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L'interprétation des clauses anti-abus contenues dans les conventions fiscales bilatérales

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par Till JOUAUX
Université Lumière Lyon 2 - Master 2 Droit Privé Général 2010
  

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Chapitre 1 - Les valeurs respectives des normes d'interprétation

Les lignes directrices d'interprétation des conventions fiscales que suivent les juges français n'obéissent pas à un régime unique et proviennent de plusieurs sources. Au delà des solutions auxquelles elles mènent, il est intéressant d'observer leur valeur juridique et la pertinence de leur emploi, que ce soit par le juge français mais également par le juge étranger, afin de mettre en lumière cette autonomie formelle qui caractérise désormais l'interprétation juridictionnelle. Les méthodes que dictent ces normes, Convention de Vienne sur le droit des traités, conventions fiscales et modèle OCDE, seront ensuite étudiées en fonction de leur importance effective.

Section 1 - La Convention de Vienne sur le droit des traités

La Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 a été adoptée dans le cadre de l'Organisation des Nations Unis et codifie les relations conventionnelles de droit

61 Cass., Ch. Mixte, 24 mai 1975, Société des cafés Jacques Vabre (Bull. Ch. Mixte, n° 4 p. 6).

62 CE Ass., 20 octobre 1989, Nicolo (Rec. CE 1989, p. 190).

international public ; lors de son adoption par l'Assemblée générale de l'ONU en 1969, la France fut le seul pays à voter contre. Elle est entrée en vigueur le 27 janvier 1980 dans 35 États et désormais ce sont plus de 100 pays qui l'ont ratifiée.

En Suisse, où la Convention est entrée en vigueur le 6 juin 1990, la jurisprudence du Tribunal fédéral se fonde sur ses principes afin d'interpréter les conventions fiscales. On peut citer par exemple l'arrêt du 4 avril 2006, relatif à interprétation de la convention franco-suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 9 septembre 1966 63. C'est le cas également au Canada, en Australie ou encore en Grande-Bretagne 64.

Alors que dans le reste du monde cette Convention fixe les règles relatives à l'interprétation des conventions 65, ceci dans un souci d'uniformisation des solutions afin que les dispositions conventionnelles n'aient pas de signification différente selon les pays où elles sont appliquées, en France elle n'a pas de valeur juridique formelle. Cette nouvelle particularité française en matière d'interprétation des conventions fiscales s'explique par le fait que la France ne souhaitait pas reconnaître de valeur contraignante à la notion de jus cogens, ordre public international auquel les États ne peuvent déroger, y compris par voie de traités.

En effet, cette notion centrale de la Convention fragiliserait la force des conventions internationales qui, pour méconnaissance de cette norme aux contours indistincts, pourraient être annulées, créant de ce fait une trop grande insécurité juridique.

Ainsi, n'étant pas partie à cette convention, la France n'est pas liée par ses termes et ne lui reconnaît pas l'autorité supérieure à celle des lois que l'article 55 de la Constitution attribue aux conventions régulièrement ratifiées.

Cependant la spécificité de cette convention internationale n'est pas d'établir un droit conventionnel international nouveau, mais de reconnaître et codifier celui déjà existant, celui que l'on nomme coutume internationale, c'est-à-dire la pratique constante de l'ensemble des États ayant acquis force de droit. C'est la raison pour laquelle beaucoup d'auteurs étrangers considèrent que cette coutume internationale, universelle, est opposable à tous les États, y compris ceux n'ayant pas ratifié l'outil conventionnel qui la codifie 66.

En France, il semble que cet argument ne suffise pas à emporter la conviction du juge,

63 Décision « 2A.416/2005» du 4 avril 2006, disponible sur le site http://www.bger.ch.

64 V. UCKMAR, Double Taxation Conventions, p. 157. In : A. AMATUCCI Ed., International Tax Law, Pays-Bas, Kluwer Law International, 2006.

65 Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, articles 31 à 33.

66 X. OBERSON, Précis de droit fiscal international, Bern, 3e éd., Stämpfli, coll. Précis de Droit Stämpfli, 2009, p. 30.

qui, à défaut de reconnaissance de la valeur juridique de la coutume internationale au sein de la Constitution, se trouve dépourvu du pouvoir de fonder son raisonnement sur les indications de ce texte. Ainsi, le Conseil d'État considère que « ni cet article (art. 55 de la Constitution) ni aucune autre disposition de valeur constitutionnelle ne prescrivent ni n'impliquent que le juge administratif fasse prévaloir la coutume internationale sur la loi en cas de conflit entre ces deux normes » 67. Il est d'ailleurs étonnant de voir que dans cette affaire, la Haute cour administrative se fonde notamment sur les statuts de la Cour internationale de justice, concernant la question du régime des pensions en cause, et que ces statuts à l'article 38, reconnaissent la valeur de la coutume internationale en tant que source applicable par elle à la résolution des différends de droit international.

Il est donc entendu à travers cette jurisprudence que nulle coutume internationale ne prévaut sur l'ordonnancement juridique interne. Cependant un arrêt du 21 avril 2000 a pu provoquer des doutes sur la position du Conseil d'État puisque dans l'un de ses considérants, l'arrêt dispose que « dans le cas de concours de plusieurs engagements internationaux, il y a lieu d'en définir les modalités d'application respectives conformément à leurs stipulations et en fonction des principes du droit coutumier relatifs à la combinaison entre elles des conventions internationales » 68. En se référant ainsi au droit coutumier international, le Conseil d'État n'en consacre pas pour autant sa valeur en droit positif. En effet le recours à cette notion ne sert même pas à faire prévaloir l'une des conventions sur l'autre, mais simplement à indiquer, si cela était nécessaire, que deux textes de même valeur ne se contredisant pas peuvent être appliqués en même temps.

Concernant la jurisprudence judiciaire cependant le doute est permis, bien que son rôle dans le contentieux fiscal international soit moins prégnant. En effet la chambre criminelle a consacré le rôle de la coutume internationale et sa suprématie par rapport à la loi pénale dans un arrêt Kadhafi 69. Ainsi, en visant les principes généraux du droit international, la chambre criminelle a écarté la poursuite de l'instruction à l'encontre du président libyen pour son rôle présumé dans l'attentat du DC 10 de la compagnie UTA en 1989. Ce faisant elle reconnaît la prévalence de la coutume internationale (d'immunité des chefs d'états en exercice) sur la loi française.

Cependant il n'est pas certain que cette solution soit adoptée par les autres chambres de la Cour de cassation, ni que la coutume internationale reconnue par les juges englobe plus que

67 CE Ass., 6 juin 1997, Aquarone (n° 148 683, Rec. CE 1997, p. 206), confirmé par CE, 28 juillet 2000, Paulin (n° 178 834, Rec. CE 2000, p. 317).

68 CE, 21 avril 2000, Zaïdi (n° 206 902, Rec. CE 2000, p. 159).

69 Cass. Crim., 13 mars 2001, Kadhafi (pourvoi n°Z.00.87-215 arrêt n°1414).

des questions d'immunité diplomatique.

Ainsi en droit français, il apparaît que les questions d'interprétation des conventions, notamment fiscales, n'obéissent pas de manière formelle à des méthodes dictées par le droit international coutumier, qu'il soit codifié ou non.

Il est cependant fort possible que le juge français ait recours à des méthodes propres qui soient proches de celles prévues aux articles 31 à 33 de la convention de Vienne. En effet, pour qu'autant de pays considèrent ces règles comme ayant valeur coutumière, c'est que celles-ci reflètent une pratique étatique partagée, à laquelle la France ne peut être totalement étrangère.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo