2.3.2.4. Estimation de la biodisponibilité du
Zinc et du fer dans le régime
Pour évaluer correctement l'adéquation de
l'apport en Zinc et en fer, il est nécessaire de prendre en compte leurs
biodisponibilités. La biodisponibilité est définie comme
la proportion du nutriment ingéré qui est absorbée et
utilisée par les voies métaboliques normales (Hurrell, 2002).
Elle est influencée aussi bien par le régime alimentaire que par
les facteurs liés à l'hôte. Plusieurs constituants
alimentaires sont connus comme pouvant modifier la biodisponibilité du
fer et du Zinc : des facteurs activateurs de l'absorption et d'autres
inhibiteurs de l'absorption. Ces facteurs sont présentés dans le
tableau 2.
La forme chimique du fer et celle du zinc dans l'aliment
influent aussi sur leurs biodisponibilités. Les deux formes du fer sont
présentes dans les aliments : le fer hémique et le fer non
hémique. Le fer hémique est présent dans les aliments
d'origine animale et est facilement absorbé alors que le fer non
hémique se retrouve dans les aliments d'origines végétales
et est complexé par les phytates et les tanins, donc difficilement
absorbé et se retrouve dans les cellules gastro-intestinales. (WHO /FAO,
2004)
Tableau n°2 : Composants alimentaires qui
influencent l'absorption du fer et du Zinc
Fer non hémique Zinc
Activateurs
Viande, volailles, poisson
Acide Ascorbique,
autres acides organiques
(acide citrique, lactique, malique)
Activateurs
Viande, vollailes, poisson
Acides organiques
(acide citrique, lactique, malique)
Inhibiteurs
Phytates
Polyphénols (ex des tanins) Calcium
Certains produits de soja transformés
|
Inhibiteurs
Phytates
Calcium
Certains produits de soja transformés
|
Source : (GIBSON,
2008)
Quant au zinc, la forme organique tend à être
plus absorbée et moins affectée par les facteurs
antinutritionnels que la forme inorganique (Solomons et al, 1979). La
consommation des protéines animales, les acides organiques produites
lors de la fermentation augmentent l'absorption du zinc (Loennerdal, 2000).
Enfin l'absorption du zinc comme le fer, est aussi
affectée par le zinc contenu dans le régime et le statut en zinc
de l'individu (Löennerdal, 2000). La mesure directe de la
biodisponibilité du fer et du zinc, dans les plantes consommées
dans les pays en voie de développement, en utilisant des techniques
isotopes radioactives stables, est limitée (FAO/WHO ,1988 ; WHO, 1996).
Par conséquent, des modèles de calcul de la
biodisponibilité sont souvent utilisés pour estimer la
biodisponibilité en zinc et en fer dans les régimes. Ces
différents modèles mathématiques qui tentent de
prédire la biodisponibilité du fer et du zinc prennent en compte
: la forme du nutriment, la présence des facteurs activateurs et
inhibiteurs, et le statut en zinc et en fer de l'individu.
Plusieurs modèles existent pour calculer la
biodisponibilité du fer et trois modèles pour le zinc. Les
détails sur ces différents modèles peuvent être
consultés dans le manuel : An interactive 24-hour recall for
assessing the adequacy of iron and zinc intakes in developing countries
(Gibson, 2008). Le modèle utilisé au cours de cette
recherche est celui disponible dans le programme World Food 2. Il s'agit du
modèle de Murphy (1992)
Dans le modèle de Murphy (1992), l'absorption du fer
hémique est estimée à 25% et compte pour 40% du fer dans
les viandes, volailles et poissons. Le fer non hémique est
considéré relativement faible et est fonction de la consommation
de viandes, volailles, poissons, acides ascorbiques, polyphénols et
aussi en fonction du niveau de réserve en fer de l'individu.
Elle est donnée par la relation :
Biodisponibilité du fer = (fer hémique x
facteur de biodisponibilité du fer non hémique) + (fer non
hémique x facteur de disponibilité du fer non hémique x
facteur thé-café) où :
- le fer hémique est 40% du fer contenu dans la viandes,
volailles ou poisson ;
- le facteur de biodisponibilité du fer hémique est
0,25, celui de fer non hémique est
0,05 mais dépend de la moyenne en acide ascorbique et de
la densité des viandes,
volailles, poissons dans le régime ;
- le facteur thé-café varie entre 0 .4 et 1.0 et
dépend du nombre de tasse de café dans le régime.
