L'action des Médecins sans Frontières (MSF) face à la souveraineté de l'état( Télécharger le fichier original )par Patrick MAVINGA NSAKALA Université de Kinsahasa - Travaux de fin de cycle 2010 |
SECTION 2 : MESURES D'APPLICATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE : ACTION DES MEDECINS SANS FRONTIERES.Après avoir tour à tour et par des différents points, et les étudié quelle était l'opportunité de l'action humanitaire et les différentes réalisations des ONGs oeuvrant dans le secteur humanitaire, mettons maintenant le cap aux différent textes juridiques justifiant l'exercice de l'action humanitaire. §1. la sécurité juridique de l'opportunité de l'action humanitaireC'est suite à des différentes guerres, catastrophes naturelles ou situations d'urgence du même ordre que le monde ait connu et connaisse que l'action humanitaire fut, dès ce moment, souvent couverte par des mandats du Conseil de sécurité en vertu du Chapitre VII de la Charte, le Conseil estimant que les souffrances indicibles des civils constituaient des menaces à la paix au sens de l'article 39 de la Charte. Le cas de Irak, en mai 1991, et celui de la Somalie, en 1992, sont emblématiques à cet égard. Normalement ce sont des Etats dans les territoires des quels se passent tous ces drames à pourvoir eux même à l'assistance humanitaire des populations sinistrées, mais expériences cela n'a toujours pas été le cas. C'est pourquoi le droit international humanitaire en appelle souvent à l'intervention d'autres Etats, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Mais concernant l'action humanitaire des Etats, leur entrée sur la scène humanitaire est venue remettre en cause l'émergence de cette coutume. L'ingérence humanitaire était tolérée, l'ingérence étatique non. En effet, les buts strictement humanitaires des Etats sont en règle générale sujets à caution. Cependant, les Etats ne doivent pas forcément rester passifs devant de graves violations des droits de la personne humaine. Avant d'étudier dans quelle mesure les Etats peuvent, voire sont tenus d'intervenir, il reste à relever les incertitudes terminologiques entourant la notion d'ingérence humanitaire. Mais concernant les organisations non gouvernementales internationales, elles ont une liberté plus large dans l'exercice de l'action humanitaire. En effet, nous nous sommes donc ressourcer à l'intervention du professeur DIETRICH SCHINDLER faite lors du « COLLOQUE INTERNATIONAL SUR LE DROIT A L'ASSISTANCE HUMANITAIRE »55(*) . Dans ce document, nous voyons en premier lieu l'énoncé des différentes juridiques de l'exercice de l'action humanitaire(A) en droit international humanitaire et en second lieu l'étude exégétique de ces textes(B) A. Enoncé des bases juridiques de l'exercice de l'action humanitaire des Etats, des organisations intergouvernementales et organisations gouvernementales.Ces textes sont repartis en deux blocs à savoir : 1° Instruments ayant force exécutoire, - les conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977 ; - les Conventions relatives aux droits de l'homme, et en particulier les deux Pactes des Nations Unies de 1966 - le chapitre VII de la Charte des Nations Unies 2° Instruments n'ayant pas force exécutoire : - les résolutions 43/131 et 45/100 (Assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situations d'urgence du même ordre) et 46/182 (Renforcement de la coordination de laide humanitaire d'urgence de l'Organisation des Nations Unies) de l'Assemblée générale de l'ONU - la résolution de l'Institut de droit international de 1989 sur «La protection des droits de l'homme et le principe de la non-intervention dans les affaires internes des Etats» - les «Principes directeurs concernant le droit à l'assistance humanitaire», adoptes par l'Institut international de droit humanitaire à San Remo en 1992. Les règles énoncées ci-après visent à résumer les très nombreuses dispositions consacrées aux droits et aux devoirs en matière d'assistance humanitaire qui figurent dans les instruments cites. Elles peuvent offrir un point de départ pour examiner si elles sont adaptées aux conditions actuelles. 1. Les Etats ont le devoir d'assurer une assistance humanitaire aux victimes qui se trouvent sur leur territoire ou sous leur contrôle. · Convention de Genève III, article 26 et suiv., 72 et suiv. : assistance humanitaire aux prisonniers de guerre ; · Convention de Genève IV, article 55 et suiv. : assistance humanitaire dans les territoires occupés, article 108 et suiv. : assistance humanitaire aux internes · Protocole 1, article 69 et suiv. : secours en faveur de la population civile · Protocole II, article 5 (1 b et c) : assistance humanitaire aux personnes privées de liberté, article 18 (2) : assistance humanitaire à la population civile Les trois résolutions de l'Assemblée générale de l'ONU citées plus haut et le Principe 4 de San Remo posent que c'est aux autorités du territoire sur lequel se manifestent les besoins humanitaires qu'il incombe au premier chef de venir en aide aux victimes. Laisser les victimes sans assistant humanitaire constitue une menace contre la vie humaine et une atteinte à la dignité de l'homme. Toutes ces règles présupposent l'existence d'un gouvernement qui fonctionne dans l'Etat considéré. 2. Les Etats, les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales ont le droit d'offrir une assistance humanitaire à d'autres Etats. · Protocole 1, article 70 (i) ; Institut de droit international (1989), article 5 ; Principe 5 de San Remo : les offres d'assistance humanitaire ne peuvent pas être considérées comme une ingérence illicite dans les affaires intérieures d'autres Etats ; · Les quatre Conventions de Genève, article 3 : offres de services du CICR dans les conflits de caractère non international ; · Voir aussi les articles 9 et 10 respectivement des quatre Conventions de Genève (activités du CICR et d'autres organismes humanitaires). 