3. Prosodie sémantique en tant que
procédé rhétorique :
Louw (1993) a longuement abordé le
phénomène en tant que procédé rhétorique.
Dans son article (1993) «Irony in the text or insincerity in the
writer», il nous explique comment l?auteur peut profiter de
l?utilisation des unités lexicales à prosodie sémantique
différente, ce qu?il appelle «collocative clash»
(1993: 157). En d?autres termes, l?auteur crée des collocations
inhabituelles et inattendues par le lecteur, pour exprimer de l?ironie et
produire un effet créatif. Par exemple, si on associe le mot «
set in », qui a une prosodie négative13, avec
« happiness » qui est, bien entendu, un mot à connotation
positive, en disant « happiness set in », cela provoquera un
choc? pour le lecteur, qui se trouvera obligé de changer de
mode d?interprétation. Par conséquent, le lecteur, surtout le
non-natif, doit avoir des connaissances sur la prosodie sémantique pour
être capable de percevoir l?ironie ou le manque de
sincérité de la part de l?auteur. Toutefois, Louw et
Château (2000) ajoutent que le locuteur peut parfois créer un
effet ironique sans le vouloir, en laissant parler son inconscient,
13 Selon Sinclair 1991
ou peut-être, tout simplement, en faisant une erreur de
« non-natif ". Dans les deux cas, cet effet peut semer la confusion pour
le lecteur.
»In cases where irony is involuntary, it could be an
unconscious revelation of the real attitude of the speaker, a form of Freudian
slip. Exceptions to this rule would be those cases where speakers are not using
their first language, or in the case of children and younger, inexperienced
speakers» Louw & Château (2000: 757)
En somme, être bien renseigné sur la prosodie
sémantique, permettrait de créer de l?ironie, et d?éviter
de semer la confusion avec ses propos (pour les auteurs/locuteurs), ainsi que
de lire entre les lignes (pour les lecteurs/interlocuteurs).
De plus, Louw (1993), ainsi que d?autres linguistes tels que
Partington (1998) et Tognini Bonelli (2001) pensent que l'étude de la
prosodie sémantique pourrait aussi servir à des
sociétés publicitaires pour trier les mots à choisir ou
à éviter dans leurs campagnes. Le choix d'une unité
lexicale qui a une prosodie sémantique positive, pourrait avoir des
conséquences positives sur la psychologie des consommateurs, et
vice-versa. D?ailleurs, Partington (1998 : 77) pense que des corpus
spécialisés dans le domaine de la publicité pourraient se
révéler très utiles pour l?exploration du
phénomène de la prosodie sémantique.
Les politiciens aussi pourraient utiliser ce
phénomène pour influencer leurs électeurs, ou pour faire
passer des lois. Louw (2000 : 58), par exemple, remarque que dans le cadre du
débat sur l?euthanasie, le verbe « bring about " a
été employé à la place du verbe « cause
"14 pour dire « bring about death". Ceci a pour but de
donner un sens positif à la mort et faire accepter plus facilement cette
idée.
Même les journalistes pourraient en profiter, pour
toucher leurs lecteurs et influencer leurs opinions. Plusieurs linguistes se
sont empressés de le faire remarquer. Notamment Partington (1998)
«A writer can refer to a group he or she disagrees
with as fundamentalist?, in the hope that the bad connotation of the word will
infect that group by a process of contagion or prosodic spread»
(Partington 1998: 75)
14 Qui a une prosodie sémantique
tr~s négative, selon l?étude de Stubbs (1995)
D?autres constatations intéressantes qui, encore une fois,
encouragent à étudier davantage ce phénomène.
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