En ce qui concerne la biodisponibilité du zinc, Murphy
proposa en 1992 une formule qui par a été modifiée en 1996
en raison des nouvelles recommandations de la FAO /WHO (1996). Ce modèle
prend en compte les protéines animales, les facteurs inhibiteurs, la
proportion de l'acide phytique par rapport au zinc et la teneur en calcium dans
le régime.
Biodisponibilité du zinc (mg/jour) = total zinc
(mg/jour) x facteur de biodisponibilité du Zinc : où le
facteur de biodisponibilité est 0,10 si le rapport phytate/zinc est
supérieur à 30 ; 0.15 si le rapport est compris entre 15 et 30 et
0,30 si le rapport est en dessous de 15
2.3.2.5. Estimation des protéines
utilisables
L'estimation des besoins en protéines est
exprimée en prenant comme référence la protéine de
l'oeuf qui est considérée comme une protéine de haute
qualité. L'apport en protéines est donné par la formule
:
Apport en protéine utilisable du régime = Apport x
score d'acide aminée x coefficient d'utilisation digestibilité
(FAO /WHO/UNU, 1985).
Le score en acide aminé est calculé en comparant
chacun des 4 acides aminés (lysine, tryptophane,
méthionine+cystéine et la thréonine) aux besoins
recommandés. Pour chaque
acide aminé, l'apport de l'acide aminé (en mg)
est divisé par l'apport total en protéines (en gramme); et
comparé avec les recommandations du ratio de la FAO /OMS qui sont
présentées dans le tableau n°3 ; l'acide aminé
limitant étant l'acide aminé ayant le score le plus faible et son
score est utilisé pour le calcul l'apport en protéine
utilisable.
Le calcul de coefficient utilisation digestible (CUD) est
calculé en utilisant la formule suivante : CUD = 1- (0.1 x
quantités de fibre alimentaire/quantité de protéines).
Cette équation a été établie
à partir d'un modèle de régression basée sur la
digestibilité des protéines du maïs, du riz blanchi, farine
de blé, grain de soja, mil, arachide, du niébé
séché et leurs compositions en fibres alimentaires (FAO/WHO/UNU,
1985).
Tableau n°3: Recommandations du Ratio en
acide aminé (mg/g protéine)
Acide aminé
|
Enfant préscolaire
|
Enfant scolaire
|
Adulte
|
Lysine
|
|
58
|
44
|
16
|
Tryptophan
|
|
11
|
9
|
5
|
Methionine cystine
|
+
|
25
|
22
|
17
|
Threonine
|
|
34
|
28
|
9
|
Source : (Murphy,
1997)
Les enquêtes de consommations alimentaires permettent
d'apprécier non seulement la quantité d'aliments
consommés, mais aussi la qualité du régime. La
qualité du régime alimentaire comprend les concepts de
diversité alimentaire qui consiste en la consommation d'aliments ou de
groupes d'aliments variés afin de couvrir les besoins nutritionnels. Il
existe de nombreuses manières d'estimer la qualité du
régime alimentaire.
2.4 DIVERSITE ALIMENTAIRE AU NIVEAU INDIVIDUEL ET
NIVEAU MENAGE La diversité alimentaire peut être
appréciée de façon simple à l'aide du Score de
Diversité Alimentaire (SDA) défini comme le nombre de groupes
d'aliments différents consommés au cours d'une période
donnée ou du Score de Variétés Alimentaires (SVA) qui
prennent en compte le nombre d'aliments consommé plutôt que les
groupes. Certains auteurs utilisent ces deux concepts (Hatloy et al ,1998 ;
Torhein, 2004 ), cependant la consommation d'aliments appartenant à
plusieurs groupes semble plus bénéfique que la consommation de
aliments appartenant au même groupe. De nombreux auteurs ont choisi de
travailler exclusivement avec les SDA (Tarini et al 1999 ; Savy et al, 2006 a).
Savy et al ont montré que le SDA est un bon outil pour décrire le
régime alimentaire (Savy et al, 2005). Il n'existe aucun consensus
international sur le choix des groupes d'aliments pour les
sujets surtout chez les adultes. Dans la littérature récente,
différentes classifications ont été utilisées
(Hatloy et al, 2000 ; Torhein, 2003; Arimond et Ruel, 2002; Savy et al, 2006b).
La FAO propose une classification en 14 groupes pour la mesure de la
diversité alimentaire individuelle et 12 groupes au niveau au
ménage (FAO, 2007) tandis que FANTA propose 12 groupes d'aliments
(Swindale et Bilinsky, 2006). Selon la FAO, le score de diversité
alimentaire au niveau individuel permet d'évaluer la qualité du
régime de l'individu, alors que le score de diversité alimentaire
au niveau du ménage estime l'accès économique du
ménage à la nourriture, car il ne considère que les
aliments dans le ménage.
