Introduction :
La linguistique de corpus, une approche théorique et
méthodologique pour l?étude de la langue, connait un grand
développement depuis plus de trente ans. Firth (1957) le premier, s?est
intéressé aux mots en contextes et à la compagnie des mots
qui l?entourent, tandis que Sinclair (1987), qu?on peut désigner comme
le fondateur de la discipline, s?est concentré sur le profil
collocationnel des mots. C?est d?ailleurs l?approche de ce dernier qui nous a
inspirée pour ce mémoire. Il s?agit ici d?analyser des corpus1,
pour en extraire des concordances à l?aide de logiciels informatiques,
afin d?examiner, parmi de nombreuses autres fonctions, des statistiques sur des
mots, dans le but d?explorer un phénomène linguistique
précis; la prosodie sémantique. Ce phénomène, dans
lequel une unité lexicale devient contaminée? par la
connotation négative ou positive de ses collocations, réside au
niveau pragmatique de la langue.
La prosodie sémantique se démarque des autres
phénomènes linguistiques (colligation, collocation,
préférence sémantique), par la plus grande discorde
qu?elle provoque (Whitsitt 2005). En effet, ce phénomène intrigue
bien des linguistes, et le développement des corpus leur a permis
d?effectuer des études plus approfondies sur le sujet. Et si il y a
autant de débats, c?est parce que la prosodie sémantique n?est
pas un phénomène simple à définir. Elle n?est pas
facilement accessible par l?introspection et demande beaucoup de temps et des
observations approfondies pour être repérée. Par ailleurs,
des linguistes tels que Louw (1993), Bowker (2007), Partington (1998), Wang and
Wang (2005), savent que l?application de son étude
bénéficierait aussi bien aux lexicographes, qu?aux terminologues
et qu?elle permettrait notamment de résoudre des problèmes de
traduction et d?enseignement d?une langue seconde.
Dans le cadre du master en Langues de
Spécialité, Corpus et Traductologie, nous avons eu
l?opportunité de découvrir ce phénomène et
d'évaluer son importance dans l?étude de la langue, ainsi que
dans la traduction. Une importance qui demande que l?on s?y attarde de plus
près. D?autant plus que ce domaine de recherche a longtemps
été exploré en anglais, mais très peu en d?autres
langues, notamment en français. D?autre part, et comme le fait
1 Un corpus est un ensemble de documents écrits ou
oraux, sous format électronique, dans une langue donnée,
utilisés pour une étude, spécialement pour une
étude linguistique
remarquer Bowker (2007), les études
réalisés dans ce domaine, ont été essentiellement
en langue générale, et rarement en langue de
spécialité.
L?objectif de ce mémoire est donc, de mieux comprendre
ce qu?est la prosodie sémantique et quels types de problèmes
celle-ci peut engendrer dans la traduction de langue générale
comme de langue spécialisée, pour pouvoir juger de
l?utilité de l?introduction de ses informations dans les dictionnaires.
Pour ce faire, nous allons effectuer une comparaison entre des unités
lexicales dans la langue générale, et ces mêmes
unités lexicales en langue de spécialité, plus
précisément dans des corpus en sciences de la terre. En outre,
nous examinerons ces mots non seulement en anglais, mais aussi en
français, pour ainsi faire une comparaison des équivalents (en
langue générale et en langue spécialisée).
Grâce à ces analyses nous pourrons voir si la prosodie
sémantique varie d?une langue à une autre et d?une langue
générale à une langue spécialisée. Et
à la fin de notre étude, nous pourrons alors trancher si oui ou
non, les informations sur la prosodie sémantique dans les dictionnaires
de langue générale, comme de langue de spécialité,
sont indispensables pour les traducteurs.
Deux hypothèses seront donc testées pour
apporter à cette question des éléments tangibles. La
première est celle de Partington (2004: 153-154) selon laquelle une
unité lexicale utilisée en langue générale et en
langue de spécialité, pourrait avoir une prosodie
sémantique différente. Si cette hypothèse est
confirmée, comme elle l?a été pour Tribble (2000),
ça impliquerait que les informations sur la prosodie sémantique
devraient être introduites dans les dictionnaires
spécialisés, pour aider leurs usagers et leur éviter la
confusion. Nous allons donc comparer des unités lexicales dans la langue
générale puis dans une langue de spécialité
(sciences de la terre).
Parallèlement, nous allons tester une autre
hypothèse de Partington (1998:77-78), selon laquelle deux unités
lexicales équivalentes de deux langues, pourraient avoir une prosodie
sémantique différente. Cette dernière hypothèse a
été testée par Partington (1998), mais également
par d?autres linguistes tels que Berber-Sardinha (2000), Tognini Bonelli
(2001). La spécificité de notre étude, consiste dans le
fait que nous n?allons pas seulement nous contenter de tester cette
hypothèse dans les langues générales de l?anglais et du
français, mais aussi de comparer des unités lexicales
équivalentes (anglais-français) dans les langues de
spécialité, comme l?ont fait Bowker (2006) et
Kübler&Volanschi (à paraître). Si cette hypothèse
est prouvée, cela soulignerait la nécessité de
l?introduction des informations sur la prosodie sémantique dans les
dictionnaires, pour réaliser une traduction cohérente sans une
mauvaise interprétation de la part du traducteur.
De ce fait, il nous a semblé nécessaire dans le
premier chapitre de présenter le phénomène de la prosodie
sémantique, tel qu?il a été défini et
caractérisé par différents linguistes, considérant
qu?il est primordial de bien comprendre ce phénomène avant toute
analyse.
Puis, dans le deuxième chapitre nous évoquerons
plusieurs études menées sur la prosodie sémantique, qui
nous ont permis d?observer les différentes méthodologies suivies,
et de nous en inspirer pour notre travail. Ces études nous ont aussi
aidé à évaluer l?importance de la prosodie
sémantique dans le monde linguistique.
Nous présenterons ensuite, dans le troisième
chapitre, les considérables corpus et leurs outils d'interrogation, qui
nous ont permis de mener au mieux notre recherche. De même, nous
parlerons des différentes unités lexicales examinées,
ainsi que de la méthodologie suivie dans notre étude.
Le dernier chapitre sera consacré à notre analyse
et aux discussions sur les résultats obtenus et sera suivi par une
conclusion et quelques remarques.
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