Une action éducative dans le quotidien et en projet : un exemple de prise en charge de l'anorexie mentale de l'adolescente en milieu hospitalier psychiatrique( Télécharger le fichier original )par Audrey Marie-France GERARD Institut Jean-Pierre Lallemand - Graduat Educateur Spécialisé 2011 |
3.3. LES CONSÉQUENCES PSYCHO-COMPORTEMENTALESDe plus, la triade symptomatique coexiste toujours avec les symptômes du conflit mental ainsi que les caractéristiques psycho-comportementales associées. Ceux-ci seront définis par un ensemble de modifications inadaptées d'attitudes comportementales et psychologiques vis-à-vis de la nourriture, du corps, du poids, de la santé et des relations sociales. Les différentes modifications étant intimement liées seront présentées conjointement et accompagnées d'observations psycho-comportementales spécifiques et de quelques Psycho-Comportements Observables (PCO), particulièrement utiles à l'action éducative au quotidien et en projet. 3.3.1. LES SYMPTÔMES DU CONFLIT MENTALLes différents auteurs39(*) spécialistes de l'AM s'accordent pour définir plusieurs symptômes du conflit mental, dont je présenterai ici les huit principaux : la conduite active de restriction alimentaire, la peur de grossir et le désir de minceur, la dysmorphophobie, le perfectionnisme, l'hyperactivité intellectuelle et physique, l'agnosie, une grande labilité émotionnelle, la pauvreté et les changements de la vie relationnelle. A. La conduite active de restriction alimentairen Contrôle et changement du comportement alimentaire Observations psycho-comportementales Le symptôme le plus significatif du conflit mental est la conduite active de restriction alimentaire qui se manifeste par l'apparition de nouvelles attitudes alimentaires et la mise en place de stratégies de contrôle (du poids, du corps et de ses besoins primaires). Ce besoin de contrôle va engager l'adolescente à vivre dans une sorte d'ascétisme des désirs et des besoins. Telle une discipline de vie, un ensemble d'exercices physiques et moraux seront pratiqués en vue d'une maîtrise de soi et d'un perfectionnement corporel. Dans un premier temps, la restriction alimentaire va augmenter l'excitation et le plaisir provoqués par la sensation de faim. La prise d'aliments étant vécue comme une agression, la jeune fille va prendre plaisir à lutter contre l'envie de manger et à contrôler ses besoins. La faim et le corps maîtrisés ainsi que la perte du poids qui s'ensuit représentent pour l'adolescente anorexique la domination du Sujet (Moi - Esprit) sur l'Objet (Moi - Corps) et le Monde, affichant donc aux autres sa force de volonté et sa réussite dans le contrôle de sa vie. C'est à travers ses fausses croyances et ses conduites restrictives qu'elle trouvera un sentiment de maîtrise de soi et une satisfaction personnelle intense, la confortant ainsi dans sa manière de vivre. Puis tardivement et progressivement, dénutrition et dépression conditionnées s'installent. Et suivant un processus inverse, elles renforceront ses doutes intérieurs et son manque de confiance en soi. La réaction de la jeune fille sera alors d'intensifier le contrôle alimentaire provoquant ainsi l'anorexie (perte de l'appétit), l'automatisation des conduites restrictives, et finalement l'enfermement dans ces conduites. PCO L'adolescente adopte différentes techniques de contrôle : - Pensées et préoccupations obsédantes autour de la nourriture L'adolescente favorise les discussions sur l'alimentation, collectionne des recettes, confectionne des repas pour les autres, vole de la nourriture, cache de la nourriture, etc. - Restrictions alimentaires quantitatives et qualitatives L'adolescente mange par petites quantités, sélectionne les aliments d'une façon rigide, etc. - Classification personnelle stricte et non nuancée des aliments imposée comme code de bonne conduite L'adolescente classe les aliments en deux catégories («bons«, peu caloriques donc permis et «mauvais«, caloriques donc interdits), fait des recherches sur la valeur calorique des aliments, etc. - Attitude particulière lors des repas L'adolescente joue avec la nourriture, coupe les aliments en petits morceaux, trie les aliments, mâchonne longuement, fait du mérycisme, abuse d'épices et/ou de boissons (eau, café, thé), calcule les calories, parle très peu, s'isole pour manger, etc. - Érotisation de la nourriture L'adolescente prend plaisir à ressentir la faim, à regarder la nourriture, à observer les gens manger, à humer les odeurs de nourriture, etc. - Prise de substances addictives L'adolescente consomme plus de tabac, des médicaments (laxatifs, diurétiques, coupe-faim, vitamines), et dans certains cas moins fréquents de la drogue et/ou de l'alcool40(*). n Perte de contrôle, boulimie et manoeuvres purgatives Observations psycho-comportementales Les crises de boulimie sont des comportements compulsifs, conséquences paradoxales des conduites de contrôle du poids, qui surviennent entre ou pendant les repas : l'adolescente perd le contrôle de son alimentation et va ingurgiter rapidement les aliments, sans éprouver de sensation de faim ou de plaisir. Après cet échec de contrôle, la panique et la culpabilité surgissent et poussent la jeune fille à une réaction purgative instantanée traduite par des vomissements provoqués et des réactions restrictives secondaires. Au début, les vomissements sont volontaires puis deviennent automatiques, la perte de contrôle est alors totale pour ces adolescentes souffrant de ce type mixte d'AM. PCO Crises de boulimie et purges L'adolescente ingurgite rapidement de la nourriture, se fait vomir suite à un repas, vomit automatiquement après ou durant le repas, est hyperactive, fait de la potomanie compulsive, abuse de médicaments, se sent honteuse, culpabilise, est paniquée, intensifie ses restrictions alimentaires, etc. * 39 - Simon, Y., & Nef, F. (2002). Comment sortir de l'anorexie ? : Et retrouver le plaisir de vivre (pp. 40-44, 86-90). Paris, France, Odile Jacob. - Vanderlinden, J. (2006). Vaincre l'anorexie mentale (pp.15-24). Bruxelles, Belgique, De Boeck & Larcier s.a. * 40 Le phénomène de l'«alcoolorexie«, (contraction de alcool et anorexie), pose actuellement un grave problème de santé publique. |
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