Mélarsamine, les sels de
Phénanthridine, l'Acéturate de Diminazène et les sels de
la Quinapyramine. Notons qu'en Afrique subsaharienne, le marché des
trypanocides est évalué à plus de 10 milliards de Fcfa
(Biaou et al., 2002). En Afrique de l'ouest les principaux
trypanocides utilisés chez les ruminants sont le
Bérénil® (Acéturate de diminazène) qui est
surtout curatif, le Trypamidium® (Chlorure d'isométamidium)
réputé trypanocide de « longue action » et
est préventif, et dans une moindre mesure le Vériben®, le
Véridium®, et autres.
Toutefois, mis à part le problème de
chimiorésistance, l'administration de ces produits chimiques qui se fait
par voie parentérale, est parfois à l'origine de troubles
généraux ou locaux de gravité et d'importance variables
selon le produit utilisé et l'état général de
l'animal.
En outre, dans la chimiothérapie des
trypanosomoses, on utilise en Afrique la phytothérapie, c'est à
dire l'utilisation de certaines plantes ayant des propriétés
trypanocides, c'est le cas par exemple de Cassia siberiana, mais
l'efficacité de ces médicaments n'est pas encore confirmée
du fait des travaux d'expérimentation en cours.
5-1-2. Chimioprophylaxie
A défaut d'une méthode de protection
faisant intervenir des phénomènes immunitaires (l'emploi des
vaccins), la chimioprophylaxie des trypanosomoses consiste à l'emploi
des médicaments trypanocides à activité préventive
en vue de la protection pendant une certaine durée des animaux
exposés à l'affection. La durée de protection varie
essentiellement en fonction de l'espèce animale à traiter, du
produit utilisé et de la dose à administrer.
Cependant, ces mesures de chimioprophylaxie
connaissent des limites surtout dans les conditions d'élevage africain
traditionnel. En effet, les traitements préventifs ont tendance en
général, à sélectionner des souches
résistantes du fait de leur élimination lente. Il est donc
très important, voire impératif de respecter l'intervalle entre
deux traitements et de faire suivre ces traitements, d'un traitement curatif
à l'aide d'un trypanocide d'une autre catégorie chimique
différente (on utilise à cet effet, le plus souvent
l'acétutrate de diminazène).
5-2. Lutte antivectorielle
Cette lutte est principalement destinée
à interrompre le cycle de transmission des trypanosomes. Elle se
justifie non seulement par le nombre d'espèces animales sensibles, mais
aussi par la présence et l'importance des populations de
réservoir sauvages ou domestiques souvent incontrôlables
(De La Rocque et Dia, 2001). En plus, l'existence de souches
de trypanosomes chimiorésistantes vis à vis des trypanocides
usuels a redonné à la lutte contre les vecteurs toute son
importance. Cette lutte est surtout dirigée contre les glossines qui en
sont les vecteurs majeurs.
Ainsi, outre les barrières d'isolement
(méthodes abandonnées pour leur nocivité sur
l'environnement) destinées à empêcher la réinvasion
par des glossines immigrantes des régions assainies, la lutte contre les
glossines se distingue en deux grandes catégories :
Ø La lutte indirecte, qui vise la modification du
milieu où vivent les glossines et à le rendre impropre à
leur survie. Cette lutte repose sur :
· l'action sur l'habitat de glossines à travers
l'éclaircissement forestier (appelé également prophylaxie
agronomique ou lutte écologique) ;
· l'action sur les hôtes nourriciers par
destruction du gibier, donc de supprimer les réservoirs de
trypanosomes.
Ces méthodes de lutte ne sont plus utilisées
à cause de leur inefficacité, de leurs inconvénients
multiples sur l'environnement et de leur coût élevé.
Ø La lutte directe, vise à détruire
directement l'insecte à l'aide de moyens:
· chimiques, par pulvérisation d'insecticides
(tels que le DDT autrefois utilisés, l'endosulfan, les
pyréthrinoides de synthèse) par voie terrestre ou
aérienne, l'imprégnation du pelage des animaux domestiques
hôtes par des insecticides ;
· mécaniques, par pose de pièges de capture
(comme le piège biconique de Challier et Laveissière, le
piège monoconique ou Vavoua de Challier et Laveissière, le
piège NZI de Mihok et le piège Tetra), par pose de pièges
et d'écrans imprégnés d'insecticides (fig. 11) ;
· biologiques, par l'utilisation des prédateurs et
des hyperparasites des glossines ;
· génétiques, par perturbation des
mécanismes physiologiques fondamentaux, en particulier celui de la
reproduction [on peut par exemple, introduire dans la population de glossines,
des individus mâles préalablement stérilisés par
l'action d'agents physiques (rayonnements gamma) ou chimiques, qui entreront en
compétition, pour l'accouplement avec les mâles normaux de
l'espèce correspondante].
5-3. Lutte par gestion des troupeaux
Il s'agit de l'élevage du bétail
trypanotolérant. Ce bétail est composé de certaines races
bovines d'Afrique occidentale qui sont aptes à vivre et à se
multiplier dans des régions infestées de glossines. Ce
phénomène de trypanotolérance s'observe chez les taurins
(Bos taurus taurus) avec comme exemple la race N'Dama, Kouri,
Baoulé, lagune, Somba, etc. ; et chez les petits ruminants de
petite taille. Cette méthode se heurte malheureusement à des
limites majeures, telles que le risque d'introduction des maladies contagieuses
(peste bovine, PPCB, etc.) ou de rendre sensibles aux souches locales de
trypanosomes les animaux transplantés. Mais, surtout c'est leur petite
taille et leur faible productivité qui freinent leur utilisation par les
éleveurs.
Dans les situations de très forte
« pression glossinienne », on peut préconiser la
gestion quotidienne des parcours pendant les moments où
l'activité des glossines est nulle où elles sont au repos, pour
éviter le contact entre hôtes et vecteurs (Dia,
2003).
Figure 11 : Pièges et
écrans pour la lutte contre les glossines (clichés :
M. Desquesnes)
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