1.5 Représentation Linguistique
Ce qui distingue la voix d'autres bruits humains comme le cri
et le hurlement c'est la langue. Le langage est le corps de la voix. Le
langage n'est pas immatériel, il est corps subtil, mais il est corps.
(Lacan cité par Ducard, 2001 : 204) L'apprentissage de la langue
est lié avec le développement du cerveau. Selon les
théories des behavioristes la pensée et la langue vont de pair.
Il n'y a pas de pensées non-verbalisées. Selon la théorie
du déterminisme linguistique de Sapir-Whorf, les individus s'appuient
sur la langue pour former leurs idées. Chaque langue a un lexique et une
grammaire différents, par conséquent, les locuteurs des langues
diverses expérimentent le monde différemment. Bien qu'il existe
plusieurs critiques de cette théorie on ne peut pas nier l'influence de
la langue sur la pensée. Alors que la voix est plutôt une
représentation individuelle, la langue représente une culture.
Stuart Hall dans son étude des représentations affirme que la
culture est faite de « significations
partagées ». Les participants de chaque culture donnent
des significations aux choses, peuples, et événements par la
langue. La langue devient un moyen de donner un sens aux choses ainsi que de
faciliter les productions et l'échange de ces significations.
Pendant l'époque de colonisation, les langues, par
conséquent, les cultures des pays colonisateurs ont dominé.
Edward Said soutient que les langues sont une partie importante du processus
de décolonisation et de la culture de la résistance. La recherche
de l'authenticité d'une origine nationale plus réelle que celle
de l'histoire coloniale, d'un nouveau panthéon de héros et
(à l'occasion) d'héroïnes, de mythes, de religions - tout
cela n'a été possible que grâce au sentiment de
réappropriation de la terre par son peuple. Et ces premières
ébauches nationalistes de l'identité décolonisée se
sont toujours accompagnées d'un essor presque magique, presque
alchimique, de la langue indigène (Said 1994, 2000 : 322)
1.6 Représentation par la parole
Le dictionnaire Le Robert Micro définit la
parole comme : Faculté de communiquer la pensée par un
système de sons articulés (une langue) émis par la voix.
Etudiant le rôle de la parole dans un cadre religieux Thierry Paquot
écrit « Le Christianisme est certes une des religions du
Livre mais d'un livre, ne l'oublions pas rassemblement des paroles :
« Au commencement était le Verbe
Et le Verbe était avec Dieu
Et le Verbe était Dieu »
La parole est ce qui distingue, ce qui convainc, ce qui
rassemble, mais aussi ce qui oppose, condamne, éloigne, divise et
excommunie. La Parole utilise la métaphore, la parabole, et se fait
enseignement. La parole brandit la menace, dénonce les
hérésies, appelle à la croisade, elle se fait
mobilisatrice. La parole est réconfort, sécurité, appui.
Cependant la parole est aussi contestation, discussion, remise en cause.
En 1215, les universités apparaissaient. La parole
universitaire s'organise comme scolastique et est fondée sur la
« question » et la « dispute ». Pour
les métiers nés du développement du droit et de la justice
l'utile est aussi la parole. Un nouveau personnage de la société
est l'avocat qui représente ceux qui ne pouvaient pas se
représenter. (Le Goff et Schmitt cité dans Paquot, 1992). Dans
les « Coutumes de Beauvais » Philippe de
Beaumanoir présente ce nouveau venu sur la scène sociale
« comme beaucoup de gens ne savent pas comment se servir de
coutume, ni comment plaider leurs causes, ils cherchent des personnes qui
« parolent » pour eux ; et ceux qui
« parolent » pour autrui sont appelés
avocats ».
