3. Les marchés financiers ruraux dominés
par les prêteurs informels
3.1. De problèmes de trésorerie en soudure,
conduisant au crédit usuraire "vary maintso"
Avant d'aborder le crédit formel, une brève
étude des mécanismes de l'usure, encore
très pratiqués dans les régions d'Ambatondrazaka, est
indispensable.
Les pratiques usuraires présentent les
caractéristiques suivantes :
- Le crédit reste individuel ;
- Les usuriers ne sont pas une catégorie
particulière de la population ; tous ceux qui ont un peu
d'argent, surtout durant la période de soudure, sont des
usuriers potentiels : commerçant, fonctionnaires (notamment les
instituteurs des écoles publiques), paysans aisés ;
- Le prêteur et l'emprunteur se sont connus depuis
plusieurs années ;
- Les formes sont de deux types : prêt d'argent ou
prêt en nature (paddy ou riz blanc) remboursé
en paddy, et prêt d'argent remboursé en argent
même ;
- Le système est souple : déblocage immédiat
de la somme demandée, négociation sur
l'échéance du remboursement et pas de dossier
à préparer à part un simple contrat par écrit ;
- Le coût de l'opération est extrêmement
élevé pour l'emprunteur, du fait de l'intérêt
payé pouvant atteindre 100% du capital. L'endettement usuraire peut
précipiter des familles dans la famine en les dépouillant de
leurs terres.
Le crédit informel touche presque la moitié des
paysans de la Vallée Marianina et ceux de PC-15. Parmi eux, 32,7%
emprunte pour la nourriture en soudure ; et 25% pour la réalisation des
travaux agricoles.
Il existe trois types de prêts selon leur objet :
a) Une exception, les prêts familiaux gratuits
Le montant des prêts familiaux dépasse rarement
50 000 fmg. Ces sommes ne sont pas destinées à des
investissements productifs. Ce sont des prêts de secours en cas de
maladie, de décès ou d'évènements imprévus.
Il n'y a pas de garantie matérielle exigée ni de contrat
écrit, et la durée du prêt est assez courte, au maximum
quelques mois.
Mais le recours à la famille n'est pas toujours possible,
celle-ci étant parfois aussi démunie que l'emprunteur dans le
besoin.
b) Les prêts "sociaux"
Les familles qui n'ont plus de riz au moment de la soudure, ni
de l'argent pour en acheter, sont obligées d'emprunter de quoi survivre.
Le coût exorbitant des médicaments ainsi que les obligations
sociales contraignent aussi les ménages à emprunter dans le
circuit usuraire. La figure suivante montre les pourcentages des paysans devant
acheter ou emprunter du riz après tarissement de leur stock.
Figure 5 : Pourcentage des paysans qui
achètent du riz blanc en soudure (En%)
![](Etudes-de-perennisation-du-microcredit-grenier-commun-villageois--Ambatondrazaka-dans-la-reg14.png)
DEC
FEV
NOV
30,0
MARS
AVR
OCT
SEPT
0,0
MAI
AOUT
JUIN
JAN
50,0
40,0
20,0
10,0
JUIL
Source: Auteur/ Enquêtes auprès des
paysans - Août 2003.
Dans la Vallée Marianina, 25 kg de riz blanc
emprunté au collecteur au mois de mars est remboursé 60 kg de
paddy à la récolte en juin, soit 180% en 4
mois.
L'emprunteur peut aussi vendre des quantités de paddy
sur pied à un usurier et à un prix très inférieur
à celui du marché au moment de la récolte (600 fmg le
kilo) ; c'est le fameux "vary maintso" à
Ambatondrazaka.
c) Les prêts de campagne
Beaucoup de paysans sont contraints d'emprunter pour
acquérir des semences, pour payer les repiqueuses ou appeler des
salariés quand la main d'oeuvre familiale ne suffit pas. La
majorité des classes 3 n'arrivent pas à garder de semences ou
à renouveler celles-ci pour la prochaine campagne de culture. 85 kg de
paddy prêté au collecteur en période de semis doit
être ainsi remboursé 160 kg à la récolte, soit
188,2% en 7 mois.
Certains prêteurs exigent comme garantie la mise en gage
de rizières ou de baiboho. La gage de rizière est, pour
les usuriers, la méthode d'accumulation de la terre la moins
coûteuse : si l'emprunteur ne peut rembourser sa dette à une date
convenue, le prêteur saisit la gage.
Le graphe suivant met en relief la relation des paysans de la
zone d'étude, avec les prêteurs formels et informels, et les
institutions financières.
Figure 6 : Relation des paysans avec les
institutions financières
![](Etudes-de-perennisation-du-microcredit-grenier-commun-villageois--Ambatondrazaka-dans-la-reg15.png)
6,9%
4,3%
35,3%
17,2%
12,1%
10,3%
0,9%
12,9%
BOA
OTIV
Opérateurs riziers (FCP) Programme ARTA Collecteurs
usuriers Particuliers usuriers Famille
Non concernés
![](Etudes-de-perennisation-du-microcredit-grenier-commun-villageois--Ambatondrazaka-dans-la-reg16.png)
Source: Auteur/ Enquêtes auprès des
paysans - Août 2003.
D'après cette figure, 25% des paysans sont
dépendants presque annuellement des usuriers, collecteurs ou
particuliers, parmi les quels le deux-tiers appartient à la classe 3.
Plus de la moitié de la population ne sont pas, par contre,
concernées par le prêt à intérêt ; soit, ils
vont recourir auprès de leur famille soit, ils n'empruntent jamais pour
diverses raisons.
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