3. Les Etats, les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales ont le droit de fournir une assistance humanitaire à des victimes se trouvant dans d'autres Etats avec le consentement desdits Etats ou, en cas de désintégration de l'autorité étatique et de guerre civile, avec le consentement des autorités locales compétentes. · Convention de Genève 1, article 27 : droit des sociétés de la Croix-Rouge de pays neutres de prêter le concours de leur personnel sanitaire à une Partie au conflit ; · Convention de Genève III, articles 72 et 73 : envois de secours en faveur des prisonniers de guerre · Convention de Genève IV, article 59 et suiv. : secours en faveur de la population de territoires occupés, article 108 et suiv. : envois de secours en faveur des internes · Protocole 1, article 64 : droit des organismes civils de protection civile d'Etats neutres d'apporter une assistance à une partie au conflit, article 70 : actions de secours en faveur des populations civiles, article 81 : activités humanitaires du CICR et d'autres organisations humanitaires ; · Protocole II, article 5 (1 c) : droit à des secours individuels ou collectifs article 18 (2) : actions de secours en faveur de la population civile ; · Résolution 46/182 de l'Assemblée générale annexe (I 3) La Cour Internationale de Justice, dans l'arrêt qu'elle a rendu en 1986 dans l'affaire du Nicaragua, affirme (au paragraphe 242) : «... que la fourniture d'une aide strictement humanitaire à des personnes . . . se trouvant dans un autre pays . . . ne saurait être considéré comme . . . contraire au droit international». (La fourniture de cette aide est toute fois subordonnée à un consentement de la partie considérée à un conflit de caractère international ou non international). Les Etats ne peuvent refuser arbitrairement leur consentement à la fourniture d'une assistance humanitaire (voir plus loin la règle 6). Les organisations privées ou les particuliers qui s'introduisent `sur le territoire d'un Etat étranger sans son consentement dans le but d'apporter une aide humanitaire à des victimes n'agissent pas en violation du droit international, mais elles le font généralement en violation du droit interne de l'Etat considéré. 4. Les Etats n'ont aucun devoir de fournir une aide humanitaire à des victimes se trouvant dans d'autres Etats, mais ils ont le devoir de faciliter l'assistance humanitaire prêtée par d'autres Etats, des organisations intergouvernementales ou des organisations non gouvernementales. Si des mesures coercitives sont prises à l'encontre d'un Etat, les approvisionnements destinés à satisfaire des besoins essentiels de l'être humain doivent en être exemptés. · Convention de Genève IV, articles 23, 59-61, 108 et suiv. : libre passage des marchandises ; · Protocole 1, article 70 (2 et 3) : libre passage des marchandises ; · Les trois résolutions de l'Assemblée générale citées · Les Principes 7 et 10 de San Remo. 5. Le Conseil de sécurité peut, en vertu du chapitre VII de la Charte, constater que l'ampleur d'une tragédie humaine constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales et autoriser des Etats ou des forces des Nations Unies à prendre toutes les mesures nécessaires pour apporter une aide humanitaire aux victimes. · Résolutions 770 (1992) (Bosnie-Herzégovine) ; 794 (1992) (Somalie) ; 929 (1994) (Rwanda) du Conseil de sécurité ; 6. Les Etats ont le devoir d'accepter l'assistance humanitaire fournie par d'autres Etats, des organisations intergouvernementales ou des organisations non gouvernementales conformément au droit international. Il ne leur est pas permis de refuser arbitrairement leur consentement. La plupart des dispositions citées au titre de la règle 3 ci-dessus sont formulées en termes péremptoires («shall agree», «autorisera», «acceptera»). Si le consentement est refusé arbitrairement, les Etats, les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales peuvent prendre toutes les mesures nécessaires à, l'exclusion du recours à la force armée, pour assurer l'accès aux victimes. · Résolution 43/131 et 45/100 de l'Assemblée générale: l'abandon des victimes constitue une menace contre la vie humaine · Résolution 45/170 de l'Assemblée générale (1990) (population civile au Koweït) Résolution 688 (1991) du Conseil de sécurité (populations civiles dans certaines parties de l'Irak) · Institut de droit international (1989), article 2 (2) · Principes 3,5 et 6 de San Remo 7. Tout particulier a le droit, opposable à l'Etat sous le contrôle duquel il se trouve, de recevoir une aide humanitaire, dans la mesure où ledit Etat a le droit de fournir une assistance humanitaire ou d'en autoriser la distribution en vertu des règles 3,4 et 6. Toutes les garanties contenues dans les Conventions et les Protocoles de Genève en faveur des personnes protégées sont considérées comme des droits desdites personnes (articles 7, et 8 respectivement des quatre conventions). Les particuliers n'ont pas de droits qui soient opposables aux Etats tiers, aux organisations intergouvernementales ou aux organisations non gouvernementales. L'abandon de victimes peut constituer une atteinte au droit à la vie, au droit d'être à l'abri de la faim et au droit de jouir du meilleur état de sante physique et mentale possible, qui sont garantis par les deux Pactes des Nations Unies et d'autres instruments de protection des droits de l'homme. * 55 DIETRICH SCHINDLER, « Le droit à l'assistance humanitaire : droit ou obligation ou les deux ? » in COLLOQUE INTERNATIONAL SUR LE DROIT A L'ASSISTANCE HUMANITAIRE, Thème 5, Maison de l'UNESCO Park, 25-27 janvier 1995, |
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