1.4.1.1 La voix aiguë
La voix aiguë est associée aux femmes, aux
enfants et aux eunuques. Cependant ce sont seulement les femmes qui portent
une « beauté de timbre », alors que les voix des
enfants n'ont pas de consistance, la voix des eunuques est « le plus
désagréable de tous les timbres de la voix humaine »
(Framery, Ginguene & Momogny, 1808 : 556). Les femmes produisent une
voix aiguë par le fait que leur larynx est plus petit que celui des
hommes. Dans l'opéra la voix aiguë des femmes est utilisée
pour exprimer des émotions, de la tristesse et de l'angoisse. La voix
aiguë chez les femmes est un signe de leur féminité. Selon
Abitbol, les nourrissons réagissent mieux aux voix aiguës qu'aux
voix graves.
Alors que les porteuses de voix aiguë sont
considérées comme «belles et fidèles »
les autres porteurs de voix aiguë sont considérés comme
infidèles. Comme le développement de la voix grave chez les
hommes est associé avec le développement hormonal, notamment la
croissance sexuelle, par conséquent la virilité, le signe
d'être un homme, la voix aiguë chez les hommes est
considérée comme un manque de sperme, de virilité donc
tous ses attributs sont négatifs. Giambattista Della Porta explique le
point de vue d'Aristote par rapport à la voix aiguë chez les
hommes dans son livre La Physionomie Humaine paru en 1655 :
« la voix claire ou aiguë dénote la
timidité car les animaux craintifs l'ont aiguë, tel que le cerf et
le lièvre ». Aristote associe la voix aiguë avec
l'imbécillité et un homme facile à irriter.
1.4.1.2 La voix grave
Comme la voix grave provient du larynx grand des hommes elle
est associée avec la masculinité et la dominance. Une voix
aiguë suggère la petite taille du locuteur, c'est pourquoi l'on
tend à utiliser des vocalisations plus aiguës que d'habitude
lorsque l'on essaie de décourager l'agressivité de quelqu'un, de
lui faire entendre que l'on se subordonne ou que l'on se soumet à lui,
ou que l'on désire coopérer avec lui. Une voix grave a des
connotations inverses: de confiance en soi, d'affirmation, de domination,
d'autosuffisance, etc. (Zei, 1995). Abitbol écrit qu'à la
préhistoire, l'homme est à la recherche de sa nourriture, il
court sur la terre ferme, son langage se perfectionne. Les chefs de tribu
s'imposent par leur voix. Les mâles ont une voix dominatrice.
Si chez l'homme la voix grave et forte accompagne les
qualités morales, elle est chez la femme un signe de turpitude ou de
déchéance ( Neboit- Mombet, 1997 : 29). Pendant le
18ème siècle la voix grave chez les filles fut
associée avec « vice et pilosité
foncée ». L'on crut que les « violents
désirs vénériens » pouvaient
entraîner des enrouements dans la voix des femmes. Les femmes avec la
voix grave sont aussi considérées comme celles qui abusent des
boissons fortes et ayant un gout illicite pour les personnes de sexe
féminin.
Donc, la voix aiguë est classifiée comme la voix
idéale des femmes et la voix grave comme celle des hommes. Ces
classifications deviennent des stéréotypes quand ils sont
associés aux préjugés d'une société
patriarcale qui a des idées prédéfinies des `hommes' et
des `femmes' et de leurs rôles sociaux. A notre époque actuelle
on trouve que ces différences restent. Dans les médias les voix
féminines sont souvent aiguës et les voix mâles sont graves.
La voix humaine est considérée comme un reflet de
l'innocence de l'enfance. De fait, la mue masculine, survenant vers treize ou
quatorze ans pourrait être définie comme une « maladie
sonore que seule la castration guérit ». Cette mue pubertaire
consacre définitivement la perte d'innocence, et cette innocence perdue,
étouffée s'entend dans la tonique sombre de la voix adulte des
mâles. Les hommes perdent leur voix d'enfant, et ils sont à
jamais des êtres à deux voix : la voix d'une origine perdue en
filigrane de la voix d'une plénitude acquise. Aux femmes la voix est
fidèle. Les femmes persistent et meurent en soprano. Leur voix est un
soleil qui ne meurt pas. (Badir&Parret, 2001 : 8).
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