II.3.2 Les circuits financiers informels ou
semi-formels
Les circuits financiers informels couvrent les
opérations de toutes les entités licites mais non
réglementées telles que les associations d'épargne et de
crédit (à fond tournant ou non), comme les tontines ; ainsi que
les prêteurs sur gages, les encaisseurs de fonds ( buakisa carte) et
autres prestataires des services financiers. Leur caractéristique
principale est d'être en dehors d'action juridique, fiscale,
réglementaire et prudentielle des autorités monétaires et
financières.
Une classification élémentaire utile consiste
à distinguer d'un coté un système informel spontané
(autonome) qui comprend les associations de type tontines, prêteurs sur
gage et autres mécanismes similaires qui existent indécemment de
tout contrôle public du secteur formel et de l'autre coté les
mécanismes informels qui se créent pour combler des vides du
système financier formel ou contourner les répressions
financières auxquelles est soumis le secteur formel.
On ne dispose pas des statistiques globales sur le champ
d'action et l'importance relative des circuits financiers informels et
semi-formels dans la province-ville de Kinshasa, mais l'enquête par
sondage a été effectuée et quelques données
anecdotiques dont on dispose donnent à croire qu'ils occupent une place
importante dans le secteur financier congolais.
Certes, les circuits financiers informels et semi-formels
comportent des inconvénients intrinsèques à divers
égards : économies d'échelles transformations des
échéances ; transferts spatial de l'épargne ;
prédominance des transactions en espèces, gamme des
échéances des instruments et des opérations et enfin
très faible rôle d'intermédiation. En fait, on ne peut
remédier à ces problèmes qu'avec un système formel
adéquat et efficace ce qui suppose en premier lieu des mécanismes
également efficaces pour intégrer ces activités au secteur
formel.
Les possibilités du système au plan de la
collecte de l'épargne des particuliers et au plan de la
décentralisation du crédit sont déterminées par son
rôle et la façon même dont il fonctionne, le fait qu'il
traite l'épargne des particuliers est manifeste, en ce sens que, d'une
manière générale les sommes moyennes
épargnées sont très modestes et les soldes moyens des
comptes sont généralement inférieurs au minimum
exigé par les banques commerciales. Les renseignements dont dispose
confirment les aspects généraux suivant du système
financier informel et sémi-formel en République
Démocratique du Congo :
Le secteur informel est beaucoup plus étendu et
varié que le secteur formel et exception faite du financement à
long terme, il assure la plupart des services financiers fournis au secteur
rural ;
Il existe des systèmes collectifs d'épargne et
de crédit informels spontanés, bien établis et efficaces
dans pratiquement toutes les villes de la RDC Ils sont fondés sur le
volontarisme, l'autonomie, les faibles coûts des transactions et
d'information, la commodité, la souplesse, la confiance et les garanties
intangibles (souvent une promesse orale) ;
Le secteur informel assure essentiellement la mobilisation des
dépôts et la garde des fonds, mais pour la distribution de
crédit, il est basé sur les avantages que constituent
l'information et les faibles coûts des transactions qui constituent aussi
une forte incitation pour les petits épargnants malgré les taux
d'intérêts élevés
prélevés sur les sommes empruntées. En
fait les institutions qui offrent à la fois des services de
crédit et de dépôt ont une performance qui sensiblement
meilleurs que seules qui acceptent que les dépôts.
L'épargne mobilisée par les tontines, les
associations d'épargne et de crédit, et le système de
carte est préemptée généralement par l'Etat.
Le secteur financier sémi-formel reproduit le biais du
système du système formel en faveur de ville, en ce qu'il draine
l'épargne rurale pour alimenter la distribution de crédit en
milieu urbain,
Paradoxalement, malgré les avantages évidents
des circuits financiers informels et semi-formels à Kinshasa tout le
monde les condamne, sauf pour ce qui est des « coopératives
d'épargne et de crédit agréées ». Ce qui
montre bien les difficultés de l'activités financière
informelle en République Démocratique du Congo . L'attitude de
pouvoir public devra changer radicalement avant que les politiques
adéquates puissent être mises en place.
3.3 Les coûts et avantages du dualisme
financier au Congo.
Avant tout, comprenons d'abord la catégorisation, les
opérations et les services de microfinance tels que pratiqués en
R.D.C. dans le tableau ci-après :
Tableau n°6 : comparaison des institutions de
microfinance en R.D.C. et mobilisateurs informels.
|
Crédit
|
Epargne
|
Crédit-bail
|
Location coffre
|
Formation
|
|
|
|
Institution
|
Profession
|
|
Autres opérations
|
|
|
Clients
|
Objectifs
|
Agrément
|
Caisse IMF
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Membres
|
Lutte contre la
pauvreté
|
BCC
|
Société MF
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Public
|
Lutte contre la
pauvreté
|
BCC
|
Entreprise MF
|
Oui
|
Non
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Public
|
Lutte contre la
pauvreté
|
BCC
|
Carte Non Oui/NH Commerce Pharmacie Change... Public
Imprécis Non
|
Tontine mut.(L) Non Oui/NH Commerce Culturelle Sociale... Membres
Entraide Non
|
Tontine co.(M) Oui/NH Oui/NH Commerce Culturelle Sociale...
Membres Entraide Non
|
Caisse mutuelle Oui/NH OUI/NH Sociale Culturelle Sociale....
Membres Entraide Non
|
Banque Lambert
|
Oui
|
Non
|
|
|
|
Public
|
Gain monétaire
|
Non
|
Source : C.MUYA et E. MUKUNDI, in mobilisation informelle de
l'épargne dans la ville de Kinshasa, Séminaire IRES Avril 2006
Légende : L= likelemba ; M= muziki ; NH= profession non
habituelle.
Selon l'article 4-9 de l'instruction n°01 de la BCC et de
l'instruction n° 02 relative à la microfinance ; les IMF sont
reparties en trois premières catégories du tableau ci-haut et
expliquées dans la page qui suit :
1° Caisses de microfinance : (Capital
initial : 15.000 USD), elle collectent l'épargne de leurs membres pour
l'affecter à des opérations de microcrédit à leur
profit.
2° Sociétés de microfinance :
(Capital initial : 50.000 USD),elle collecte l'épargne du public et lui
octroie du microcrédit.
3° Entreprises de microfinance : (Capital
initial : 100.000 USD),
Elles accordent de microcrédit au tiers. Elles ne peuvent
collecter l'épargne que si elles y sont autorisées, à
titres accessoires par la BCC.
De cette comparaison du tableau n°6, deux thèses
s'opposent sur la question de savoir s'il faut mettre en oeuvre une
stratégie de réduction du dualisme financier au Congo au
bénéfice du circuit moderne :
Celle qui considère que le secteur informel rend des
services appropriés dans les zones éloignées et à
des segments de la population ou à des activités
économiques qui ne peuvent pas avoir accès aux circuits bancaires
;
Celle qui soutient- que le dualisme financier comporte des
surcoûts considérables et des pertes en terme d'efficacité
et d'organisation qui sont supportés par une partie de la population.
Les arguments de part et d'autres peuvent être repris
autour de quatre préoccupations suivantes :
Sur la mobilisation de
l'épargne : les coûts de gestion et de
l'intermédiation dans le secteur informel sont faibles, il offre en
outre des facilités qui incitent les épargnent à accumuler
des petites sommes qui autrement auraient été
dépensées à des fins de consommation ou
thésaurisées. En fin, les systèmes informels
échappent au problème de crédit non remboursés qui
mine le secteur officiel, en raisons des liens essentiellement sociaux et
personnels qui caractérisent les transactions financières dans ce
secteur.
Sur l'affectation des ressources :
Il y a souvent un lien direct et visible entre l'acte d'épargne et
d'investissement dans le secteur informel. Cette proximité garantit la
sécurité et la confiance dans les allocations des ressources.
Mais la réduction du dualisme entraînerait une diffusion
sectorielle et géographique de l'épargne en direction des
secteur, les plus moteurs, et donc elle serait favorable à toute
l'économie.
d'un groupe cible ou d'un secteur donné notamment dans le
monde rural sont inexistants.
Mais, lorsqu'un niveau considérable des
liquidités mobilisables échappe au secteur bancaire comme c'est
le cas en R.D.C où 86% de la masse monétaire circule hors le
circuit bancaire, les ressources potentielles du secteur formel se trouvent
réduites, les agrégats sont mal connus et la définition de
la politique monétaire et financière se révèle
difficile.
Sur l'équité sociale :
la segmentation des marchés introduit une sorte de spécialisation
de fait en vertu de laquelle chaque secteur répond le mieux aux besoins
de son segment selon ses avantages comparatifs propres.
Mais le secteur informel pratique des taux usuraires du fait
d'inégalités d'accès aux ressources et de « l'effet
d'influence » (lié en pratique aux pressions sociales
traditionnelles), qui met les prêteurs dans une position
privilégiée pour profiter d'une demande fortement
inélastique entraînant les emprunteurs dans un cycle infernal de
désépargne et de l'endettement perpétuels.
Nous ouvrons dans cette étude le débat. Si l'on
considère que les coûts impliqués par la persistance du
dualisme financier en R.D.C. l'emporte sur les avantages qui peuvent en
être tirés, il faut mener une stratégie de la
réduction du dualisme. Mais une telle évaluation est
inévitablement difficile. Des formules d'articulation sont
néanmoins ouvertes quand par exemple comme nous le verrons, le
crédit aux microentrepreneurs joue un rôle des « grossistes
» dans le financement des opérateurs des microcrédits.
L'intégration de deux secteurs24 ne peut
toutefois être que progressive, « par un processus de croisement de
deux secteurs, plutôt que par la pure substitution de l'un à
l'autre, du moins dans les premiers stades (CT et MT). Il faut agir dans deux
directions :
Institutionnaliser le secteur informel ;
Déformaliser en partie le système bancaire
congolais.
Il faut admettre la coexistence pendant toute la période
de transition de deux systèmes avec des normes différentes et
chercher à organiser leur complémentarité.
24 GERMIDIS D. et MEGHIR E.. ,Système
financier et développement :quels rôles pour les secteurs
financiers formels et informels ? étude du Centre de
développement de l'OCDE, Mars 1991, cité par PIERRE JAC. Et MARC
RAFFINOT in la nouvelle politique économique pour l'Afrique, Ed.
EDICEF/AUPELF, P.201-02
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