Les cafés devinrent les nouveaux espaces de la parole
au XIXème siècle. L'émergence de la presse écrite
renforce cette évolution. Point de rencontre et de confrontation directe
et extérieure à la rue, le café est une barricade
dressée à la hâte avec des moyens de fortune qui
façonne une entraide sociale et provoque une communication
élémentaire. Ce sont les contestations qui cimentent les
rapprochements, par définition provisoires et précaires. Le
café est donc un lieu d'intégration et d'exclusion à la
fois. Mais la voix qui s'élève dans ce nouveau temple des
Idées n'est pas une parole improvisée : c'est un
commentaire. Cette voix lit et apprécie les arguments de l'auteur d'un
texte, d'un texte imprimé. En effet sans la presse écrite pas de
café de ce genre. (Paquot, 1992).
1.6.1 Topoï
La théorie de topoï a été
introduite en 1983 par Anscombre et Ducrot. Les topoï sont les
inférences qui autorisent la passage de l'argument (A) à la
conclusion (C) dans des enchaînements argumentatifs de type A + C (Ducrot
1988 : 1 cité dans Anquetil, 2006) . Par exemple dans
l'énoncé suivant (emprunté à Bruxelles, Ducrot,
& Raccah, 1993 : 91, par Anquetil, 2006)
Il a certainement gelé cette nuit car les plantes
sont mortes
le passage de A et C est garanti par le biais de topos
T2 : Plus il fait froid, plus les plantes souffrent
//
Il faut encore préciser les trois principaux
caractères que Ducrot (1988) attribue aux topoï.
1. Ce sont des croyances communes et partagées par un
groupe social qui se compose d'au moins deux personnes
2. Ils ont vocation à la
généralité : pour qu'ils soient valables, il faut
qu'ils vaillent dans d'autres circonstances que celles où le discours
les emploie.
3. Les topoï sont graduels. Cette gradualité
n'apparait pas toujours.
La sociologue Pierre Bourdieu limite la patrimoine d'un
individu aux différentes formes de capital qui sont le produit de son
apparence sociale - capital économique, social, culturel. Sophie
Anquetil ajoute deux formes de capital en plus à cette liste - Le
capital physique et le capital mental.
1 Le capital physique : désigne
l'ensemble des propriétés naturelles d'un individu (la force
physique, la taille, l'ouïe, la vue, l'endurance...) ; ces
propriétés peuvent être génétiques
(lignée familiale dont l'individu est issu), ou acquises (entretien
qu'on individu accorde à sa condition physique).
2 Le capital mental : est composé
à la fois du degré d'intelligence d'un individu (ou d'aptitudes
intellectuelles qui permettent de répondre à une situation
spécifique) et de sa force psychologique.
3 Le capital économique : comprend
à la fois les biens matériels (voiture, logement...) et les
revenus d'un individu. Il peut être individuel ou collectif.
4 Le capital social : est l'ensemble de
relations personnelles qu'un individu peut mobiliser quand il en a besoin.
C'est son réseau social.
5 Le capital culturel : désigne
l'ensemble des ressources culturelles dont dispose un individu. Il est le
produit du système scolaire et de la famille. Et suivant qu'il est
incorporé, objectivé, institutionnalisé, il peut prendre
des formes variées, connaissances culturelles, langage, etc ; Dans
ce capital culturel pour ma part j'ajouterai la religion ou un système
de croyance étant donné que ce mémoire analyse ces
aspects. Donc, les topoï de la parole stéréotypée
s'appuient sur les formes de capital listées ci-dessus.
Puisque les stéréotypes en tant
qu'éléments essentiels de la signification naissent de
l'interaction humaine, la signification même s'avère être le
résultat de négociations entre les membres de la
communauté linguistique donnée. La connaissance et la
signification d'une chose donnée implique ou présuppose donc la
connaissance des stéréotypes présents dans la
communauté linguistique respective. Les marqueurs
sémantiques sont à considérer comme les invariants
sémantiques, c'est-à-dire les éléments stables et
objectifs de la signification. Par contre les stéréotypes
reflètent les opinions prédominantes dans une communauté
linguistique donnée sur un certain référent
réalisé sur le plan linguistique par son signe. Autrement dit, le
stéréotype n'a rien à voir avec les
propriétés du référent du signe, mais ce qu'il
représente, c'est l'opinion fondée ou non fondée des
membres de la communauté linguistique respective (Harras cité
dans Danler, 2007 : 66).
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