b) Caractéristiques de la prosodie sémantique
:
D?après les études qui ont été
faites sur ce phénomène, nous distinguons entre prosodie
sémantique négative, positive et neutre. Selon Louw (1993:171),
il semble y avoir plus d?unités lexicales à prosodie
sémantique négative que d?unités lexicales à
prosodie sémantique positive ou neutre. En effet, les linguistes ont
détecté beaucoup plus de mots qui entrent en cooccurrence avec
des mots négatifs, tels que les verbes « set in " et
« happen " (Sinclair 1991:74-75, 112), «
symptomatic", « bent on" et « utterly "
(Louw 1993:169), « cause" et « break out " (Stubbs
1995, 1996:173-174), « commit " , « peddle " et
l?adjective « rife" Partington (1998: 66-67), etc.
Partington (2004:133) tente d?expliquer cela par le fait que
les humains ont plus tendance à communiquer au sujet des mauvaises que
des bonnes choses. D?autre part, Partington (1998 : 66) souligne qu?il y a des
unités lexicales qui possèdent un sens exprimant des valeurs ou
des attitudes. Par exemple, le choix de l?utilisation de « to be
stubborn " ou « to be pig headed " (qui veulent tous les
deux dire « être entêté "), dépend de la
situation du locuteur (si ça le gene beaucoup que l?autre sois
entété, il va utiliser le terme « pig headed " en
le décrivant. Sinon il choisira plutôt « stubborn
»). De plus, comme l?a mentionné Hunston (2007), il est important
de prendre en compte le point de vue de la personne qui décide s?il
s?agit d?une prosodie négative ou positive, chose que beaucoup de
linguistes tendent à ignorer :
»The concepts of positive and negative evaluation may
themselves be oversimplification, and in any case rest crucially on a notion of
point of view» Hunston (2007: 256)
En d?autres termes, une personne peut percevoir un mot comme
ayant une connotation négative, et une autre personne, ne vivant pas
dans le méme pays ou n?ayant pas les mémes goûts, peut le
considérer comme ayant une connotation positive ou neutre.
Néanmoins,
Partington et Morley (2009) ne partagent pas vraiment l?avis de
Hunston (2007). Ils notent que:
«In conversation, the default point-of-view (...) is
normally that of the speaker (...). It is reasonable, then, when attempting a
lexical-grammar description of the prosodic priming information associated with
an item, to assume the default point of view is the speaker?s»
Partington et Morley (2009: 150)
Par ailleurs, Partington (2004 : 153), comme Hunston et
Thompson (1999), affirme que la prosodie sémantique n?est pas toujours
absolue, et qu?elle aurait des degrés de négativité ou de
positivité. Par exemple, « bent on » et «
set in » ont tous les deux une prosodie sémantique
négative, mais il y a plus de mots défavorables qui entrent en
cooccurrence avec « set in » (presque 100% des contextes)
que ceux avec « bent on », qui, bien que rarement, apparait
dans quelques contextes neutres et positifs.
Plusieurs linguistes parlent aussi du rôle important que
jouent les corpus pour détecter le phénomène. En
l?occurrence, Louw (1993) affirme que la prosodie sémantique n?est pas
facilement accessible par l?intuition, et que l?usage des corpus en
lexicographie facilite son étude :
«Li]t may well turn out to be the case that semantic
prosodies are less accessible through human intuition than most other phenomena
to do with language». Louw (1993 : 173)
Encore plus radical, Stubbs (1995 : 249) déclare que
les corpus constituent les seuls moyens fiables pour explorer le
phénomène. Partington (2004 : 155) de son côté, a un
avis plutôt nuancé sur le sujet. D?une part il affirme qu?il y a
des unités lexicales qui avaient déjà une prosodie
positive ou négative, avant même que l?on ne le découvre
grâce aux corpus. Et il donne comme exemples « commit
» et « perpetrate », qui ont été
décrits dans le dictionnaire « Oxford Advanced Learner?s
Dictionnary (edition 1980) »5, comme ayant une connotation
négative. D?autre part, il admet que les corpus ont permis beaucoup de
révélations sur le phénomène et qu?ils sont donc
pertinents. Quant à Whitsitt (2005), il pense
5 Un dictionnaire qui n?est pas
fondé sur des corpus
que sans l?intuition, les linguistes auraient eu des
difficultés à sélectionner des mots comme « set
in » pour l?étude. De plus, il souligne que l?intuition est la
base du corpus :
«But then the next question we would be prompted to
ask is why in the first place did the semantic prosodist ever want to observe a
word like set in? For the semantic prosodist, such a question presents
considerable difficulties, and the reason why he or she would do everything to
not answer this question is because the answer can hardly avoid referring to
the very mental faculty corpus linguists criticize most: intuition.(...)
Moreover, it seems that intuition is not only at work at the beginning of any
inquiry, but is the very thing that makes a corpus possible, for it is surely
the collection of people?s intuitive use of language that makes it possible for
a corpus to contain «real» language.» (Whitsitt 2005:
294)
Whitsitt (2005) critique aussi l?étude7
menée par Louw (1993) sur ce sujet, en déclarant qu?elle est mal
fondée. Pour lui, le fait que des élèves
réfléchissent sur l?utilisation d?un mot, enlève toute
forme d?intuition.
Autre remarque intéressante au sujet de la prosodie
sémantique, c?est qu?elle peut titre liée à un
phénomène de colligation. Par exemple, Louw (1993) a
constaté que le verbe « build up » a une prosodie
sémantique positive quand il est transitif (e.g. build up
confidence), et qu?il a une prosodie négative quand il est
utilisé intransitivement, (e.g. resistance builds up)
Toutes ces caractéristiques nous ont aidé
à détecter plus facilement la prosodie sémantique des mots
sélectionnés à l?étude. Par ailleurs, le fait que
ce phénomène ne soit pas facilement accessible par
l?introspection, comme le soulignent Stubbs (1995) et Louw (1993), nous a
incité à choisir des mots anglais qui ont été
déjà étudiés par d?autres linguistes, pour les
analyser en français et en langue spécialisée. D?autre
part, la notion du « point de vue » évoquée par Hunston
(2007) nous a bien aidé dans notre analyse des mots, surtout dans le
Corpus des Sciences de la Terre (CST)8. Nous verrons cela dans la
partie « Analyses et discussions ».
7 Cette étude visait à
comparer les résultats du corpus, avec des propositions de candidats sur
l?utilisation d?un terme
8 Corpus des Sciences de la Terre
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