Une autre question est la prise en compte d'une
quantité minimale pour comptabiliser ou non un aliment dans la
construction du score. Il est en effet courant de rajouter des
ingrédients dans la sauce, comme la poudre de poisson
séchée et affiti (les graines de néré
fermentées). Ces aliments sont consommés fréquemment, mais
en faible quantité. Ainsi, si tous les aliments, quelle que soit la
quantité consommés, sont comptabilisés pour la
construction des scores de diversité alimentaire, on ne peut alors plus
différencier ceux qui ont une consommation très faible
(pincée de poudre dans la sauce) de ceux qui ont une consommation
significative (poisson entier).
Les scores de diversité alimentaire sont construits en
additionnant le nombre d'aliments où groupes d'aliments consommés
durant une période donnée. Chaque aliment ou groupe d'aliments
contribue ainsi de la même façon au score final, et ce qu'il soit
consommé une fois où plusieurs fois au cours de la période
donnée. Les questions de seuil pour définir que les niveaux de
diversité faible, moyen ou élevée, posent également
problème. En effet le nombre de groupes d'aliments à consommer
par jour pour bénéficier d'un régime de bonne
qualité n'a pas été fixé tant qu'un aucun consensus
n'a été trouvé quant au nombre de groupes d'aliments
à intégrer dans le score. Le découpage de
l'échantillon en terciles ou en quintiles peut être utilisé
pour classer les individus et les comparer entre eux. Il est cependant
impossible d'obtenir des terciles ou des quintiles égaux, car le score a
des valeurs discrètes. La durée sur laquelle doit
s'étendre le rappel n'est pas définie. Dans un contexte
d'éducation faible, il est préférable d'interroger les
personnes sur les courtes périodes afin d'éviter les biais de
mémoire et cela est moins lourd pour l'enquêté.
Le score de diversité pour évaluer l'alimentation
du jeune enfant a fait l'objet de récentes publications et un
consensus est maintenant trouvé quant au nombre d'aliments à
inclure dans
le score, à la quantité minimale à prendre
en compte et aux questions de seuils (FANTA, 2006 ; Moursi, 2008).
Utilisation des scores de diversité
alimentaire
Les scores de diversité alimentaire sont censés
représenter l'adéquation nutritionnelle du régime
alimentaire. Des études ont été menées dans
quelques pays en voie de développement afin de valider ces scores (Ruel,
2003). L'une de ces études réalisée au Mali a
montré que les SDA ont une réelle signification par rapport
à la couverture des besoins (Hatloy A. et 1998). Les indices de
diversité alimentaire ont souvent été
étudiés par rapport à l'état nutritionnel des
individus évalué par des mesures anthropométriques. Au
Mali, une étude a montré qu'en milieu urbain, le risque pour les
enfants de 6 à 59 mois ayant un SDA faible de présenter un retard
de croissance est deux fois plus élevé (Hatloy et al, 2000). Une
analyse des données de 11 enquêtes démographique et de
santé a montré une relation entre le retard de croissance des
enfants de 6 à 23 mois et leur diversité alimentaire après
ajustement sur les facteurs socioéconomiques dans 7 des 11 pays. Des
études de validation plus récentes, ont montré une
relation entre SDA et l'adéquation en micronutriments de l'apport des
enfants de 1 à 8 ans non allaités (Daniels et al, 2007 ; Steyn,
2006 ; Kennedy, 2007).Ces études montraient que le SDA était
positivement corrélé avec l'apport en nutriment (Kennedy, 2007 ;
Steyn, 2006) et la densité en micronutriments (Daniels, 2007). Un score
de 4-5 (pour un maximum de 9-10) a été identifié comme
meilleur score pour détecter un bas niveau d'adéquation en
micronutriments. Dans d'autres études, au Philippines (Daniels et al,
2007), les auteurs ont évalué l'effet de la prise en compte d'un
minimum de 10grammes dans la construction du SDA et ont montré que le
score est corrélé avec les mesures d'adéquation en
micronutriments et la capacité du score à prédire une
faible adéquation.
Enfin, il a été démontré que la
diversité alimentaire des ménages est liée à leurs
accès à la nourriture qui est une composante de la
sécurité alimentaire (Hoddinott et Yohannes, 2002) ; en 2007,
Masson, après avoir trouvé une relation statistiquement
significative entre la diversité alimentaire et l'indice poids pour
taille chez les enfants de 6 à 35 mois en milieu rural au Burkina Faso
conclut que les scores de diversité alimentaire semblent utiles pour
identifier les enfants vulnérables sur le plan nutritionnel en contexte
rural africain.
|